La bataille des retraites s'accélère. Quelques jours après les fortes mobilisations contre la réforme de l'exécutif, les ministres du Travail Olivier Dussopt et celui de la Fonction publique Stanislas Guerini ont présenté le texte ce lundi en conseil des ministres. Prenant acte de la contestation sur tout le territoire, Olivier Dussopt a déclaré devant la presse « ce projet de réforme des retraites est différent de celui que nous aurions pu présenter il y a quelques mois. »
Les deux ministres envoyés sur le front ont exprimé leur « détermination » à faire passer le texte coûte que coûte malgré tous les appels à poursuivre les actions de la part des syndicats. Ils ont notamment insisté sur le fait que le gouvernement ne bougerait pas sur le recul de l'âge de départ à 64 ans, la mesure la plus emblématique et sans doute la plus décriée de la réforme.
S'agissant de l'impact macroéconomique, le Haut conseil des finances publiques rattaché à la Cour des comptes a publié un avis sévère sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) ce lundi 23 janvier. « « » Compte tenu du caractère incomplet des informations qui lui ont été transmises par le gouvernement, le Haut Conseil n'est pas en mesure d'évaluer l'incidence de moyen terme de la réforme des retraites sur les finances publiques, » explique la juridiction.
Concernant l'étude d'impact évoquée dans plusieurs médias, le ministre du Plein emploi a affirmé lors du compte rendu du conseil des ministres que c'était une version encore « provisoire » qui avait circulé. Interrogé par La Tribune, l'entourage du ministre n'a pas encore donné de moment où elle serait rendue publique.
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Un scénario de croissance jugé « optimiste » et « élevé »
Les prévisions de croissance retenues par le gouvernement dans le projet de loi sont jugés « optimistes » par les magistrats. Dans le texte envoyé au Haut conseil des finances publiques, Matignon n'a pas modifié sa projection de croissance de 1% datant de la présentation du projet de loi de finances pour 2023 (PLF 2023) présenté en septembre dernier. Les experts de la rue Cambon soulignent que le consensus des économistes (Consensus forecasts) tablent sur une croissance de 0,2% cette année.
Et que la prévision du Trésor demeure « au dessus de l'ensemble des prévisions des instituts de conjoncture français et internationaux. » Le HCFP considère que la prévision de Bercy « sous-estime les facteurs de freinage de l'activité actuellement à l'œuvre, notamment le niveau élevé de l'inflation et le durcissement en cours des politiques monétaires ».
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Inflation : une prévision jugée « un peu faible »
Concernant l'indice des prix à la consommation, le Haut conseil des finances publiques juge la prévision du gouvernement « un peu faible ». L'inflation augmenterait en moyenne de 4,2% en 2023 selon les chiffres inscrits dans le PLFRSS. Le consensus des économistes table de son côté sur une inflation à 4,8%. Quant à la Banque de France (5,5%), Rexecode (5,2%) ou l'OFCE (4,6%), ils font le pari d'une inflation supérieure à celle du Trésor. « Le reflux anticipé par le gouvernement de l'inflation semble rapide, » note le HCFP.
L'institution estime que la transmission de la hausse des prix à la production et à l'importation vers les prix à la consommation devrait continuer de soutenir l'inflation sous jacente, c'est-à-dire sans les prix les plus volatils (produits frais, produits pétroliers).
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400 millions d'euros de dépenses supplémentaires en 2023
Lors de la présentation de la réforme des retraites le 10 janvier dernier, la Première ministre Elisabeth Borne a expliqué que la réforme des retraites pourrait générer 17,7 milliards de recettes supplémentaires d'ici 2030. « Cette réforme a un objectif de retour à l'équilibre du système des retraites d'ici 2030. Ces mesures permettent de générer 18 milliards d'euros. Elles permettront de faire des économies mais aussi de financer d'autres mesures comme le maintien des départs anticipés pour les travailleurs handicapés, les travailleurs invalides, » a insisté Olivier Dussopt à la sortie du conseil des ministres.
A moyen terme, le Haut conseil des finances publiques n'a pas fait de prévisions budgétaires considérant que les information transmises étaient incomplètes. S'agissant de 2023, l'organisme estime que le coût net de la réforme sera de 400 millions d'euros.
Dans le détail, 50.000 personnes pourraient décaler leur départ à la retraite dès cette année. Ce qui entraînerait une baisse des dépenses de 200 millions d'euros en 2023. En parallèle, la hausse du minimum contributif (400 millions d'euros), des mesures sur la pénibilité et l'usure professionnelle (100 millions d'euros), ou encore le financement de la transition entre l'emploi et la retraite (100 millions d'euros) provoqueraient un bond des dépenses de 600 millions d'euros.
Compte tenu de l'entrée en vigueur hypothétique de la réforme au premier septembre prochain et de la montée en charge de cette réforme, le Haut conseil des finances publiques indique que la réforme des retraites aurait en 2023 « un impact négligeable sur le ratio de dette. Ce n'est qu'au-delà que cet impact deviendrait significatif. »