Mounir Mahjoubi : « Il va falloir définir ce que faire du macronisme signifie pour les municipales »

Par Bastien Privat, Les Mardis de l’ESSEC  |   |  857  mots
[Entretien Vidéo] Mounir Mahjoubi, Secrétaire d'Etat chargé du Numérique, a été l'invité le 25 septembre dernier des Mardis de l'Essec en collaboration avec La Tribune est partenaire. Retrouvez ici la vidéo de son intervention et le texte rédigé à l'issue par un des étudiants.

Pour leur premier débat de la saison, les Mardis de l'ESSEC ont reçu Mounir Mahjoubi, Secrétaire d'Etat chargé du Numérique. D'abord technicien puis multi-entrepreneur et homme politique : au cours de sa carrière, le jeune Ministre a su multiplier les casquettes ; tout en sortant habilement de la matrice socialiste en perdition pour rejoindre les horizons plus porteurs d'En Marche. Qui d'autre que lui, fils d'immigré issu des classes populaires, pouvait mieux incarner l'idéal méritocratique brandi par le gouvernement macroniste ? Au cours de ce débat, M. Mahjoubi a ainsi eu l'occasion de revenir sur son parcours atypique, mais aussi sur les enjeux de son mandat. Entre « inégalités numériques », GAFA et Mairie de Paris, les thèmes abordés furent aussi vastes que les ambitions du Ministre semblent grandes. Démesurées ?

« Il va falloir définir ce que faire du macronisme
signifie pour les municipales »

Interrogé sur sa volonté -désormais évidente au regard de ses récentes interventions- de briguer un mandat à la Mairie de Paris, Mounir Mahjoubi assume. Porter la voix d'En Marche à la capitale ne l'effraie pas et ce, malgré la concurrence au sein de son propre parti. Mais pourquoi lui plutôt qu'un autre candidat plus expérimenté, Benjamin Griveaux en tête ? Les premières tensions ne risquent-elles pas d'apparaître et de fragiliser la majorité ? Le Ministre, consensuel, joue la carte de l'unité et assure : « quand on voit ce qu'on a réussi à faire à l'Assemblée [...] je suis optimiste sur nos capacités à transformer les règles du jeu pour les municipales ». Mounir Mahjoubi balaye ici d'un revers de main tout soupçon de guerre fratricide au sein de la majorité, avant de se laisser conduire vers un sujet sur lequel il semble plus à l'aise : celui du numérique.

« Nous voulons faire de la France
un champion au service de la collectivité »

C'est d'abord dans une situation paradoxale que se situe la France. A la pointe de l'innovation digitale, produisant des ingénieurs parmi les plus talentueux du monde, elle peine à produire ses propres « licornes », entreprises disruptives capables de faire face aux géants d'Internet. Et même si M. Mahjoubi affirme qu'en « nombre de startup, nous sommes champions », il reconnaît amèrement les failles du modèle français. L'écosystème startup a du mal à décoller en termes de chiffre d'affaires, et c'est la raison pour laquelle il cherche à mobiliser l'argent public au service des pépites françaises du numérique, notamment via le Pass French Tech qui récompense et vient renforcer les entreprises en phase d'hyper-croissance. Il se félicite également d'avoir su attirer d'importants fonds d'investissement étrangers dont l'action, combinée à celle de Bpifrance, contribue au développement des fleurons de la technologie française.

Mais le Ministre va plus loin. La révolution numérique concerne également les secteurs dits traditionnels - à l'instar du bâtiment- et il convient donc d'accompagner les entreprises dans cette transition digitale. Celui qui, d'ordinaire, prône l'innovation et la concurrence change pourtant de discours quand il est question de répondre aux appels d'offre étrangers : il regrette ainsi qu'à une offre chinoise, il y ait cinq répondants et non pas « une seule voix collective » permettant de « partir à la conquête du monde ». L'homme qui proclame faire « le choix de la concurrence » revêt ici, peut-être sans le vouloir, les habits bien connus du protectionnisme et de « l'État-stratège », dont les antiques rouages semblent peiner face à l'évolution rapide de la société. Car à travers M. Mahjoubi, c'est la ligne macroniste dans son ensemble que l'on peut analyser ; et c'est bien vers le « en même temps » que cette ligne semble tendre.

Les GAFA représenteraient même un danger pour la démocratie et nos économies : il faut à tout prix les encadrer par le droit. Il félicite ainsi la condamnation de Google Shopping, le comparateur de prix du géant américain, dont le succès fut tel qu'il mena à la faillite nombre de ses concurrents. Entre réguler le marché et punir la réussite, il n'y a qu'un pas que la Marche du Ministre semble régulièrement franchir.

Malgré son jeune âge, le Ministre maîtrise déjà tous les codes de la politique 2.0. Habile orateur ayant fait ses armes à Sciences Po, il relève sans hésiter le défi adressé par les Mardis de l'ESSEC : improviser un discours. Lorsqu'on lui demande comment il convaincrait Emmanuel Macron de le choisir (et non M. Griveaux) pour être le candidat d'En Marche à Paris, il esquive le sujet par une phrase lourde de (non)-sens : « celle ou celui qui aura permis de porter ce projet sera celui qui le conduira devant les Parisiens ».

Et lorsqu'on lui demande comment il « pitcherait » une startup devant des business angels, ressort un discours ampoulé fondé sur le champ lexical de la « communauté » et du « vivre-ensemble ». L'interviewer souligne la performance : « on a vu que vous arriviez à brasser du vent sans aucun projet : ça c'est fort. ». La messe est dite.

 __

Par Bastien Privat, membre des Mardis de l'ESSEC