La finance n'aura pas été son adversaire

Contrairement à ce qu'il avait promis durant sa campagne de 2012, François Hollande n'a pas combattu son adversaire « sans visage » qu'est la finance. Même s'il est plus régulateur durant la fin de son mandat.
Mathias Thépot
Que reste-t-il des promesses de François Hollande sur la finance ?

Désigné comme l'adversaire « sans visage » à combattre, le monde de la finance n'aura finalement pas été inquiété outre mesure durant le mandat de François Hollande, qui ne se représentera donc pas une seconde fois à l'élection présidentielle. Il est bien loin ce soir de janvier 2012, à l'aéroport du Bourget, lors duquel le candidat Hollande a réussi à créer un élan d'enthousiasme à gauche pour la présidentielle qui se profilait.
Thème phare de son discours, la régulation de la finance recueillait un large assentiment auprès de son électorat après cinq ans de crise. Mettre « les banques au service de l'économie » faisait d'ailleurs l'objet de l'engagement numéro 7 de François Hollande durant sa campagne : « Je séparerai les activités des banques qui sont utiles à l'investissement et à l'emploi, de leurs opérations spéculatives », avait-il écrit en introduction, afin de protéger les contribuables et les épargnants, c'est à dire l'économie réelle, des dérives spéculatives des banques sur les marchés financiers. La loi du 26 juillet 2013 de « séparation et de régulation des activités bancaires » - c'est écrit dans son titre - était donc censée régler ce problème structurel.

Un sujet trop complexe

Mais il n'en a rien été. Par manque de volonté politique, et aussi par manque de connaissance de la technicité extrême des sujets financiers, le chef de l'Etat, son gouvernement de l'époque, et sa majorité parlementaire, n'ont pas eu le courage de réformer la structure des géants bancaires français. Pour se défendre, les banques ont en effet axé leur stratégie de lobbying sur la forte complexité de leurs métiers, et sur la grande porosité entre leurs activités spéculatives et leurs activités utiles à l'économie.

Au final, seulement deux banques ont séparé une partie infime de leurs activités de marchés : BNP Paribas et Société Générale dans des filiales nommées respectivement Opera et Descartes. Au Monde, BNP Paribas avait indiqué que les activités séparées « comptent pour moins de 2 % des activités de la banque de financement et d'investissement de BNP Paribas et concernent une trentaine de personnes ». Alors que la Société Générale a fixé un objectif de 70 millions d'euros de produit net bancaire (PNB) à sa filiale Descartes, soit 0,2 % de son PNB total. Dans la même loi, François Hollande promettait aussi de mettre « fin aux produits financiers toxiques qui enrichissent les spéculateurs et menacent l'économie ». Mais aujourd'hui, une banque française peut toujours fabriquer un produit de spéculation sur les matières premières agricoles et le vendre à un fonds spéculatif logé dans un paradis fiscal... La loi de séparation bancaire est donc une micro-réforme pour une promesse phare de sa campagne.

S'attaquer aux paradis fiscaux

Les paradis fiscaux étaient également dans le viseur de François Hollande lors de l'hiver 2012 : « J'interdirai aux banques françaises d'exercer dans les paradis fiscaux », avait-il dit. Certes, en matière de transparence, des avancées réelles sont intervenues durant le mandat du chef de l'Etat, notamment concernant le fameux « reporting pays par pays ». Mais pour ce faire, François Hollande a surtout bénéficié de la dynamique internationale engagée pour la lutte contre l'évasion fiscale, et qui vise notamment à mettre la lumière sur les activités des grandes banques dans les paradis fiscaux.

Des avancées importantes sont donc en cours. Reste que François Hollande n'aura pas respecté sa promesse « d'interdire » les paradis fiscaux aux banques françaises à la lettre. Un rapport publié en mars 2016 par trois ONG (le Comité catholique contre la faim et pour le développement-Terre solidaire - CCFD, Oxfam France et le Secours catholique-Caritas France) associées à la Plateforme paradis fiscaux et judiciaires, a en effet livré un constat choc : les cinq grandes banques françaises (BNP Paribas, Société Générale, BPCE, Crédit Agricole et Crédit Mutuel-CIC) ont réalisé 5 milliards d'euros de résultats dans des pays à basse fiscalité en 2014, soit le tiers des profits réalisés par ces banques hors de France. En valeur absolue, la BNP Paribas et la Société Générale auraient même enregistré des bénéficies de respectivement 2,4 milliards d'euros et 1,3 milliard d'euros dans les paradis fiscaux.

