Le palmarès des patrons du CAC 40 les mieux payés en 2014

Par Jean-Charles Simon, Facta  |   |  1746  mots
En exclusivité pour La Tribune, voici l'étude réalisée par Facta, plateforme spécialisée dans la collecte de données, la vérification des faits (fact checking) et le journalisme de données (data journalism).

Les rémunérations globales des dirigeants des entreprises du CAC 40 ont sensiblement augmenté en 2014. Elles atteignent le chiffre vertigineux de 153 millions d'euros, en hausse de 10,1% par rapport à 2013. Sur un périmètre strictement comparable (mêmes entreprises et mêmes dirigeants sur l'ensemble de l'exercice, soit 33 sociétés), cette hausse est à peu près du même ordre, de 8,2%. Mais parmi les différentes composantes des rémunérations, les évolutions ne sont pas similaires.

Une hausse de 10 % des packages due à l'augmentation des attributions d'actions et d'options

L'augmentation est plus modérée s'agissant des rémunérations fixes, souvent stables d'un exercice sur l'autre, et même des rémunérations variables. Pour ces deux composantes réunies, la hausse est de seulement 5,2% en 2014 (3,1% sur le périmètre strictement comparable). On note toutefois la multiplication de formules de rémunérations variables « pluri-annuelles », parfois rattachées au moins pour partie à la variation du cours des actions. Ces rémunérations peuvent atteindre des montants élevés, comme chez Axa, Danone ou Renault.

Toutefois, le véritable vecteur de l'augmentation des rémunérations en 2014 aura été les attributions d'actions et d'options, qui ont gonflé de 19,6% sur un an (19,8% sur un périmètre strictement comparable). Il semblerait que les entreprises aient d'une certaine façon anticipé le rebond boursier du début 2015, ces instruments étant d'autant plus intéressants à attribuer que les cours de bourse sont encore modérés. En revanche, les attributions d'actions effectuées en 2014 ne pourront pas bénéficier de l'allégement considérable de leur fiscalité prévu par la loi Macron, qui ne s'appliquera qu'aux décisions postérieures à la loi.

Une transparence et une comparabilité quasi totales

Les sociétés cotées de droit français sont de plus en plus transparentes en matière de rémunérations de leurs dirigeants. Elles suivent en cela, un peu contraintes, les recommandations précises édictées à la fois par l'AMF et dans le code Afep/Medef, et elles reprennent notamment le formalisme des tableaux récapitulatifs prévus à ce sujet. Il est donc loin le temps où il fallait aller, dans le meilleur des cas, chercher au fin fond des rapports annuels l'information précise sur ces rémunérations.

Quelques bémols néanmoins. Tout d'abord, les sociétés de droit étranger qui font partie du CAC 40 ne sont pas soumises à ce formalisme. Il serait opportun qu'elles décident d'elles-mêmes de s'y plier. Par ailleurs, il est regrettable que certaines entreprises essaient de dissocier les rémunérations variables pluri-annuelles de l'ensemble des rémunérations variables. Car même si leurs critères sont souvent, par construction, applicables à des situations à venir, elles ne présentent pas de différence de nature avec un variable annuel, qui dépend aussi de conditions de performance. L'information relative aux régimes de retraite à prestations définies est quant à elle encore insuffisante ou lacunaire : elle devrait être également normalisée et exhaustive.

Enfin, deux critiques spécifiques à formuler : chez Schneider, le dirigeant doit percevoir des montants très importants en compensation de sa renonciation à un régime de retraite à prestations définies. Mais ces montants ne figurent pas dans la description de ses différentes rémunérations. Chez Veolia, le PDG se voit attribuer des actions grâce à un nouveau mécanisme sans que soit donnée la valorisation de cette attribution.

Une relation assez nette entre la taille de l'entreprise et la rémunération globale

En croisant la taille de l'entreprise, exprimée par sa capitalisation boursière, et la rémunération globale des dirigeants (y compris la valeur des attributions d'options et d'actions), il apparaît une relation croissante assez nette entre les deux (voir graphique ci-dessous). Une relation d'ailleurs déjà évoquée par différentes études, comme celle des économistes Augustin Landier et Xavier Gabaix qui ont montré le lien direct entre les augmentations de la capitalisation d'une entreprise et de la rémunération de son dirigeant.

Une exception attendue au sein de l'échantillon concerne le cas spécifique d'EDF, où la rémunération du dirigeant a été fortement réduite sur application des règles décidées par l'actuel gouvernement pour les entreprises publiques. Parmi les rémunérations moins élevées que la relation visible sur le graphique devrait le suggérer, on trouve aussi Total, le « package » du dirigeant n'étant pas le plus élevé, loin s'en faut, malgré la capitalisation de la société ; ou encore BNP Paribas, où il n'y a toujours pas d'attribution d'actions ou d'options depuis la crise et les règles adoptées alors pour les banques. Dans l'autre sens, se signalent Gemalto et Renault, avec des rémunérations globales élevées au regard de la capitalisation boursière de ces entreprises.

