Gilets jaunes : la mobilisation n'échappe pas aux échauffourées

Par latribune.fr  |   |  920  mots
Sur les Champs-Elysées, les gilets jaunes affrontent les forces de l'ordre. (Crédits : Stephane Mahe)
Cette nouvelle journée de mobilisation sera scrutée de près par les observateurs pour jauger la dynamique du mouvement ou son éventuel essoufflement. Le gouvernement peine à circonscrire un mécontentement, au lendemain d'une tentative ratée de négociations à Matignon. Sur les Champs-Elysées, les échauffourées ont commencé tôt ce samedi matin.

Le troisième samedi de mobilisation des "gilets jaunes", décidés à maintenir la pression sur le gouvernement, a donné lieu depuis le début de matinée à Paris à de nouvelles échauffourées avec les forces de l'ordre près de l'Arc de Triomphe nimbé de gaz lacrymogène.

"200 manifestants pacifiques sur les Champs-Élysées. 1.500 perturbateurs à l'extérieur du périmètre venus pour en découdre", a dénoncé sur Twitter le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, chiffrant en fin de matinée à 59 interpellations, alors que 5.000 membres des forces de l'ordre sont mobilisés samedi à Paris.

Dès 8H45, des manifestants ont tenté de forcer un point de contrôle sur le haut de l'avenue, près de la place de l'Étoile, avant d'être dispersés par les forces de l'ordre à coups de gaz lacrymogènes.

Edouard Philippe à la préfecture

En fin de matinée, les échauffourées se concentraient toujours au pied de l'Arc de triomphe, plongé dans un nuage de gaz lacrymogène, a constaté une journaliste de l'AFP. Les forces de l'ordre faisaient usage de canons à eau contre les manifestants, pour certains encagoulés et masqués.

Avenue des Ternes, un manifestant a été arrêté par des policiers en civil qui avaient revêtu des gilets jaunes, a constaté un journaliste de l'AFP.

Plusieurs d'entre eux ont lancé des pavés sur des camions de gendarmes mobiles avenue de la Grande armée, où presque tous les commerces sont fermés.

"Compte tenu des incidents en cours à Paris", le Premier ministre Édouard Philippe a annoncé qu'il se rendrait vers midi à la préfecture de police de Paris.

Chantal, 61 ans, retraitée des Yvelines, évite de s'approcher des accrochages: "On nous a dit qu'il y avait les casseurs devant". Pour elle, "il faut qu'il (Macron) descende de son piedestal, qu'il comprenne que le problème c'est pas la taxe, c'est le pouvoir d'achat. Tous les mois je dois piocher dans mon livret d'épargne".

Dans un groupe de manifestants venus de Haute-Loire, de Bretagne et de l'Aisne, beaucoup se disaient déçus de ne pas pouvoir manifester normalement avec les heurts qui ont débuté très vite. D'autres manifestants s'employaient à éteindre les feux de poubelles, a constaté l'AFP.

Un "combat légitime" mais "discrédité" par les violences

"Il y a une volonté de casse et ça discrédite un combat légitime qu'exprimaient beaucoup de gilets jaunes", a déclaré sur LCI la ministre de la Santé Agnès Buzyn.

Quelques centaines de personnes s'étaient retrouvées dès 8H00 au pied de l'arc de Triomphe, bien avant l'heure prévue du rassemblement à 14H00.

Fermée à la circulation, l'avenue était emplie de camions de CRS et l'accès des piétons était soumis à des fouilles.

Le dispositif policier pourrait mobiliser environ 5.000 membres des forces mobiles dans la capitale, où est également prévue une manifestation de la CGT.

"Notre responsabilité est de faire en sorte que tout se passe au mieux", a affirmé avant les incidents le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, en déplacement sur les Champs-Élysées. Par crainte d'incidents, des panneaux de bois ont été apposés sur certaines vitrines.

Le 24 novembre, la manifestation parisienne avait pris une tournure violente et 103 personnes avaient été interpellées.

M. Castaner a également souhaité que la contestation "se structure" afin qu'un dialogue puisse s'établir.

"Il s'agit d'abord d'entendre les demandes qui sont très différentes, parfois d'un gilet jaune à un autre", a déclaré le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux sur LCI.

Vendredi, une réunion à Matignon n'a réuni que deux "gilets jaunes" et a tourné au fiasco.

Les gilets jaunes mobilisés en région

Quinze jours après l'acte de naissance des "gilets jaunes", les autorités guettent avec attention l'ampleur de cette nouvelle mobilisation. La première journée nationale, le 17 novembre, avait réuni 282.000 personnes, et la deuxième 106.000, dont 8.000 à Paris.

Ailleurs en France, plusieurs opérations de blocage et de filtrage étaient recensées notamment dans le Var au péage de Bandol sur l'A50 et dans les Bouches-du-Rhône aux barrières de péage de La Ciotat. Dans le Gard, des poids lourds bloquaient les plateformes logistiques de supermarchés à Nîmes.

Dans le sud-ouest, les "gilets jaunes" ont lancé des opérations "barrages filtrants" à Cahors (Lot), et dans 7 villes du Tarn. Sur l'autoroute A9, les manifestants ont ciblé le péage du Perthus, à la frontière entre la France et l'Espagne.

Des stations essence étaient bloquées dans l'agglomération de Pau, et des rassemblements avaient lieu à Toulouse, La Rochelle, Saintes et Bergerac notamment.

"La taxe sur le diesel, c'est une goutte d'eau. Il y a trop d'inégalités, plus ça va plus on s'enfonce, nous et surtout nos enfants", a déclaré Chantal, 68 ans, retraitée du secteur public lors d'un rassemblement à Lyon.

Malgré l'annonce par le chef de l'État Emmanuel Macron de prochaines mesures pour répondre à la "colère légitime" des manifestants, le mouvement qui a essaimé hors de tout cadre syndical ou politique engrange de nouveaux soutiens.

Trois collectifs de banlieue appellent ainsi à se joindre samedi aux "gilets jaunes" à Paris pour défendre les "quartiers populaires".

Du côté de l'ultradroite, l'Action française a indiqué à l'AFP attendre au moins 300 sympathisants sur les Champs-Élysées.

Un "rassemblement des artistes" est aussi prévu devant la salle de l'Olympia à 14H00, à l'initiative de l'humoriste Gérald Dahan.

(Avec AFP)