Sondage : 74% des Français font davantage confiance aux Régions qu’à l’État

Le 30 septembre, l’IFOP publie les résultats d’un sondage pour Régions de France, à l’occasion de son 17e congrès à Montpellier. Une enquête qui porte sur les perceptions et les attentes des Français à l’égard de leur Région et qui livre plusieurs enseignements majeurs : les Régions sont plus profondément ancrées dans l’opinion que ce que l’on croit, les Français font davantage confiance à leurs Régions qu’à l’État, et des attentes sur une nouvelle répartition des compétences entre l’État et les Régions pour aller vers un rééquilibrage des pouvoirs.
Cécile Chaigneau
Dans le sondage IFOP / Régions de France du 30 septembre 2021, les Français se révèlent plus connaisseurs des conseils régionaux et de leurs compétences que le laissaient penser les idées reçues.
Dans le sondage IFOP / Régions de France du 30 septembre 2021, les Français se révèlent plus connaisseurs des conseils régionaux et de leurs compétences que le laissaient penser les idées reçues. (Crédits : DR)

Alors que le 17ème congrès des Régions de France, qui se tenait à Montpellier le 30 septembre, était placé sous le signe de « République de la confiance », un sondage* IFOP pour l'association Régions de France et la Fondation Jean Jaurès affiche un thermomètre au beau fixe pour les collectivités régionales puisque près des trois-quarts des sondés disent faire davantage confiance à leur Région qu'à l'État (70% en Corse, 66% dans les départements et régions outre-mer [DROM]).

« Le match tourne nettement à l'avantage du conseil régional quelle que soit la cible ou le territoire », souligne Frédéric Dabi, le directeur général de l'IFOP.

Un fait régional qui s'impose donc, et qui n'est probablement pas étranger à la crise sanitaire que les Français viennent de traverser, où ils ont pu observer l'action des conseils régionaux...

Sentiment d'impuissance et abstention

Mais alors pourquoi les dernières élections régionales ont-elles été à ce point entachées par l'abstention ? Trois mois après le scrutin et six mois avant le premier tour de l'élection présidentielle, l'IFOP a interrogé les Français sur leur rapport aux urnes.

Lors des élections régionales de 2020, la première des raisons de l'abstention est nettement un sentiment d'impuissance, avec 41% des habitants de l'Hexagone qui ont considéré que ces élections ne changeraient rien à leur situation personnelle. Si ce sentiment existe aussi en Corse et dans les DROM (42% et 30%), les sondés avancent toutefois comme première raison le fait de ne pas voir de différence entre les projets des différentes listes (43% et 41%).

En revanche, ceux qui sont allés voter étaient majoritairement motivés par le devoir civique dans l'Hexagone (75%), par le sentiment que les élections ont un impact sur la situation de leur région en Corse (58%), et par un intérêt pour la gestion de la région en DROM (57%).

« La majorité pense qu'une abstention très forte aux élections en France est désormais inévitable », pointe Frédéric Dabi qui souligne toutefois que 73% des habitants de l'Hexagone et même 84% en Corse et 67% dans les DROM considèrent les élections des échelons locaux comme celles les plus à même de changer les choses.

Selon le sondage, une majorité des sondés pensent d'ailleurs que davantage de pouvoir et de compétences aux Régions les inciterait à aller voter aux prochaines élections régionales et à s'intéresser davantage à la gestion quotidienne de leur région...

Connaissance des Régions : « le niveau est éloquent »

L'autre enseignement majeur du sondage, c'est l'appréciation positive des Français sur les compétences de leur Région, qui sont, comme le souligne Gilles Finchelstein, directeur général de la Fondation Jean Jaurès, « bien plus profondément ancrées dans l'opinion que ce que l'on croit généralement ».

« L'idée d'une distance des Français par rapport à la Région est aujourd'hui communément partagée, alimentée par le taux d'abstention aux élections de 2021, expliquée parfois par la perte d'identité liée au redécoupage ou plus souvent par l'absence d'identification des compétences régionales, ajoute-t-il. L'enquête réalisée par l'IFOP vient très largement contrebattre cette idée reçue. Le niveau de connaissances est éloquent, et bien plus élevé que ce que révèlent beaucoup d'autres enquêtes sur les connaissances des Français. »

En effet, les Français ne se trompent pas en attribuant aux Régions la compétence sur les lycées (55%), la mobilité (47%), l'aménagement du territoire (44%), la formation ou l'emploi (43%), ou le développement économique (38%), hormis concernant la gestion des fonds européens que seulement 15% des habitants de l'Hexagone attribuent aux Régions (28% en Corse, 30% dans les DROM). Inversement, ils savent distinguer les compétences qui ne relèvent pas des Régions.

Pour 67% des habitants de l'Hexagone, le conseil régional a bien un projet pour le développement de la région. Les habitants de Corse et des DROM mettent en avant la proximité avec le fait que la collectivité connaît les spécificités du territoire et de ses habitants (86% et 66%). Un sentiment corrélé à la perception de la capacité de la collectivité à améliorer le quotidien des habitant (57% dans l'Hexagone, 71% en Corse et 56% dans les DROM) et de son efficacité (respectivement 58%, 73% et 58%).

