L’Occitanie crée un service public de médecine générale

Face aux déserts médicaux qui apparaissent sur le territoire, le conseil régional d’Occitanie a décidé de salarier des médecins généralistes. Reportage dans l’un des centres de la collectivité, à Mazamet. ( Cet article est issu de T La revue n°14 - Santé : un équilibre en jeu, actuellement en kiosque).
(Crédits : Frédéric Scheiber)

Difficile de passer à côté avec sa couleur rouge vif. Dans la maison de santé pluriprofessionnelle Simone Veil, à Mazamet (Tarn), le logo du conseil régional d'Occitanie est partout. À l'entrée de l'établissement, très récent, une plaque indique que cette maison de santé fait partie du dispositif « Ma Santé, Ma Région ». Comme celui-ci, une dizaine d'autres centres de santé complètent actuellement le dispositif dans la région, en Ariège, Haute-Garonne, dans les Hautes-Pyrénées, le Lot ou encore les Pyrénées-Orientales. « Nous avons créé un service public des soins primaires. C'est un choix politique car notre collectivité n'a aucune compétence dans la santé et cette action a pour principal but de lutter contre les déserts médicaux », présente Vincent Bounes, vice-président du conseil régional en charge de la santé et directeur du Samu à Toulouse. Une initiative portée par le Groupement d'intérêts publics (GIP) « Ma Santé, Ma Région », qui regroupe la collectivité, les conseils de l'ordre, des facultés, des syndicats, etc. Ce consortium ambitionne d'installer au moins 200 médecins généralistes et infirmiers en Occitanie, d'ici la fin du mandat en 2027, comme salariés de la collectivité régionale. Une première que tente aussi de mettre en œuvre la Région Centre-Val de Loire. Près de deux ans après les dernières élections régionales, ils sont déjà une trentaine en poste, comme Saïd Tamar à Mazamet, commune qui a vu son hôpital mettre la clé sous la porte quelques années en arrière. « Pendant 30 ans, j'ai travaillé comme médecin urgentiste à l'hôpital de Castres et de Mazamet. J'étais fatigué par les gardes et les conditions de travail difficiles dans les centres hospitaliers. J'ai même réfléchi à prendre une retraite anticipée. Puis le maire de la ville, qui cherchait des médecins généralistes pour remplacer des départs à la retraite, m'a proposé d'intégrer le dispositif et de devenir un médecin salarié. C'est beaucoup plus facile de travailler ici et maintenant je souhaite aussi avoir du temps libre pour moi », commente le praticien âgé de 62 ans.

Une offre all inclusive

Pour comprendre, il faut savoir qu'à travers le GIP le conseil régional offre aux médecins des conditions de travail idéales à leurs yeux : un secrétariat médical pour se décharger des tâches administratives, des horaires fixes avec un contrat de 39 heures par semaine, la mise à disposition d'un local équipé du matériel nécessaire et une rémunération mensuelle fixe. Et malgré cette offre alléchante, trouver des médecins candidats à installer dans les déserts médicaux n'est pas facile de l'aveu de la collectivité. « Le fait que ce soit une offre all inclusive et de travailler en équipe est quelque chose qui séduit tout de même les candidats au salariat. Leurs seules contraintes sont de s'engager à pratiquer des visites à domicile et participer aux gardes, le tout de manière organisée. Mais aujourd'hui, les nouvelles générations de médecins ne veulent plus passer tout leur temps au travail. Pour preuve, en nombre d'actes, quand un médecin généraliste part à la retraite, il faut deux jeunes médecins pour réaliser la même charge de travail » analyse l'élu régional, qui vit actuellement sa première expérience d'homme politique. Dans le cas de Saïd Tamar, il reçoit environ trois à quatre patients par heure, sur des journées de huit heures de consultation, hors gardes et visites à domicile. « J'apprécie beaucoup le contact et la proximité que je peux avoir avec les patients. À l'hôpital, vous voyez un patient une fois et vous ne le revoyez plus, sauf s'il est hospitalisé et tout dépend dans quel service. Ici, le médecin et les patients forment une famille. Nous les accompagnons tout au long d'une maladie chronique, par exemple. Nous sommes là avant tout pour aider les gens et non pas pour faire du chiffre. Cela me plaît », commente-t-il. Alors qu'un médecin généraliste, qui achève actuellement sa thèse, doit aussi s'installer en mai prochain dans ce cabinet médical financé par les pouvoirs publics, l'ancien urgentiste estime que quatre médecins seraient l'idéal pour Mazamet afin de répondre à l'ensemble de la demande du bassin, sans faire concurrence à ses homologues indépendants. « Dans l'idéal, il faudrait six médecins salariés au sein de la maison de santé afin de proposer des permanences le week-end sans s'épuiser », projette même Olivier Fabre, le maire de Mazamet. « Aujourd'hui, nous avons une dizaine de médecins généralistes, libéraux et salariés confondus, donc nous sommes plutôt bien lotis. Mais avant l'ouverture de l'établissement de la région, nous avions des signaux d'alerte avec une démographie médicale vieillissante », ajoute-t-il. Pour lui, assez de médecins généralistes sur une commune permet aussi, par effet de ricochet, de désengorger les urgences et de dépister plus vite d'importantes maladies.

