Réforme des retraites : combien d'argent manque-t-il ?

Par Aurélie Carabin et Gabriel Bourovitch, AFP  |   |  685  mots
À Marseille, la manifestation contre la réforme des retraites, aujourd'hui jeudi 9 janvier 2020. (Crédits : Reuters)
De 3,5 milliards d'euros en 2018, le déficit devrait se creuser et atteindre de 8 à 17 milliards en 2025 et jusqu'à 27 milliards en 2030 dans le pire des scénarios, selon le Conseil d'orientation des retraites (COR). Mais le problème n'est pas le même pour les caisses qui disposent de réserves financières, comme la complémentaire des salariés du privé (Agirc-Arrco), que pour le régime de base de la Sécu, dont les comptes vont plonger, passant d'un déficit de 1,6 milliard en 2018 à au moins 6 milliards en 2025 et 7,5 milliards en 2030 (11 milliards pour l'hypothèse la plus pessimiste).

Pierre d'achoppement de la réforme des retraites, la question de son financement fera l'objet d'une réunion au sommet vendredi, entre un gouvernement et des syndicats en désaccord sur l'ampleur des déficits, mais aussi sur le délai pour les résorber et les moyens d'y parvenir.

Combien d'argent manque-t-il ?

De 3,5 milliards d'euros en 2018, le déficit devrait se creuser et atteindre de 8 à 17 milliards en 2025 et jusqu'à 27 milliards en 2030 dans le pire des scénarios, selon le Conseil d'orientation des retraites (COR).

Cette dégradation ne serait pas due à un dérapage des dépenses, qui resteraient à un niveau "stable ou très proche" de 13,8% du produit intérieur brut, mais à un décrochage des recettes, lié "pour l'essentiel" à la fonction publique, en raison des baisses d'effectifs et des faibles hausses de salaire prévues pour les fonctionnaires.

Derrière le solde global du système, le problème n'est pas le même pour les caisses qui disposent de réserves financières, comme la complémentaire des salariés du privé (Agirc-Arrco), que pour le régime de base de la Sécu, dont les comptes vont plonger, passant d'un déficit de 1,6 milliard en 2018 à au moins 6 milliards en 2025 et 7,5 milliards en 2030 (11 milliards pour l'hypothèse la plus pessimiste).

Un trou en partie provoqué par les choix budgétaires après la crise des "gilets jaunes", dont le coût n'a pas été compensé par l'Etat.

Aux yeux des syndicats, le gouvernement est donc doublement responsable de la situation, en tant qu'employeur et gestionnaire des comptes publics.

Y a-t-il vraiment urgence ?

Le "besoin de financement" à court, moyen et long termes du système de retraite est connu de longue date et documenté chaque année dans les rapports du COR.

Mais l'exécutif n'en a fait une priorité qu'après la crise des "gilets jaunes", au sortir du "grand débat national". Depuis 9 mois, les membres du gouvernement insistent sur la nécessité de "travailler plus longtemps".

Comme Emmanuel Macron s'est engagé à maintenir l'âge légal à 62 ans, le Premier ministre Edouard Philippe envisage d'y ajouter un "âge d'équilibre" - aussi appelé "âge pivot" - avec un "malus" pour ceux qui partiraient avant et un "bonus" pour ceux qui prolongeraient leur carrière au-delà.

A moins que patronat et syndicats s'accordent sur "une meilleure proposition", ce dispositif s'appliquerait dès 2022, pour atteindre 64 ans en 2027.

Unanimement opposés à cette mesure, les syndicats contestent l'argument du risque de "faillite" du système, certains préférant renvoyer l'objectif d'équilibre "à 10 ou 15 ans".

Que proposent les syndicats ?

Les syndicats ont déjà avancé un possible "cocktail de mesures", à commencer par des hausses de cotisations pour les employeurs et les plus hauts salaires. Mais le patronat s'y refuse et M. Philippe "ne souhaite pas" augmenter "le coût du travail".

Le Medef réclame "absolument une mesure d'âge", ce que n'exclut pas la CFTC, mais sur le modèle de la "décote temporaire" négociée par les partenaires sociaux à l'Agirc-Arrco et entrée en vigueur l'an dernier.

A tout prendre, la CFDT penche plutôt pour un relèvement accéléré de la durée de cotisation, censée passer progressivement à 43 ans en 2035 en vertu de la précédente réforme de 2013.

Au sein de la centrale, certains sont prêts à "tout mettre sur la table", y compris le fait que le "niveau de vie des retraités" est supérieur à celui des actifs. Le gouvernement, échaudé par la fronde des seniors contre la hausse de la CSG et la sous-indexation des retraites, se dit "radicalement opposé à une baisse des pensions".

Plusieurs organisations envisagent par ailleurs de piocher dans le Fonds de réserve des retraites, trésor de guerre doté de 36 milliards fin 2017, même si une partie de cette somme est provisionné pour rembourser le "trou de la Sécu" jusqu'en 2024.

A cette date, la dette sociale aura été apurée et près de 20 milliards de taxes (CSG et CRDS) seront potentiellement disponibles, souligne l'Unsa, qui suggère d'en utiliser une partie pour les retraites.