Pas assez de pouvoir aux échelons locaux

« A l'examen de la confiance détaillée dans les Régions ou l'État, l'avantage net à la Région ne se dément pas, que ce soit sur le développement des entreprises, les mobilités, l'emploi, ou la préservation de l'environnement, qui, en Corse est le principal sujet de confiance, analyse Frédéric Dabi. Le seul sujet où on retrouve un équilibre de la confiance, c'est sur l'accès aux soins. »

Quant à la question des pouvoirs accordés aux Régions, Départements et communes par l'Etat, « seul un gros quart des Français pensent que c'est suffisant », indique le directeur général de l'IFOP, les deux-tiers considérant que l'Etat ne laisse pas assez de pouvoir aux échelons politiques locaux.

« Le souhait des citoyens et la volonté des Régions semblent converger, analyse Gilles Finchelstein. Après un quinquennat marqué par des incompréhensions récurrentes entre l'État et les collectivités locales, après une série d'élections caractérisées par un taux d'abstention inédit, après tant de dossiers dont on a pu mesurer les difficultés de bien les traiter au niveau central, il apparaît aujourd'hui indispensable de renforcer le rôle, les pouvoirs et les responsabilités des Régions. Telle est la ligne directrice de l'analyse qui peut être faite de l'enquête. »

La répartition des compétences entre l'État et les régions suggérée par les sondés laisse apparaître le souhait de davantage de régionalisation : 54% des habitants de l'Hexagone, 62% des habitants de Corse et 56% des habitants des DROM souhaitent donner plus de pouvoir à leur Région.

Un résultat qui vient en effet conforter la position de l'association des Régions de France, portée par sa présidente, Carole Delga.

« La concentration du pouvoir entre quelques mains aboutit aujourd'hui à la déconnexion que nous subissons, déclare-t-elle. La Région est la bonne échelle, pour rassembler, pour agir. On doit aller plus loin : confiez-nous la santé, nous rénoverons et équiperons les hôpitaux comme nous l'avons fait avec les lycées dans les années 80 ! Nous avons besoin d'un État fort et efficace, centré sur ses pouvoirs régaliens : la justice, la sécurité, la diplomatie. Les Régions, comme les Départements et les communes, ont la maturité pour construire une véritable République des Territoires, décuplant leur capacité d'action et d'innovation dans des secteurs clés : la santé, l'emploi, l'orientation de nos jeunes. »

Des actions attendues sur l'emploi et la santé

Enfin, le sondage souligne le défi de la visibilité pour les collectivités régionales. En effet, dans l'Hexagone, les Français s'identifient davantage à leur commune (45%) ou à leur pays (46%) qu'à leur Région (11%), sauf, sans surprise, en Corse où la majorité (34%) s'identifie à la Région (contre 29% et 31% à la commune et au pays).

« Le sentiment d'appartenance régionale est loin d'être négligeable, constate Gilles Finchelstein. Certes, lorsqu'il s'agit de définir leur appartenance première, les Français privilégient sans surprise la commune ou la nation. Mais, alors même que le Département est une institution plus que bicentenaire, les Français sont légèrement plus nombreux à se définir d'abord par leur appartenance régionale, les chiffres étant même spectaculaires dans des régions comme la Corse ou la Bretagne. »

Les actions attendues de la part des conseils régionaux sur l'emploi sont importantes : 24% parlent de création d'emplois dans l'Hexagone, mais suivent de près et de manière presque équitable la formation des jeunes aux métiers de demain, le développement de l'apprentissage, l'orientation, la reconversion des salariés ou l'insertion des personnes en difficulté. En Corse et dans les DROM, la priorité est mise pour 35% et 32% sur la formation aux métiers d'avenir.

Enfin sur la santé, les Régions sont fortement attendues sur la lutte contre les déserts médicaux, pour 43% dans l'Hexagone, 32% en Corse (avec la maintenance des hôpitaux à 29%) et 24% dans les DROM.

* Sondage menée auprès d'un échantillon de trois échantillons : 3.011 personnes représentatives de la population métropolitaine (hors Corse), 601 personnes représentatives de la population de la Région Corse, et 803 personnes représentatives de la population des Départements et Régions d'Outre-mer.

Cécile Chaigneau
Commentaires 3
à écrit le 01/10/2021 à 15:22
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Ce sondage ronflant cache que les Français classent leur région comme une filiale de l'Etat. Il suffit de voir la participation aux élections locales.

à écrit le 01/10/2021 à 11:30
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La dépendance des uns et des autres ne peuvent pas donner de tel chiffre, il ne s'agit que de la couleur de cravate des présidents!

à écrit le 01/10/2021 à 9:07
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"74% des Français font davantage confiance aux Régions qu’à l’État"... Une autre façon de dire que c'est tout juste moins pire puisque les électeurs boudent quand même les urnes. Personnellement, je ne me sens pas plus incliné à faire confiance à Ber...

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