Pour sortir de la crise, Terra Nova propose un "chèque vert" pour les plus modestes

Le centre de réflexion propose de mettre à disposition des moins aisés un chèque vert de 300 euros par an destiné à "financer l’achat de biens et de services bénéfiques à l’environnement". Le coût de ce dispositif, qui pourrait bénéficier à 15 millions de personnes, est évalué à 4,5 milliards d'euros.
Grégoire Normand
Ce dispositif ne vise pas à lutter contre la pauvreté, rappellent les chercheurs. Il a pour objectif d'inciter les ménages les plus modestes à consommer au sortir de la crise.
Ce dispositif ne vise pas à lutter contre la pauvreté, rappellent les chercheurs. Il a pour objectif d'inciter les ménages les plus modestes à consommer au sortir de la crise. (Crédits : Reuters)

La pandémie a fait disjoncter l'économie mondiale. Depuis le printemps, la propagation du virus sur la planète oblige les gouvernements à prendre des mesures sanitaires drastiques en attendant l'arrivée d'un vaccin. La récession qui frappe la majorité des continents a touché en premier lieu les plus vulnérables avec des pertes de revenus souvent plus marquées. Dans le même temps, la nécessité de relancer l'économie pourrait avoir des effets néfastes sur les objectifs climatiques à atteindre par les États. Beaucoup d'ONG ont fait part de leurs craintes d'un soutien sans conditions aux énergies fossiles à un moment où les épisodes de réchauffement se multiplient.

Pour tenter de faire face à ces immenses défis, les économistes Daniel Cohen et Philippe Martin, qui ont participé à la rédaction de la note pour le centre de réflexion Terra Nova, proposent de mettre en œuvre un chèque vert sans contrepartie à destination des ménages situés en bas de l'échelle des revenus. Ce chèque de l'ordre de 300 euros par an doit permettre d'accélérer la transition écologique et la décarbonation de l'économie française. Les économistes évaluent le coût de ce dispositif à 4,5 milliards d'euros et pourrait bénéficier à 15 millions de personnes. Dans le contexte de l'anniversaire de l'Accord de Paris, ces propositions devraient alimenter les débats sur la place de la consommation dans la transition écologique.

Un chèque pour les plus modestes

Ce dispositif ne vise pas à lutter contre la pauvreté, rappellent les chercheurs. Il a pour objectif d'inciter les ménages les plus modestes à consommer au sortir de la crise. Plusieurs études récentes ont montré que ces catégories ont été particulièrement exposées lors du premier confinement notamment. Beaucoup de professionnels, qui ne pouvaient pas se rendre sur leur lieu de travail, ont été mis au chômage partiel et ont donc perdu des revenus issus de leur activité. En outre, beaucoup de métiers (caissiers, éboueurs, aides-soignants, livreurs...) ont été grandement sollicités pendant les pics de contamination au printemps. Enfin, une récente note du Conseil d'analyse économique expliquait que les 20% des ménages les plus modestes n'avaient pas pu épargner pendant le confinement, contrairement aux autres. "Ils sont aussi ceux pour lesquels la propension à consommer et donc à utiliser un tel chèque sera la plus élevée. Sans rattrapage fort de la consommation, une fois que les conditions sanitaires le permettront, l'économie française n'évitera pas une vague de faillites chez les commerçants et de chômage. Sur le plan macroéconomique, le chèque vert est un des instruments qui peut aider à ce rattrapage", complètent les économistes du think tank. Les produits éligibles à ce chèque doivent répondre à des critères précis, comme des chartes certifiant leur qualité écologique.

> Lire aussi : La consommation à nouveau menacée, l'épargne au sommet pour les plus aisés

Un chèque financé par l'État et les entreprises

Cet instrument serait intégralement pris en charge par l'État pour les personnes dont les revenus sont inférieurs à 1,3 smic (soit 1.585 euros). Les personnes salariées ou non pourraient ainsi bénéficier de ces chèques. Pour les personnes ayant des revenus entre 1,3 et 1,6 smic, ce sont les entreprises qui pourraient mettre en place ce dispositif. Il "se fondrait dans la prime mise en place en 2019 (dite « Prime Macron pour le pouvoir d'achat ») en y ajoutant une dimension écologique". Face à la colère des "gilets jaunes", Emmanuel Macron avait incité les entreprises à accélérer la distribution de primes exonérées de cotisations sociales et défiscalisées pour renforcer le pouvoir d'achat des salariés. Les économistes estiment que cette exonération "constituerait une forte incitation pour les employeurs à offrir ce chèque". Dans le contexte des conditions favorables d'endettement de la France avec le maintien des taux bas, ils évoquent l'émission d'obligations vertes via l'agence France trésor pour financer ce dispositif.

Une proposition contradictoire avec les ambitions du gouvernement

Ce chèque vert, qui peut être séduisant en apparence pour assurer la transition écologique, souffre de leviers pour sa mise en œuvre. Les économistes évoquent notamment le plan de relance annoncé en grande pompe à la fin du mois de septembre après avoir été reporté au cours de l'été. La dégradation de la situation sanitaire à l'automne et la nécessité de prendre de nouvelles mesures d'urgence pour soutenir les secteurs économiques les plus meurtris risquent de décaler la mise en application de ce plan de relance. En outre, la proposition de l'organisation proche de la gauche sociale-démocrate risque de se heurter aux ambitions du gouvernement qui a fait le pari d'une relance par l'offre. Enfin, ils évoquent le rôle que pourrait jouer les collectivités locales dans la mise en œuvre de ces chèques. Là encore, l'efficacité de cette distribution va dépendre des relations entre l'État et les régions.

Grégoire Normand
Commentaires 4
à écrit le 10/12/2020 à 19:42
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Le chèque tue les arbres mais le bois est renouvelable donc c'est vert? Sauf le produit de chaque combustion. La schrizophrénie verte est EN MARCHE! :-D

à écrit le 10/12/2020 à 9:59
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En fin de compte, l'administration de l'UE de Bruxelles peut rétorquer qu'il s'agit là d'une distorsion de concurrence, une entrave a la circulation et de l'utilisation d'une monnaie non reconnue! Bref, contraire a tout ce que notre signature sur les...

à écrit le 09/12/2020 à 18:16
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Je comprends pas bien le raisonnement là mais l'idée serait qu'en donnant un petit chèque à des gens qui sont dans le besoin on souhaite qu'ils s'en servent pour acheter des produits chers ? Ca fait longtemps qu'ils ne sont pas descendus dans la ...

à écrit le 09/12/2020 à 15:01
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Et allez, restreignons un peu plus les libertés individuelles, c'est vrai, quoi, l'argent, ça permet d'acheter ce qu'on veut après avoir travaillé, dangereux pour l'état, ça.

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