1,50 euro d'augmentation : les médecins libéraux ne décolèrent pas et promettent une grève massive mardi

Par latribune.fr  |   |  1267  mots
A deux semaines du terme de négociations cruciales pour la profession, un échec n'a jamais paru si probable. SOS Médecins, revendiquant également « l'indispensable revalorisation de la visite à domicile », s'est également joint à la mobilisation, appelant ses adhérents à cesser le travail pendant 24 heures à partir de mardi matin. Et l'Ordre des médecins sera lui aussi présent mardi dans le cortège. (Crédits : Reuters)
1,50 euro d'augmentation pour les consultations : c'est ce que propose l'Assurance maladie aux praticiens libéraux (généralistes et spécialistes) qui ne décolèrent plus depuis qu'ils ont repris les négociations avec le gouvernement. Eux réclamaient 5 euros de plus minimum pour revaloriser le prix de la consultation avec l'inflation. Les syndicats ont appelé tous les médecins libéraux à sortir le grand jeu pour faire pression sur le gouvernement : fermeture des cabinets, grève de SOS Médecins et manifestation entre le ministère de la Santé et le Sénat, bref un mardi noir. Les syndicats inquiets joueront leur va-tout dans la rue, même l'Ordre des médecins sera là.

Jeudi 2 février, c'était la douche froide pour les médecins libéraux: alors qu'ils réclament une augmentation à 30 euros au minimum de la consultation de médecine généraliste, l'Assurance maladie, après trois mois sans se dévoiler, leur a proposé d'augmenter la tarif de base de la consultation médicale de base de 25 euros à 26,50 euros, soit 1,50 euro d'augmentation.

Revenus à la table des négociations - après les avoir « suspendues » mi-janvier - les syndicats de praticiens libéraux découvraient ainsi les premières propositions tarifaires de l'Assurance maladie, et depuis ils ne décolèrent plus.

On est loin, très loin des 30 euros, voire 50 euros réclamés

Et l'on est loin, très loin des 50 euros exigés par le collectif "Médecins pour demain", à l'origine de précédentes fermetures de cabinet début décembre et pendant les Fêtes, avec le soutien de syndicats contestataires (UFML, FMF). Même les grandes organisations (MG France, CSMF), dont la signature sera incontournable, n'attendent pas moins de 30 euros.

Revendiquant également « l'indispensable revalorisation de la visite à domicile », SOS Médecins s'est joint à la mobilisation, appelant ses adhérents à cesser le travail pendant 24 heures à partir de mardi matin.

1,50 euro d'augmentation de la consultation, « c'est une provocation »

« C'est une provocation », s'était exclamée ce jeudi-là Agnès Gianotti, présidente de MG France, première organisation chez les généralistes, alors que son syndicat réclamait au moins 30 euros pour rattraper l'inflation depuis le passage à 25 euros en 2017.

Pour rappel, la revendication centrale du collectif « Médecins pour demain », à l'origine du mouvement, demeure la hausse du tarif de la consultation à 50 euros, contre 25 euros aujourd'hui. Objectif : créer un « choc d'attractivité » vers une médecine de ville écrasée par les tâches administratives au détriment du temps médical et qui n'attire plus les jeunes.

Contactée, l'Assurance maladie avait confirmé avoir proposé « une revalorisation des consultations de l'ensemble des médecins libéraux de 1,50 euro », sauf pour les téléconsultations qui ont « vocation à rester à 25 euros ».

A deux semaines du terme de négociations cruciales pour la profession, un échec n'a jamais paru si probable.

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C'est dans ce contexte que les médecins libéraux, au bord de la rupture avec l'Assurance maladie et le gouvernement, sont appelés à cesser le travail mardi et à manifester à Paris, pour réclamer des hausses de tarifs et s'opposer à une proposition de loi examinée au Sénat.

Les syndicats ont sorti le grand jeu - fermeture des cabinets, grève de SOS Médecins et manifestation entre le ministère et le Sénat - pour faire de ce mardi, un mardi noir. Une série d'actions qui en dit long sur l'état des relations, en premier lieu avec l'Assurance maladie.

Ce dimanche 12 février, sur Europe 1 Agnès Giannotti, présidente du syndicat MG France (généralistes), a martelé son discours :

« Mardi, c'est un fait unique dans l'histoire, vous aurez tous les syndidats de médecins. (...) C'est bien qu'il se passe des choses qui mettent en colère l'ensemble d'une profession, ça ne s'est jamais vu », a-t-elle dit.

