Nouvelle-Calédonie : le Sénat adopte la réforme du corps électoral que rejettent les indépendantistes

Par latribune.fr  |   |  548  mots
Le drapeau Kanak en Nouvelle-Calédonie. (Crédits : DR)
Le Sénat a approuvé mardi une révision constitutionnelle sensible sur l'élargissement du corps électoral du scrutin provincial de Nouvelle-Calédonie, mesure qui exacerbe les tensions entre loyalistes et indépendantistes sur l'archipel, englué dans une profonde crise économique. Le texte doit désormais être adopté à l'Assemblée nationale.

C'est une réforme constitutionnelle qui enflamme les débats en Nouvelle-Calédonie. Depuis des décennies, le territoire français est en effet sous la pression des indépendantistes. Or, à Paris, le Sénat a approuvé mardi une révision constitutionnelle sensible sur l'élargissement du corps électoral du scrutin provincial de l'archipel. Une mesure, qui, selon ses opposants, devrait marginaliser les Kanak, peuple autochtone de Nouvelle-Calédonie. Quelques jours avant le vote, des manifestations ont d'ailleurs eu lieu à Nouméa.

De son côté, le gouvernement souhaite dégeler le corps électoral avec un système toujours restreint mais « glissant », en l'ouvrant à tous les natifs et les personnes domiciliées sur le territoire calédonien depuis au moins dix ans. Etabli en 1998 par l'accord de Nouméa, le corps électoral de ce scrutin est en effet gelé, ce qui a pour conséquence, 25 ans plus tard, de priver de droit de vote aux provinciales près d'un électeur sur cinq.

Cette réforme permettra à tous les natifs de Nouvelle-Calédonie et aux résidents qui y sont établis depuis au moins dix ans de voter aux élections provinciales, essentielles sur l'archipel où les trois provinces détiennent une grande partie des pouvoirs.

Ce texte doit modifier les équilibres politiques du territoire français du Pacifique en ajoutant quelque 25.000 électeurs à la liste électorale spéciale pour les provinciales (178.000 inscrits).

Ces potentiels nouveaux électeurs sont des actifs dont certains sont embauchés par l'industrie minière, et en particulier du nickel, présent dans l'archipel.

Au Sénat, la chambre haute, dominée par une alliance de la droite et du centre, a adopté ce projet de loi constitutionnelle en première lecture à 233 voix contre 99, malgré l'opposition des trois groupes de gauche qui ont dénoncé le "passage en force" du gouvernement.

La réforme prévoit également de reporter ce scrutin, initialement prévu en mai, à décembre 2024.

Un avenir en suspens

L'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie reste en effet toujours en suspens : les négociations entre mouvements indépendantistes et non-indépendantistes sont à l'arrêt depuis plusieurs mois, alors que le prochain scrutin provincial est censé se tenir avant le 15 décembre.

La situation économique est tout aussi sensible, avec une filière nickel en grande difficulté et un projet controversé de taxe carburant, finalement retiré à la demande du gouvernement calédonien et de son président indépendantiste Louis Mapou après plusieurs jours de blocage des dépôts de carburant.

"En choisissant de passer en force, le gouvernement refuse de retrouver l'esprit d'impartialité qui devrait guider ses choix", a regretté la sénatrice Corinne Narassiguin, plaidant pour qu'une révision constitutionnelle n'intervienne qu'après la signature d'un accord local global sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, "pour éviter l'étincelle qui fera s'embraser tout l'archipel".

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin défend "une formule de compromis équilibrée, respectueuse de la démocratie et des engagements internationaux" de la France.

Ce projet de loi constitutionnelle doit désormais être adopté dans les mêmes termes à l'Assemblée nationale avant d'être approuvé par tous les parlementaires réunis en Congrès à Versailles au début de l'été, aux trois cinquièmes des suffrages exprimés.

(Avec AFP)