Prostitution : l'Assemblée nationale vote la pénalisation des clients

Par latribune.fr  |   |  601  mots
Plusieurs associations de prostituées avaient manifesté à plusieurs reprises contre le projet de loi.
Le texte, voté ce mercredi par les députés après deux ans de navette avec le Sénat, sanctionne les clients de prostituées et supprime le délit de racolage. Deux nouvelles dispositions critiquées par plusieurs associations de prostituées.

Le Parlement français a adopté définitivement ce mercredi le texte de loi qui sanctionne les clients de prostituées d'une amende de 1.500 euros et supprime le délit de racolage. Des dispositions saluées par les associations féministes mais combattues par les prostituées.

Le Sénat, où la droite est majoritaire, refusait d'entériner ces deux mesures, et a rejeté trois fois le texte. L'Assemblée nationale, qui a constitutionnellement le dernier mot, a fini par voter cette proposition de loi socialiste au quatrième passage devant les députés.

La fin d'un long parcours

Ce vote met fin au long voyage d'un texte présenté pour la première fois à l'Assemblée en décembre 2013 et qui reprenait un engagement de François Hollande lors de sa campagne présidentielle de 2012.

Tous les groupes avaient laissé la liberté de vote à leurs députés, qui ont adopté le texte par 64 voix contre 12. Le PS et le Front de gauche ont majoritairement voté pour. Les groupes écologiste et des radicaux de gauche ont majoritairement voté contre, de même que celui des Républicains (LR).

Une loi "hypocrite"?

Si des associations réclamant l'abolition de la prostitution sont favorables à la pénalisation des clients, des associations de prostituées y sont hostiles, estimant qu'elle va les conduire vers la clandestinité et les fragiliser davantage. Environ 150 prostituées ont d'ailleurs manifesté leur colère devant l'Assemblée nationale avant le vote.

"Si les clients sont pénalisés ils vont avoir peur, les filles vont devoir se cacher pour pouvoir exercer leur métier et le client pourra imposer ses choix et notamment des rapports non protégés", assure Elisabeth Lansey, membre de l'association "Les amis du bus des femmes", jugeant la mesure "hypocrite".

En revanche, pour Claire Quidet, porte-parole du Nid, cette loi va renforcer les droits des prostituées:

"Les personnes prostituées ne seront plus considérées comme des délinquantes, quand elles seront agressées elles pourront aller porter plainte dans un commissariat de police, ce qu'elles n'osaient jamais faire jusque-là."

1.500 euros d'amende pour un client de prostituée

Le texte prévoit de sanctionner le recours à une prostituée par une contravention punie d'une amende de 1.500 euros. En cas de récidive, la sanction devient un délit puni d'une amende de 3.750 euros avec inscription au casier judiciaire.

Le recours à la prostitution de personnes mineures ou particulièrement vulnérables est passible d'une peine d'emprisonnement de trois ans et de 45.000 euros d'amende et jusqu'à sept ans d'emprisonnement et 100.000 euros d'amende lorsqu'il s'agit d'un mineur de quinze ans.

Le racolage passif supprimé

Le texte supprime également le délit de racolage que la droite avait réintroduit en 2003 et comporte une série de mesures visant à améliorer la protection et la réinsertion des personnes prostituées en leur facilitant l'accès à une titre de séjour, à un soutien financier et à un logement.

Il s'inspire des travaux d'une mission parlementaire sur la prostitution qui avait abouti en 2011 au vote à l'unanimité d'une résolution dénonçant la prostitution.

Selon le rapport de la commission spéciale chargée d'examiner cette proposition de loi, au moins 30.000 personnes se prostituent en France, dont 85% de femmes, le taux d'étrangères étant passé à 90%, la plupart venant de Roumanie, de Bulgarie, du Nigéria ou de Chine.

Plusieurs pays pénalisent déjà le recours à la prostitution comme l'Islande, la Norvège et la Suède. D'autres, comme la Grande-Bretagne et la Finlande, pénalisent les clients de prostituées victimes d'exploitation.

(Avec Reuters)