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Entre rémunération du dirigeant et rendement pour l'actionnaire, une convergence plus ténue

Il est également intéressant de rapprocher la variation des rémunérations du dirigeant et le rendement global pour l'actionnaire une même année. Ce dernier indicateur est en effet le plus pertinent pour cet exercice, la variation du résultat net étant par exemple trop sujette à des éléments exceptionnels, à des effets de cycle ou à ceux propres aux règles comptables IFRS.

On distingue une relation un peu plus vague entre ces deux variations annuelles que pour le lien entre taille de l'entreprise et rémunération, et davantage d'exceptions. S'il y a un problème de comparabilité dans le cas d'Accor (le dirigeant n'était pas présent sur l'ensemble de l'année 2013), on trouve en revanche à nouveau Gemalto et surtout Renault comme déviant de la moyenne. Dans le cas du constructeur automobile, il est intéressant d'observer la position sur la rémunération (puisqu'il y a désormais « say on pay ») de l'Etat, qui est justement monté au capital en prévision de l'assemblée générale, a priori surtout pour y défendre ses droits de vote doubles. Alcatel-Lucent, Arcelor-Mittal et Bouygues voient aussi leurs dirigeants bénéficier d'augmentations sans que leur action ait enregistré un parcours aussi favorable. A contrario, chez LVMH, Valeo et surtout Orange, la rémunération globale du dirigeant aurait pu évoluer davantage à la hausse.

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En orange, des sociétés pour lesquelles la comparaison 2014/2013 est problématique (par exemple, changement de dirigeant).
La taille des cercles est proportionnelle au montant du package global du dirigeant.

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>>> La méthodologie de l'enquête

  • Sociétés

Nous avons pris en compte les sociétés du CAC 40 dans sa composition du 31 décembre 2014. En l'espèce, nous avons ainsi retenu Valéo, qui a remplacé Vallourec dans l'indice en cours d'année 2014. Mais aussi Gemalto, qui a été depuis remplacé par Peugeot en mars 2015.

  • Dirigeants

Le dirigeant étudié est le principal dirigeant exécutif de chaque groupe : président-directeur général, président du directoire, directeur général... Par ailleurs, en cas de fonction occupée seulement sur une partie de l'année 2014, nous avons retenu le dirigeant qui l'avait occupée le plus longtemps au cours de l'année : Franck Riboud chez Danone, Arnaud de Puyfontaine chez Vivendi (tous deux ayant par ailleurs été en fonction toute l'année à ce poste ou un autre dans leur société), Henri Proglio chez EDF, Christopher Viehbacher chez Sanofi et le défunt Christophe de Margerie chez Total.

  • Rémunérations

Les rémunérations prises en compte sont présentées selon les catégories prévues par le code Afep/Medef et l'AMF, lorsque cette information est disponible (presque toujours le cas pour les 36 sociétés de droit français de l'échantillon) : rémunération fixe due / versée, rémunération variable due / versée, jetons de présence, avantages en nature, valeur des options et actions attribuées.

Toutefois, pour les totalisations présentées, ne sont conservées que les rémunérations fixes et variables d'une part, les options et actions attribuées d'autre part. En effet, les avantages en nature sont par construction non pécuniaires tandis que les jetons de présence correspondent à une fonction précise et parfois distincte de la fonction exécutive, celle de membre d'un conseil. De plus, les pratiques divergent largement selon les entreprises à ce sujet, qu'il s'agisse du montant de ces jetons de présence ou de la renonciation à ces jetons par les mandataires sociaux, sans que cela se rattache spécifiquement à la rémunération des dirigeants. Ces montants, relativement faibles en comparaison des rémunérations, ont donc été écartés des totalisations présentées (mais figurent dans nos tableaux détaillés).

S'agissant des rémunérations variables pluriannuelles, avec différents critères de performance et parfois une référence directe au cours de l'action, elles ont été systématiquement rattachées aux rémunérations variables dues, quand bien même certaines sociétés souhaitent davantage les assimiler à des attributions d'options ou d'actions. Les situations intégrant ces rémunérations hybrides sont signalées par une note de bas de page.

Enfin, certains cas particuliers méritent attention et sont signalés par des notes de bas de page en-dessous des tableaux.

  • Données boursières

Les capitalisations et les performances des actions en 2014 ont été collectées sur Bloomberg. Il s'agit des capitalisations au 31 décembre 2014 et des rendements totaux pour les actionnaires de chaque action, c'est-à-dire sa variation sur l'année augmentée le cas échéant d'un dividende réinvesti.

S'agissant de l'alignement des intérêts des actionnaires et des dirigeants, principe fondateur dans les lignes directrices fixant les rémunérations des dirigeants d'entreprises cotées, c'est bien la rentabilité totale pour l'actionnaire qui apparaît le meilleur indicateur. En effet, les résultats financiers des entreprises sont plus difficiles à interpréter. En particulier, les normes IFRS peuvent entraîner un décalage important entre performance effective et résultat net publié. De surcroît, la performance financière doit être d'abord rapprochée de celles des entreprises similaires, davantage qu'appréciée dans l'absolu ou même en variation d'une année sur l'autre.

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>>> Le détail des rémunérations des dirigeants

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