100 territoires candidats

Par le passé, Olivier Fabre a même essayé de salarier des médecins par la municipalité pour satisfaire ses ambitions, « mais la législation pour y arriver est une usine à gaz », reconnaît-il. Cette volonté du maire et de son équipe municipale est en partie liée à une attractivité démographique importante depuis le premier confinement, avec beaucoup de nouveaux arrivants de la région parisienne et du Sud-Est. « Les nouveaux habitants ne trouvaient pas de médecin référent car les médecins de la ville installés étaient saturés », se souvient le maire qui a donc saisi l'opportunité portée par le conseil régional à travers son GIP. Pour avoir la chance d'accueillir une maison de santé à travers ce dernier, en plus de la démographie médicale, les communes intéressées doivent faire preuve d'un certain volontarisme en candidatant à travers des appels à manifestation d'intérêt (AMI). « Une centaine de territoires ont répondu au premier AMI. Nous avons assez de dossiers pour les trois années à venir sans problème », commente Vincent Bounes, qui vise en moyenne dix ouvertures de maison de santé chaque année en Occitanie. Autre condition, chaque centre doit au moins rassembler deux médecins généralistes pour instaurer cette notion de travail en équipe et surtout, le conseil régional laisse trois années à chaque centre pour trouver son équilibre financier. En cas de trou financier persistant, ce sont les collectivités qui devront combler les pertes d'exploitation. « Un tiers sera pris en charge par la région Occitanie, un autre tiers par le conseil départemental et un dernier tiers par la commune », précise Olivier Fabre. Un risque financier qui présente son intérêt. En 2023, le GIP « Ma Santé, Ma Région » devrait déjà franchir le cap des 100 000 consultations assurées par ses praticiens, contre 25 000 au début de l'année. Mais cette montée en puissance a un coût : 8 millions d'euros de budget, contre 1 million en 2022, à la charge du conseil régional. « Nous devrions arriver rapidement à plusieurs dizaines de millions d'euros par an », projette Vincent Bounes. Selon le patron du Samu 31, un tiers des médecins généralistes de l'Occitanie ont plus de 60 ans et vont donc partir à la retraite dans les prochaines années. Symbole que ce budget est nécessaire et que son déblocage devient une urgence.

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T14

Commentaires 3
à écrit le 15/05/2023 à 16:36
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Porte ouverte: où trouver les médecins?

à écrit le 15/05/2023 à 8:35
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Des médecins collaborant dans une entreprise seront bien plus efficaces que des médecins individualistes chacun dans leur cabinet : moyens mis en commun, secrétariat, analyses à proximité, échange de compétence, permanence pendant les vacances, les W...

à écrit le 14/05/2023 à 18:10
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On en revient aux bons vieux dispensaires d'antan....retour vers le futur ;-)

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