"Attaque" de la Pitié-Salpêtrière : sous le feu des critiques, Castaner fait marche arrière

Par Reuters  |   |  1030  mots
(Crédits : Gonzalo Fuentes)
Pendant la manifestation du 1er-Mai, des manifestants ont pénétré dans l'enceinte d'un hôpital parisien. Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a parlé d'"attaque", le Premier ministre l'a soutenu utilisant les adjectifs "innaceptable" et "inexcusable". En fin de matinée, accusé de "fake news", critiqué de toutes parts, le ministre de l'Intérieur se livrait, en conférence de presse depuis Toulon, au délicat exercice du rétropédalage.

[Article publié le vendredi 3 mai à 12h20, mis à jour à 13h20]

Attaque inacceptable ou récupération politique par le gouvernement : l'intrusion d'une cinquantaine de personnes dans l'enceinte de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, en marge du défilé parisien du 1er-Mai, a fait débat jeudi.

Les 32 personnes qui avaient été placées en garde à vue après cette intrusion pour participation à un groupement en vue de commettre des dégradations ou des violences ont été remises en liberté jeudi en fin d'après-midi, a-t-on appris auprès du parquet de Paris.

Le gouvernement dramatise, mais la controverse enfle

La sûreté territoriale de Paris enquête sur les faits, très controversés.

Le Premier ministre Édouard Philippe a jugé "inacceptables" ces événements qui se sont déroulés boulevard de l'Hôpital, dans le 13e arrondissement de Paris, où les défilés ont été marqués par de nouvelles violences.

"Vouloir s'introduire dans un hôpital de cette façon n'est pas excusable", a-t-il déclaré lors d'un déplacement à Angoulême (Charente), en louant le comportement du personnel hospitalier qui a permis selon lui d'empêcher le pire.

"Si ce calme n'avait pas été au rendez-vous, les conséquences auraient pu être beaucoup plus graves", a-t-il déclaré à la presse.

Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a pour sa part évoqué une "attaque".

"Ici, à la Pitié-Salpêtrière, on a attaqué un hôpital. Et on a blessé un policier mobilisé pour le protéger", a-t-il écrit dès mercredi sur Twitter.

Devant la presse lors d'une visite à l'hôpital, le ministre ajoutait:

"Des infirmières ont dû préserver le service de réanimation. Nos forces de l'ordre sont immédiatement intervenues pour sauver le service de réanimation."

Martin Hirsch, le directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (et ancien président d'Emmaüs France), qui a porté plainte après l'intrusion, a estimé jeudi sur Franceinfo qu'on était "passé au bord d'une catastrophe".

"Il aurait pu se produire un drame dont je n'ose même pas imaginer les conséquences", a-t-il dit.

Prudence d'Agnès Buzyn

Mais pour une partie de la classe politique, le gouvernement fait de la récupération en dramatisant un événement qui n'a pas eu de conséquences, l'intrusion étant en partie le fait de personnes qui voulaient échapper aux gaz lacrymogènes.

"Prudence. Dans quelques heures, on découvrira que la soi-disant attaque de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière est une manipulation du système", a dit jeudi le chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, sur Twitter.

La ministre de la Santé Agnès Buzyn, qui s'est rendue sur place jeudi, a rappelé qu'il y avait bien eu intrusion dans l'enceinte de l'hôpital et que les manifestants s'en étaient ensuite pris à la porte d'entrée vitrée défendue par le personnel soignant mais elle a refusé de parler d'attaque.

"Aujourd'hui une enquête est en cours, je ne suis pas là pour qualifier les circonstances de cette tentative d'intrusion", a-t-elle dit à la presse.

"On peut aussi observer que les grilles de cet hôpital étaient fermées, étaient cadenassées (...) et il y a eu une volonté claire de forcer les grilles puisque les chaînes ont été cassées."

La directrice de l'hôpital, qui se trouvait derrière la grille, a signalé aux manifestants qu'ils pénétraient dans l'enceinte d'un hôpital. "Ils le savaient et ils ont souhaité pénétrer tout de même", a-t-elle dit.

Quant à la théorie selon laquelle les manifestants voulaient s'en prendre à un capitaine de CRS hospitalisé à la Pitié-Salpêtrière, elle s'est montrée dubitative. "Je ne vois pas très bien comment les manifestants sur place auraient pu avoir l'information", a-t-elle déclaré sur Europe 1.

Le personnel soignant de l'hôpital a relativisé les faits lors d'une conférence de presse jeudi.

"On ne s'est pas sentis en danger plus que ça", a dit Gwénaëlle Bellocq, une aide-soignante, précisant que les intrus avait "compris" qu'ils devaient quitter les lieux quand on leur a expliqué qu'il s'agissait d'un hôpital. Elle a loué l'intervention des forces de l'ordre qu'elle a jugé "efficaces, calmes, posées".

Le ministre de l'Intérieur finit par regretter le mot "attaque"

En fin de matinée, critiqué de toutes parts, accusé de "fake news", Christophe Castaner faisait marche arrière dans une conférence de presse depuis Toulon (Var) diffusée sur LCI où il regrettait d'avoir employé le mot d'"attaque":

"Je n'aurais pas dû employer le mot 'attaque'."

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> REVUE DE PRESSE (+VIDEO)

Non, l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière n'a pas été attaqué par des black blocs, ni dégradé (in LibérationCheckNews, le 2 mai 2019)

Affaire de la Pitié-Salpêtrière : Castaner sous le feu des critiques (Le Monde, le 3 mai à 11h23)

VIDÉO > La Pitié-Salpêtrière : la thèse de l'« attaque » s'effondre, les gardes à vue levées (Le Monde, le 3 mai 6h21, MàJ, 9h03)

Pitié-Salpêtrière: la majorité vole au secours de Christophe Castaner (Le Figaro, le 3 mai à 10h33)

Pitié-Salpêtrière: l'opposition demande des comptes à Castaner (Challenges, le 3 mai à 9h20)

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(Titre, chapeau, intertitres, liens et mises à jour sont de la rédaction de Latribune.fr)