
« Pfizer, Nokia, Prologium, Morgan Stanley... ». Lundi, Emmanuel Macron égrenait sur Twitter le nom des investissements annoncés en France au sommet Choose France comme autant de victoires à mettre à l'actif de son bilan économique. Depuis 2017, les investisseurs étrangers sont reçus à la manière des chefs d'Etat à Versailles ou à l'Elysée à l'image d'Elon Musk.
Rompu au langage des grands financiers, Emmanuel Macron sait comment murmurer à leur oreille. Son Choose France se voulait initialement comme une étape sur la route de la messe de la mondialisation à Davos, avant que la pandémie ne le décale au printemps. Sous les ors du château de Versailles, président et ministres s'emploient comme aucun gouvernement avant eux à restaurer l'attractivité française. « L'exécutif voit dans les investissements directs à l'étranger (IDE) une validation de sa politique économique », observe l'économiste du CEPII Vincent Vicard.
Les investissements étrangers, baromètre de la politique économique
L'efficacité des réformes se juge à l'aune du nombre d'IDE attirés chaque année, en particulier le classement d'EY très scruté. Alors que la France est d'ordinaire distancée dans des comparaisons avec les voisins (déficit public, commercial, part de l'industrie dans le PIB...), le palmarès d'EY lui offre des motifs de fierté. Pour la quatrième année consécutive, l'Hexagone est la première destination des investissements étrangers en Europe devant le Royaume-Uni.
« Autour de 2010, il y a eu une prise de conscience que la France était en concurrence pour les investissements, sous l'impulsion notamment de Christine Lagarde lorsqu'elle était ministre de l'Economie », précise Marc Lhermitte, associé du cabinet EY et responsable du baromètre des investisseurs étrangers. L'ancienne dirigeante du cabinet Baker McKenzie (ndlr, cabinet d'avocat d'affaires) connaissait bien la logique des grandes entreprises américaines et a déjà organisé des rencontres au sommet de l'Etat avec des investisseurs étrangers, préfigurant Choose France.
L'électrochoc du rapport Gallois
Quelques mois après, au tout début du quinquennat Hollande, le rapport Gallois publié en 2012 jetait une lumière crue sur les lacunes françaises, criantes dans une mondialisation plus souvent synonyme de délocalisations que de constructions d'usine.
Le pavé réclame un électrochoc de compétitivité en France, « coût » et « hors coût. » Emmanuel Macron travaille alors comme conseiller économique de François Hollande et manœuvre pour mettre en musique certaines des préconisations du rapport, notamment à travers le Crédit Impôt Compétitivité Emploi (CICE) appliqué dès 2013.
« Dans les quinze années précédant le rapport, les politiques économiques ne donnaient pas la priorité à la compétitivité, mais bien plus au pouvoir d'achat, aux 35 heures et aux services. Dans cette vision post-industrielle, on ne voyait pas l'intérêt de stimuler la production », se remémore Olivier Redoulès, directeur des études chez Rexecode.
L'hémorragie de capitaux et d'emplois industriels a été stoppée
Parvenu à la magistrature suprême, Emmanuel Macron s'emploie depuis à rattraper le retard de compétitivité accumulé, notamment en termes d'industrie. Avec une certaine efficacité : l'emploi industriel s'est stabilisé fin 2022 à son niveau de 2014 sans parvenir encore à rattraper le million d'emplois détruits dans les années 2000.
« Le rebond de l'attractivité remonte à 2015-2016 avec l'effet du CICE et de la première loi Travail. La France a ensuite maintenu des résultats spectaculaires en termes de projets d'investissements. Les gouvernements successifs ont fait un très bon "marketing" de la France », analyse Marc Lhermitte d'EY qui nuance la portée des annonces de Choose France. « Elle n'a fait que la moitié du chemin, notamment en termes d'emploi ». Un projet d'investissement génère 33 emplois en France, soit deux fois moins qu'en Allemagne et au Royaume-Uni « à cause d'une structure de coût élevée et d'un climat social jugé volatile » pointe le rapport.
L'Etat paie cher en subventions les projets d'investissements
En écho, Vincent Vicard souhaiterait que soit communiqué le montant des IDE qui quittent la France en même temps que ceux qui y arrivent, notamment de la part « multinationales françaises qui ont moins maintenu leur production nationale que les groupes allemands ». L'économiste du CEPII réclame aussi davantage de transparence sur le montant des subventions publiques consenties en échange des projets comme l'usine de batteries Prologium à Dunkerque, qui pourraient avoisiner « le milliard d'euros » selon lui.
Les usines promises doivent surtout patienter plus longtemps en France qu'ailleurs avant de sortir de terre, pointe le rapport d'EY en raison d'« une pénurie de foncier et de lourdeurs administratives ». Autant de temps perdu avant que les chiffres d'investissements se traduisent en emplois et en création de valeur sur le sol français.
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