Mais la fraternité liant François Hollande et les grandes banques françaises atteindra son paroxysme lorsqu'il ira défendre les intérêts de la BNP Paribas auprès de Barack Obama lors d'un dîner. Le but de sa manœuvre était de limiter les sanctions américaines qui menaçaient la banque pour avoir contourné entre 2000 et 2010 les embargos imposés par les Etats-Unis notamment en Iran et au Soudan. In fine, BNP a été condamnée à payer une amende de 9 milliards de dollars, alors que le chiffre de 16 milliards de dollars était évoqué durant les négociations.

Une fin de mandat plus active sur le terrain de la régulation

En revanche, il faut tout de même souligner que la fin de mandat de François Hollande fut plus active sur le terrain de la régulation financière. Il fallait bien, du reste, faire quelque chose pour que le bilan du quinquennat soit présentable aux électeurs de gauche en 2017. Quelques jours avant les attentats de Charlie hebdo, François Hollande a ainsi relancé l'idée d'une taxe sur les transactions financières au niveau européen. Une action conforme à ses engagements, puisqu'il avait promis de « proposer la création d'une taxe sur toutes les transactions financières ».

Si, depuis, les discussions restent très compliquées avec les autres pays européens, les ministres des finances des dix pays qui envisagent d'appliquer cette taxe (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, France, Italie, Grèce, Portugal, Slovaquie et Slovénie) se sont enfin mis d'accord en octobre 2016 sur l'assiette de la taxe : les actions et une partie des produits dérivés. Les dix gouvernements doivent toutefois encore s'accorder sur le taux pour une entrée en vigueur au mieux en 2018. La fourchette évoquée, selon les produits, se situerait entre 0,01 % et 0,1 %.

C'est dans ce cadre réformiste que se sont engagées les discussions sur le budget 2017 en France, ouvrant la voie aux députés pour un élargissement de la taxe sur les transactions financières existante au niveau national (votée sous Sarkozy et mise en œuvre à l'été 2012). Le taux a été augmenté de 0,1 point de pourcentage, et l'assiette élargie aux transactions journalières, qui incluent notamment le trading à haute fréquence.

Les 2,2 milliards de la Société Générale

Enfin, la dernière affaire - très symbolique - qui concerne le monde de la finance sous François Hollande, est celle du remboursement de la déduction fiscale de 2,2 milliards d'euros accordée par l'Etat français à la Société Générale, au titre des pertes provoquées par Jérôme Kerviel en janvier 2008. Pour qu'une telle déduction s'applique, une jurisprudence du Conseil d'Etat dit qu'il faut que la perte financière délictueuse ait été commise à l'insu des dirigeants, et que les dirigeants n'aient pas été, directement ou indirectement, à l'origine de la perte en cause. Ce que la cour d'appel de Versailles a infirmé le 23 septembre dernier. L'annonce de la décision de Bercy de reprendre son dû était donc scrutée... et elle est arrivée le 14 novembre dernier. Une belle surprise pour tous ceux qui militent pour une finance plus éthique et plus utile à l'économie.

En cette fin de mandat, le gouvernement tente donc de redorer son blason au pas de charge. Mais l'opportunité manquée de la loi bancaire de 2013 risque de lui être reprochée encore longtemps, surtout si une nouvelle crise financière se produisait...

Mathias Thépot
Commentaires 38
à écrit le 05/12/2016 à 3:34
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Ah bon, la Societe Generale a rembourse ? Par ailleurs, la jurisprudence du Conseil d'Etat est lojn d'etre aussi claire que ce que Mr. Thepot affirme (cf. la decision de 2016 sur MontePaschi), l'arret Alcatel de 2007 sur la non-deductibilite en c...

à écrit le 04/12/2016 à 19:24
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il peut remercier les gardes républicains de ne l'avoir jamais embroché.

à écrit le 04/12/2016 à 12:07
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Et du coup on peut se demander s'il est possible d'empêcher l'oligarchie financière de sans cesse gouverner. S'il croyait vraiment s'attaquer à la finance et qu'au final il l'a servi c'est que notre système est cuit.

à écrit le 03/12/2016 à 20:21
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François Hollande rejoindra désormais le #CombatContreLaFinance et pourra ouvrir les coffres des comptes secrets du Vatican-bankster !

à écrit le 03/12/2016 à 20:07
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UN GRAND BANQUIER A RESAMENT DIT NOUS AVONS GAGNE LA GUERRE DE LA LUTTE DES CLASSES? QUAND ON ENTEND CELA TOUS ET DIT? EN ET FAIS QUAND L ON VOIE LE TAUX D ENDETTEMENT DES PAYS ENVERS LE MONDE FINANCIER. IL ET CLAIR QUIL ON GAGNE LA GUERRE DE DOMINA...

à écrit le 03/12/2016 à 15:06
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Comme pour le reste hollande n a eu aucune. Volonté Il a fait son discours Du Bourget par pur démagogie et pour récupérer des voix à gauche Il aurait pu interdire les transactions avec les paradis fiscaux et mettre le veto de la France à Bruxelles ...

à écrit le 03/12/2016 à 14:56
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1) Valls liquide Hollande "le President bonnet de nuit" avec son oreiller. 2) Valls liquide Giscard d'Estaing avec l'oreiller d'Hollande. De ces 2 mesures de simplication de l'Etat, ce sont des millions économisés chaque année sans aucune contrepar...

à écrit le 03/12/2016 à 13:13
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J'ai toujours eu de la sympathie pour Hollande à cause du bashing qui lui a été infligé, sur son physique, dès la première seconde de son mandat. En ce qui concerne la régulation bancaire, c'est effectivement un échec. La question reste posée: qui pe...

à écrit le 03/12/2016 à 13:03
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Le pire ennemi d'Hollande, lui même.

à écrit le 03/12/2016 à 12:53
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A la veille de son enterrement il voudrait défendre les plus faibles . Sans doute le crabe fonction publique qui transpire la misère ...

à écrit le 03/12/2016 à 12:38
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L'état ne peut pas s'attaquer à la finance, d'abord parceque c'est elle qui finance à taux très bas sa dette et que ces taux s'envoleront à la moindre incartade, d'autre par parceque les grandes banques françaises sont totalement infiltrées dans l'ad...

à écrit le 03/12/2016 à 11:45
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Je pense qu'il ne vous a pas échappé que Hollande n'a pas manqué d'adversaires et pas des moindres; Le déficit, la dette, le chômage, le ras-le-bol fiscal, l'Etat Islamique, le tsar Vladimir, Assad le gazeur, Angela l'intransigeante, les migrants obs...

le 03/12/2016 à 14:15
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Il a pourtant fait perdre un temps précieux au parlement avec le sujet de la déchéance de nationalité, les migrants, la suppression des peines planché, le mariage pour tous, la filiation, la médiatisation de sa vie privée, le soutien aux rebelles lib...

le 03/12/2016 à 14:18
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En un mot : "circulez, il n'y a rien à voir" ! Et vous croyez que cela sera suffisant comme circonstances atténuantes !! Il est arrivé la par défaut. Celui qu'on attendait, c'était DSK. Si ça c'était passé comme prévu, je ne pense pas qu'on en serait...

le 04/12/2016 à 9:54
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Il a fait perdre du temps... au parlement? Ils sont payés pour débattre et amender non? Et puis si l'opposition avait eu deux sous de jugeote, elle aurait voté pour la déchéance de nationalité, la loi travail et la loi el-komhri qui sont tout à fa...

à écrit le 03/12/2016 à 11:45
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moi aussi j ai un Rolex avant 50 ans !

le 04/12/2016 à 2:28
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N'est-ce pas plutôt Solex?

à écrit le 03/12/2016 à 10:57
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Le suivant assurera le suivie bien sur , comment cela pourrait-être autrement .

à écrit le 03/12/2016 à 10:55
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C'était perdu d'avance pour la finance, il n'avait aucun levier sauf le pipeau des discours! Hollande est un idéologue de l'assistanat à l'exemple de sa "compagne" qui vit aux frais des Français tant rue du cirque que pour les rôles d'actrice. La maj...

à écrit le 03/12/2016 à 10:41
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Attendons, il n'a encore rien dit sur le sujet. Mais cela finira par sortir ! Après les 200 familles, le mur de l'argent et autres qualificatifs utilisés par les Politiques pour cacher leur faillite, on aura sans doute droit à un nouveau concept du m...

à écrit le 03/12/2016 à 10:08
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Adversaire sans visage ? pipo, les visages sont bien réels, il suffit de dire leurs noms. Mais il est vrai qu'ils aiment bien vivre planqué, ce qui n'est pas non plus une vie libre et agréable en étant hors du monde.

à écrit le 03/12/2016 à 9:14
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Il en avait beaucoup trop d'adversaires notre Tartarin : la finance , le terrorisme , la bureaucratie ,le chômage , le déficit ,le pouvoir d'achat ( .....celui-la il l'a bien terrassé par contre ! ) ..... On ne eput pas etre a la foire et .......

à écrit le 03/12/2016 à 9:06
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il est grand temps de construire un pays est de supprimer tous ceux qui depuis un demi siecle saborder la France tout politiques de tout bord aussi bien ancien ministres que depute et senateur tous implique dans la failitte de la gestion du pay...

à écrit le 03/12/2016 à 9:02
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Comment-être contre la finance avec des patrimoines pantagruéliques !! il suffit de voir leurs déclarations minimums de patrimoine : le dernier arrivé , Baylet n'a déclaré que près de 9 millions , sans compter le pognon caché à l'étranger , par ex...

le 03/12/2016 à 12:07
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c'est pour cela qu'il faut voter pour des gens comme Valls(30000 euros de patrimoine)Duflot(10000 euros et deux vélos)ou Taubira.Ils n'ont que peu de patrimoine,ils n'auront pas peur de s'attaquer a la finance!

le 03/12/2016 à 12:51
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Quand on gagne bien sa vie. Avoir un patrimoine de moins 50000 euros au bout de 20 ans n'est pas bon signe. Ils ne doivent pas savoir gérer un budget. Maintenant, je comprends mieux pourquoi l'élite de la médiocrité peut voter un budget de dépense de...

à écrit le 03/12/2016 à 8:51
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Combattre le centralisme de l'UE a Bruxelles n'est pas chose facile comme il le pensait en début de mandat. Il n'a pu jouer que "le préfet" en traînant les pieds mais n'a pas pu convaincre les français de son double jeu de protection!

à écrit le 03/12/2016 à 7:53
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Hollande a commis deux erreurs; d'avoir supprimé la TVA sociale et de ne pas taxer l'énergie pour financer les charges sociales. Fillon néglige la deuxième condition.. .

à écrit le 03/12/2016 à 7:48
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C'est vrai la finance n'a pas étè son adversaire. En France, il n'a jamais étè gêné avec l'argent des français. Vous allez voir comme il va encore donner des millions d'euros aux éleveurs du Sud-Ouest victimes de la grippe aviaire dans leurs élevages...

à écrit le 02/12/2016 à 21:04
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Il y a trente ans, le partage entre actionnaires, État et salariés était équilibré. Grosso modo 30 % à chacun. Aujourd'hui, le monde est contrôlé par la finance. Les fonds de pension interviennent partout dans le monde, la finance mondialisée veut...

le 03/12/2016 à 9:21
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La capitalisation boursière de la France n'a cessé de voir sa part détenue par des non-résidents croître pour atteindre les 47%. Autrement dit les français ne sont quasiment plus maîtres de leurs entreprises. La raison en est évidente, la France n'a ...

à écrit le 02/12/2016 à 19:56
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Monsieur Hollande, je vous remercie, finalement je dois être le seul français assez dingue pour vous dire merci, pour reconnaître l'importance que vous avez eu dans l'Histoire de France. Gloria. En effet, grâce vous soit rendue pour le rôle primordia...

le 02/12/2016 à 20:11
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Apparemment vous n'aurez pas à payer la facture de ses aneries!

le 02/12/2016 à 23:53
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Globalement d' accord, par contre, il ne faut pas croire que tout cela était volontaire.. le comble.

à écrit le 02/12/2016 à 19:38
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Quand on se coltine 2200 milliards d'€ de dette publique qu'on a soi-même creusé de près de 500 milliards, il vaut mieux être l'ami de la finance. De même que pour essayer de capter une partie de l'activité de la City en mettant le brexit à profit.

le 02/12/2016 à 21:34
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@bruno bd : exact

à écrit le 02/12/2016 à 19:34
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Moi qui croyais qu'on vivait pas sur une planète capitaleuse, on m'a donc trompé à l'issue de mon plein gré... Et en plus, il parait que la mauvaise dette est recouverte par de la bonne. Quelqu'un aurait des infos sur ces rumeurs..??

à écrit le 02/12/2016 à 19:18
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François Hollande n'échappe pas à la règle générale de ceux qui disent des âneries: ils en disent plus qu'ils n'en font.. Vous connaissez des entreprises ou des personnes qui font des affaires sans argent? "La finance est mon ennemie" est l'ânerie ch...

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