Demande de contreparties (productivité, gardes du soir et week-end...)

Cette contestation ouverte s'inscrit dans un rapport de forces que les praticiens libéraux veulent engager avec l'Assurance maladie et le gouvernement, mais ces derniers ne semblent pas très empêchés de dérouler leur feuille de route placidement, étape par étape.

Ainsi, de la stratégie du directeur général de la Caisse nationale de l'Assurance Maladie (Cnam) Thomas Fatôme, qui, dans un entretien au Quotidien du Médecin, promet certaines avancées, mais sans les quantifier et tout en affirmant qu'elles ne seront pas accordées sans contrepartie de la part de ces médecins-là.

« Nous irons plus loin la semaine prochaine » mais un « engagement territorial » sera demandé, pour que les praticiens prennent plus de patients et assurent plus de gardes les soirs et week-ends.

Braun demande aux médecins d'entendre la « colère des Français qui n'arrivent pas à trouver un médecin »

Face aux exigences de revalorisation tarifaires des médecins libéraux, le ministre de la Santé, François Braun, est sur la même longueur d'ondes :

« Mon objectif, c'est de répondre aux besoins de santé de la population », affirme-t-il, disant entendre « la colère » des praticiens, « mais aussi celle des Français qui n'arrivent pas à trouver un médecin ».

C'est justement parce que l'offre ne répond pas à la demande que le Parlement envisage d'ouvrir "l'accès direct" - sans prescription médicale - à certains paramédicaux: kinés, orthophonistes et infirmières de pratique avancée.

Une proposition de loi, soutenue sinon inspirée par l'exécutif, a ainsi franchi l'étape de l'Assemblée et sera débattue mardi après-midi au Sénat, après un passage en commission qui n'a pas dénaturé son contenu.

Les syndicats inquiets joueront leur va-tout dans la rue, même l'Ordre des médecins sera là

Inquiets d'une possible adoption du texte, les syndicats joueront en même temps leur va-tout dans les rues de la capitale, entre la place Vauban, voisine du ministère, et celle du Panthéon, toute proche de la chambre haute.

Début janvier, sur l'itinéraire inverse, ils avaient réussi à rassembler entre 2.300 et 4.000 manifestants. La jauge pourrait être dépassée, tant les renforts affluent ces derniers jours, de leurs confrères hospitaliers de l'intersyndicale APH aux remuants internes de l'Isni.

Même l'Ordre des médecins a annoncé sa participation au cortège, pour dénoncer les "risques de désorganisation des soins" et "de perte de chance pour les patients" que porte selon lui ce projet de "médecine à deux vitesses".

Les organisateurs se donnent les moyens de faire basculer le rapport de force. Ainsi, la CSMF prévient que "des cars partent de toute la France: Laval, Strasbourg, Metz, Châteauroux, Vierzon, Orléans, Lille, Arras..." et invite ses adhérents à "réserver (leurs) places".

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QUELQUES CHIFFRES CLÉS

226.000 médecins en activité en France au 1er janvier 2018

Parmi les 226.000 médecins en activité en France, 102.000 sont des généralistes (45% de l'ensemble) et 124.000 sont des spécialistes hors médecine générale (55% de l'ensemble). Les spécialités qui regroupent les effectifs les plus importants sont la psychiatrie (6,8% des médecins), l'anesthésie-réanimation (5,1%), le radiodiagnostic et l'imagerie médicale (3,9%).

57% des médecins sont des libéraux. 46% ont une activité libérale exclusive et 12% un exercice « mixte » (cumul d'une activité salariée et d'une activité libérale).

  • Le nombre de spécialistes augmente tandis que le nombre de généralistes stagne

Depuis 2012, le nombre total de médecins a progressé de 4,5%. Au cours de cette période, le nombre de médecins généralistes a stagné (+0,7%), tandis que le nombre de spécialistes a progressé de +7,8%. Parallèlement, le nombre de libéraux n'a pas évolué (+0,04 %), la baisse du nombre de généralistes exerçant en libéral (-2,0 %) a compensé la hausse du nombre de spécialistes libéraux (+2,4 %). Le nombre de salariés et particulièrement de spécialistes salariés a lui fortement augmenté (respectivement +11,1 % et +13,9 %). L'augmentation du nombre de spécialistes et de salariés explique ainsi la hausse des effectifs de médecins au cours des six dernières années.

Source : Démographie des professionnels de santé, étude (2018) de la DREES

(avec AFP)