Formation : beaucoup de fraudes, peu de contrôles (Cour des comptes)

Par latribune.fr  |   |  500  mots
En janvier 2016, François Hollande a annoncé la création de 500.000 places de formation en plus pour les chômeurs. Mais pour que la qualité suive la quantité, et face à la multiplication des fraudes à la formation professionnelle, la Cour des comptes réclame une réforme de fond en comble du pilotage de l'Etat, en commençant par faire mieux que contrôler seulement 0,8% par an des 75.551 prestataires.
32 milliards, c'est le budget que la France consacre chaque année à la formation professionnelle continue. Mais le secteur qui bénéficie de cette manne est complètement atomisé, les procédures d'accès au marché très souples, et les contrôles, quasi-inexistants. En 2014, l'administration dénombrait quelque 76.551 prestataires de formation, dont seulement 630, soit 0,8%, ont été contrôlés par l'Etat.

"Organisation complexe" et "multiplicité d'acteurs" sont les principaux facteurs responsables de l'exposition très forte du secteur de la formation professionnelle à la fraude, selon le rapport annuel de la Cour des comptes publié mercredi. En 2014, l'administration dénombrait quelque 76.551 prestataires de formation, dont seulement 630, soit 0,8%, ont été contrôlés par l'Etat.

Fausses listes, surfacturations...

Les magistrats de la rue Cambon pointent le fait que, dans ce secteur très atomisé, les très nombreux prestataires, qui se partagent une manne de 32 milliards d'euros (chiffres 2012 de la Dares) chaque année, sont insuffisamment contrôlés :

"Les irrégularités et les fraudes les plus fréquentes émanent de (ces) prestataires", observent les Sages.

Il s'agit parfois de "mécanismes de fraude de grande envergure", mais plus souvent de "montages très simples" (fausses listes d'émargement, surfacturation des heures de stages, majoration du nombre d'heures effectuées), dont la mise au jour s'avère pourtant "particulièrement difficile".

Absence de pilotage de la lutte contre la fraude

Face aux risques élevés, la Cour dénonce "l'absence de politique de lutte contre la fraude". De fait, l'Etat ne dispose que de 152 agents affectés au contrôle des actions de formation professionnelle, mais en outre, leur répartition est "déconnectée des priorités d'action identifiées au niveau national". Ces ressources humaines sont gérées au niveau régional, avec un pilotage national "insuffisant".

La Cour appelle l'Etat à mettre en place une "organisation plus adaptée aux enjeux", notamment à travers une "stratégie de contrôle fondée sur une programmation annuelle".

Moins de 10 sanctions appliquées par an

Autre défaillance: l'arsenal de sanctions est "peu mis en oeuvre en raison de la lourdeur des procédures", selon la Cour, qui note que "les cas de fraudes caractérisées donnant lieu à sanction sont très peu nombreux - moins d'une dizaine par an".

Pour rendre l'arsenal plus dissuasif, la Cour recommande d'autoriser les Direccte*(administrations régionales du travail) à "prononcer des amendes administratives" à l'encontre des organismes qui manquent à leurs obligations.

Les Opca ne contrôlent pas assez les formations qu'ils financent

Outre l'Etat, les Opca sont dans le collimateur de la Cour des comptes: ces organismes paritaires sont agréés par l'Etat pour collecter et dépenser les cotisations formation des entreprises, mais leur gestion est "inadaptée", fustigent les Sages. "La plupart" ne consacrent que "peu de moyens" au contrôle des formations qu'ils financent, "les contrôles sur place sont peu nombreux et les contrôles inopinés sont quasi inexistants", regrette la Cour.

Depuis une loi de 2014, les Opca doivent s'assurer de la capacité des prestataires à "dispenser une formation de qualité". Cette "évaluation en amont" devrait "à l'avenir limiter l'accès au marché de la formation de structures aux pratiques défaillantes ou anormales", mais il faut aller plus loin, selon la Cour.

(Avec AFP)

(*) Direccte : Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi