Le marché du logement français miné par sa faible mobilité

La hausse des prix de l'immobilier dans les villes denses en France a eu comme conséquence indirecte de pousser les locataires du parc social à rester chez eux plus longtemps. Ce qui bloque la mobilité résidentielle, et rend d'autant plus difficile la résolution de la crise du mal-logement en France.
Mathias Thépot
La mobilité résidentielle des ménages est durement affectée.

Le marché du logement en France est en plein paradoxe. Il y a d'une part toujours plus de mal-logés (3,8 millions selon la fondation Abbé Pierre, soit 6% de la population du pays), alors qu'à l'inverse, 38% des propriétaires d'un logement n'ont pas de charge à rembourser, et 77% des ménages se disent même satisfaits ou très satisfaits de leurs conditions de logement, note dans un article Jean-Claude Driant, professeur à l'école d'urbanisme de Paris. Inextricable, cette situation provient notamment d'une hausse des prix inconsidérée dans le secteur du logement privé depuis la fin des années 1990 par rapport aux revenus, et que les pouvoirs publics n'ont pas su endiguer.

L'erreur tient peut-être à la conception même du marché du logement en France. On considère toujours d'un côté le marché immobilier privé, propice à l'investissement sûr dont le rendement répond à une logique de marché. Et de l'autre, un secteur plus administré, le logement social, dont le rôle - indispensable - est de loger les plus démunis et une partie des classes moyennes, afin d'assurer un logement décent au plus grand nombre. Depuis trop longtemps maintenant, ces deux secteurs se parlent peu : les problématiques du mal-logement tiendraient de la politique sociale, et ceux d'immobilier privé, de l'économie. Une erreur grave.

Immobilisme contraint

Car si nous vivons aujourd'hui une crise du logement, c'est certainement une crise de l'immobilisme contraint générée par ce cloisonnement. Les ménages sont en effet de moins en moins mobiles du fait des prix élevés de l'immobilier. Ils restent plus longtemps dans leur logement qu'avant, ce qui nuit à la fluidité du marché. Les personnes occupant un logement social, notamment, sont très peu mobiles. Celles ayant emménagé récemment (il y a moins de quatre ans) sont en effet de moins en moins nombreuses : elles représentaient 41% du parc social en 2002 et ne représentent plus que 30% du parc en 2013. Le nombre de ces personnes ayant emménagé récemment dans leur logement social est même en baisse de 21% en 2013 (1,38 million) par rapport à 2002 (1,76 million) !

Pourtant, dans le même temps, l'offre a augmenté - le parc locatif social est passé de 4,2 millions de logements en 2002 à 4,6 millions en 2013 - tout comme la demande, puisque la file d'attente pour accéder à un logement conventionné ne cesse de s'allonger en France (1,4 million en 2013 selon l'Enquête logement, contre 1 million en 2002). Bref, l'immobilisme est de mise sur le marché du logement social, plus qu'ailleurs.

Chute du nombre de sorties vers l'accession à la propriété

Cette situation de blocage est donc avant tout due à la hausse des prix et des loyers sur le marché immobilier par rapport à l'évolution des revenus. Elle a mécaniquement incité les ménages à rester dans leur logement locatif plutôt que d'acheter, malgré l'attrait connu et prononcé des ménages français pour la propriété. Preuve en est, comme le note Jean-Claude Driant, 97% de la baisse de la mobilité des ménages du parc social s'explique par la chute du nombre de sorties vers l'accession à la propriété.

« En 2013, pour la première fois depuis longtemps, on sort plus du parc social pour rester locataire que pour rester propriétaire », confirme-t-il aussi.

Logiquement, ce phénomène est particulièrement marqué dans les zones les plus denses, où les prix de l'immobilier ont le plus augmenté. L'agglomération de Paris, notamment, composée de 432 communes urbaines d'Île-de-France, voit le nombre d'emménagés récents dans les logements sociaux se réduire de ... 42% entre 2002 et 2013 ; et le nombre de nouveaux entrants sur le marché du logement social chuter de ... 46% sur la même période ! Clairement, il devient très compliqué de rentrer dans un logement social dans cette agglomération.

Marché bloqué

Du reste, si l'on veut trouver des territoires qui souffrent moins, il est intéressant de constater que certaines villes moyennes, grâce à des politiques volontaristes en matière de logements sociaux ainsi que des hausses de prix moins élevées, arrivent à limiter les blocages sur le secteur social. Il est du reste évident que la complexité qui se crée lorsque l'on laisse les prix de l'immobilier s'envoler, comme cela a été le cas dans l'agglomération parisienne, provoque des dégâts sociaux de premier ordre. Car même si le potentiel foncier existe à mesure que l'on s'éloigne du centre de l'agglomération parisienne, au regard de la demande quasi infinie, même une forte hausse de l'offre de logements ne risque pas de modifier profondément les situations de blocages du marché, toutes choses égales par ailleurs.

Que faire alors ? La meilleure solution de long terme réside dans l'émergence d'autres métropoles pour mieux répartir la demande de logements sur le territoire français. En attendant, mettre à disposition de logements neufs ou anciens à loyers intermédiaires pour détendre la tension sur le parc social reste une solution qui semble efficace. Mais elle est souvent décriée par des tenants d'un marché libre de la location. Là est peut-être le plus dur combat à mener en France, modifier la vision d'un marché du logement qui vit aujourd'hui de certaines rigidités idéologiques.

Mathias Thépot
Commentaires 44
à écrit le 08/09/2016 à 11:35
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N'oubliez pas de prendre en compte la résolution du "problème" de mixité sociale, en même temps que vous résolvez celui de la mobilité et du mal logement. Bon courage :)

à écrit le 08/09/2016 à 8:37
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sans compter toutes les taxes et droits de mutation... çà fait réfléchir pour la mobilité

à écrit le 08/09/2016 à 0:06
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Il serait bien de moins réglementer, moins taxer les ventes, et ne pas protéger les mauvais payeurs d'habitude, sauf accident ponctuel. On serait moins exigeant et prêt à louer à des gens moins solvables mais mettant un point d'honneur à payer leur l...

le 11/09/2016 à 9:15
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Quand tu fais de l'investissement locatif tu en connais les règles, ne viens pas jouer les pleureuses, à présent tu voudrais tirer toute la couverture à toi, ça ne marche pas comme ça.Quant à trop faire du logement une pompe à investisseurs, on sait ...

le 13/09/2016 à 9:08
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@Uti "moins réglementer, moins taxer les ventes, et ne pas protéger les mauvais payeurs d'habitude" On connait le refrain, c'est une des antiennes de malcomprenant : l'immo serait terriblement écrasé d'impôts et taxes, avec des risques terribles, e...

le 13/09/2016 à 14:36
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@alatar le super bobo : je vous ai pas " branché" mais puisque vous le souhaitez commencez par ne pas désonformer : Oui je souhaite une reforme profonde de la fiscalité immobilière , la plus lourde du monde ,cela est incontestable,.. à commencer p...

le 13/09/2016 à 14:44
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excusez pour les fautes : difficulté à relire sur mon smartphone

le 13/09/2016 à 17:04
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@malcomprenant "Oui je souhaite une reforme profonde de la fiscalité immobilière , la plus lourde du monde ,cela est incontestable" Mais vous êtes toujours totalement incapable de dire pourquoi l'écrasante majorité des Français précipite l'intégral...

le 14/09/2016 à 7:52
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@alatar : vous désinformez encore ..je n ai jamais parlé de cadeaux fiscaux mais de revoir la fiscalité immobilière dans son ensemble qui est la plus lourde du monde et tres complexe (41 taxes ou impôt sur l immobilier).Je suis un peu "scientifique"...

le 14/09/2016 à 9:17
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@malcomprenant "@alatar : vous désinformez encore ..je n ai jamais parlé de cadeaux fiscaux mais de revoir la fiscalité immobilière dans son ensemble qui est la plus lourde du monde et tres complexe (41 taxes ou impôt sur l immobilier).Je suis un pe...

le 14/09/2016 à 10:13
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malcomprenant a encore pris sa rouste et reviendra encore à la charge une autre foi.

le 14/09/2016 à 18:49
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@alatar : Ok nous sommes déjà les vice champions d europe pour les prélèvements obligatoires et vous n avez qu une solution : taxer/punir .Je suis tout à fait d accord pour que les PV soient élevees compte tenu des prix mais quand on dépasse cer...

le 15/09/2016 à 9:04
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@malcomprenant Effectivement, on a une "grosse fiscalité" (que vous dites "la plus forte d'Europe") dans ce cas particulier que vous prenez des logements vendus le quadruple de leur prix d'achat. Quand 75% de votre prix de vente est constitué d'enri...

le 15/09/2016 à 12:00
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@alatar: vous m avez mal lu ! J affirme les PV ramenées à 15 ans inonderait le marché et provoquerait une baisse des prix et que l état s y trouverait gagnant au vue du nombre beaucoup plus grand de transactions ..c est l effet pervers de tout impôt ...

le 15/09/2016 à 14:03
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@malcomprenant "vous m avez mal lu ! J affirme les PV ramenées à 15 ans inonderait le marché et provoquerait une baisse des prix et que l état s y trouverait gagnant au vue du nombre beaucoup plus grand de transactions .." En bref, selon vous, en d...

le 15/09/2016 à 17:15
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malcomprenant nous tiens encore son discours habituel, se fait à nouveau remettre en place et reviendra encore faire perdre du temps au prochain épisode.Il existe des visites chez le psychologue qui se perdent.

à écrit le 07/09/2016 à 21:27
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Dans ma famille, on a notre HLM depuis mon grand père, qui l'a eu dans les années 60, car il fait partis des constructeurs de l'immeuble et du quartier qu'il fallait reconstruire, mon grand père est parti à la retraite, l'opac a transféré les droits ...

le 07/09/2016 à 22:24
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avec 2700 euros les foncia nexity et autres te disent d'acheter pas de louer

le 08/09/2016 à 9:05
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@mottier "Mais bon étant donné qu'avec mon frère on attend d'avoir un appart à nous pour fonder une famille, je pense que la chaine va se rompre et que l'opac récupéra l'appart dans 50 ans, à notre mort." Vous décrivez là un des pires effets néfast...

à écrit le 07/09/2016 à 17:30
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Une difficulté pour les locataires du parc social à le quitter pour devenir propriétaire, c'est la frilosité extrême des banques à prêter à des personnes qui ne sont pas en CDI. Si vous n'êtes pas en CDI, même si vous avez un apport conséquent, pr...

à écrit le 07/09/2016 à 17:03
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Ok sur le constat, pas sur l'analyse Le manque de fluidité du marché est en grande partie du au laxisme des bailleurs sociaux Même avec des surloyers, les logements sont très avantageux Remède : controler les revenus et la composition de la fami...

à écrit le 07/09/2016 à 16:12
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A Paris (et en une moindre mesure en région Ile-de-France) : * les bailleurs institutionnels qui permettaient aux classes moyennes de louer dans le parc privé ont quitté le marché, revendant leurs immeubles aux bailleurs sociaux. * Les bailleurs...

à écrit le 07/09/2016 à 12:36
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Non seulement on manque de logements neufs à fournir pour répondre à la demande, mais en plus une bonne part des logements créés seront destinés à être restaurés voire à démolir.Effarant! la nouvelle législation demandant à construire des bâtiments "...

le 07/09/2016 à 13:41
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@rebrousse poele : Je partage votre avis et le comble ces maisons type " boite à sardines" ont un cout de 30 % plus éleve .

le 07/09/2016 à 14:16
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Manquer de logements neufs ? Ne pas répondre à la demande ? Ah bon, première nouvelle, parce que sur 95 % du territoire c'est plutôt la pléthore de logements vides qui menace. Des hordes grandioses, mêmes... Sortez un peu de votre village, même s'il...

à écrit le 07/09/2016 à 12:34
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Quand on concentre 17 millions de personnes en île de France sur 50 Km 2 , il ne faut pas s'étonner de la crise du logement. Seule une volontariste politique de décentralisation pourra résoudre ce problème.

le 07/09/2016 à 16:47
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Que peut faire la volonté politique : payer des milliards à des sociéts pour qu'elles s'installent en province, soyez réaliste

le 07/09/2016 à 20:54
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Ou alors la volonté politique peut imposer de payer des milliards de taxes à ces sociéts pour qu'elles s'installent en province

le 08/09/2016 à 8:55
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@BA "Quand on concentre 17 millions de personnes en île de France sur 50 Km 2 , il ne faut pas s'étonner de la crise du logement." Manque de pot, les prix immo ont été multipliés par 3,3 en 15 ans dans toutes les grandes villes de France, et pas un...

le 09/09/2016 à 13:17
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@BA @alatar : tout de même èpuisant de lire de si grosses énormités .L agglo parisienne c est 10 millions d habitants sur 2000 km2 .Pouvez vous @alatar préciser vos sources : si les prix ont augmenté de 330 % à paris ils ont augmenté bien moins dans ...

le 13/09/2016 à 8:58
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@malcomprenant "Pouvez vous @alatar préciser vos sources : si les prix ont augmenté de 330 % à paris ils ont augmenté bien moins dans les grandes métropoles regionales ..entre 100 et 150% au maximum" Source 1 : meilleursagents : pour l'ensemble de ...

à écrit le 07/09/2016 à 11:05
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"Laisse s'envoler les prix de l'immobilier" : cela doit bien être quelque part le résultat de l'offre (insuffisante) et de la demande (forte) qui fait monter les prix. Et c'est pour beaucoup un phénomène Ile-de-France....

le 07/09/2016 à 14:17
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@ozarmes "cela doit bien être quelque part le résultat de l'offre (insuffisante) et de la demande (forte)" Donc en fait entre 50 avant Jésus Christ et 1997, les choses étaient à peu près normales. Puis entre 1997 et 2012, il n'y a plus eu aucune co...

le 07/09/2016 à 14:18
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ça s'appelle spéculation, surtout. Les états ont tout à fait les moyens de libérer du foncier à prix très doux. Encore, faut il le vouloir. J'oublie qu'on n'est plus dans les 30 glorieuses, il faut bien gaver quelques oies déjà très grasses.

le 07/09/2016 à 20:23
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Superposez la courbe des taux et la courbe des prix et .... tiens ? Sûrement un hasard ... Rajoutez à cela les ménages qui défiscalisent comme des fous et hop ... les prix montent ou résistent. L'état a détruit le marché du logement par ses interv...

le 08/09/2016 à 8:51
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@alain "Superposez la courbe des taux et la courbe des prix et .... tiens ? Sûrement un hasard ..." S'il n'y avait que ça... Remarquez aussi que la durée maximale d'emprunt est subitement passée de moins de 20 ans à plus de 30 ans (je ne sais pas ...

à écrit le 07/09/2016 à 10:48
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Autre solution arreter de jeter de l huile sur le feu. Arret des PTZ et Pinel qui poussent les prix vers le haut. Reductions des APL qui solvabilisent artificiellement la demande (par ex en supprimant les APL si le loyer depasse X €/m2). Inciter les ...

le 07/09/2016 à 12:29
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sarkosy et hollande ont fait tout l'inverse... la bulle immobiliere est aujourd'hui le seul moteur de relance de l'economie... l'etat ne pouvant plus faire de politique monetaire et budgetaire (confisquées par bruxelles) On laisse donc les menages...

à écrit le 07/09/2016 à 8:55
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La hausse de l'immobilier viens d'un concept très simple: ce qui est rare est chère. Organisez la rareté et l'immobilier flambe. Ajoutez à cela une bonne dose de cynisme, en faisant en sorte que l'état demande à des étrangers d'apporter des capitaux ...

le 07/09/2016 à 14:11
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@Math "La hausse de l'immobilier viens d'un concept très simple: ce qui est rare est chère. Organisez la rareté et l'immobilier flambe." Du coup, vous pourriez nous dire ce qui n'a jamais été fait entre l'extinction des dinosaures et l'an 1997, p...

le 11/09/2016 à 9:21
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" ce qui est rare est chère." Comme par hasard il est cher aussi depuis que les investisseurs se sont détournés de la bourse pour venir intoxiquer le marché.Ajoutez à cela des crédits faciles, des subventions à l'achat et des défiscalisations scan...

à écrit le 07/09/2016 à 8:36
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Merci pour cette remarquable analyse, on y voit du coup bien plus clair. Donc si le marché de l'immobilier se porte bien c'est parce que ceux qui ont des capitaux investissent en masse dedans, cela ne veut pas dire que le nombre de gens qui en on...

à écrit le 07/09/2016 à 8:32
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L'immobilier cher dans les grandes villes et pour cause, c'est là qu'on a une chance de trouver du travail. Dans les petites villes, voire les villages, les prix sont en recul d'année en année. Il s'agit donc d'une mauvaise gestion économique et soci...

le 07/09/2016 à 17:13
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Tout à fait d accord. Mais à écouter nos gouvernements ils se battent pour plus de pouvoir d achat ! La réalité est simple : les salaires faibles ne permettent pas d emprunter autant. Ou alors il faut aller vivre dans des grandes villes. On accep...

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