Un "délit d'écocide" va être créé pour punir les atteintes à l'environnement

Par AFP  |   |  606  mots
Barbara Pompili. (Crédits : CHARLES PLATIAU)
S'inspirant d'une proposition énoncée par la Convention citoyenne pour le climat, le gouvernement prépare un texte qui sera inscrit dans le code pénal considérant comme un délit tout atteinte grave à l'environnement, comme la pollution, avec des peines pouvant aller jusqu'à 10 ans d'emprisonnement.

Un "délit d'écocide" visant à prévenir et sanctionner les atteintes graves à l'environnement, dérivé d'une proposition de la Convention citoyenne pour le climat, va être créé, ont annoncé dimanche la ministre de la Transition écologique et le garde des Sceaux. Dans une interview conjointe au JDD, Eric Dupont-Moretti et Barbara Pompili détaillent ce nouveau délit et non crime comme l'avaient souhaité les 150 citoyens de la Convention pour le climat. "A l'enthousiasme citoyen qui s'est exprimé doit succéder une traduction juridique dans le code pénal", justifie le garde des Sceaux, faisant valoir un problème de constitutionnalité à l'égard du mot "crime".

"Nous allons créer un délit général de pollution. Les pénalités seront modulées en fonction de l'intentionnalité de l'auteur. Les peines encourues vont de trois ans d'emprisonnement à dix ans d'emprisonnement selon qu'on est en présence d'une infraction d'imprudence, d'une violation manifestement délibérée d'une obligation et la plus lourde, d'une infraction intentionnelle", rapporte Eric Dupont-Moretti.

Les amendes, qui se veulent dissuasives, iront de 375.000 à 4,5 millions d'euros. "Autrefois vous polluiez, vous gagniez, demain vous polluerez, vous paierez jusqu'à dix fois le bénéfice que vous auriez fait si vous aviez jeté vos déchets dans le fleuve", assure le garde des Sceaux.

La "mise en danger de l'environnement" également sanctionnée

Un deuxième délit de "mise en danger de l'environnement" devrait aussi voir le jour. Contrairement au premier, les sanctions pourront s'appliquer y compris quand la pollution n'a pas encore eu lieu, a précisé à l'AFP le ministère de la Transition écologique. "Le texte vise à pénaliser la mise en danger délibérée de l'environnement par des violations délibérées d'une obligation", souligne M. Dupond-Moretti dans le JDD. La peine encourue est d'un an de prison et 100.000 euros d'amende.

"C'est en fait la traduction, en des termes juridiques précis, de ce que demandaient les promoteurs historiques de la reconnaissance de l'écocide", assure Barbara Pompili. Les deux ministres s'entretiendront virtuellement lundi avec des représentants des 150 citoyens de la Convention pour le climat.

Création de juridictions spécialisées

Parallèlement à ces annonces, le ministre de la Justice a précisé les contours, dessinés par son prédécesseur Nicole Belloubet, de la réorganisation de la justice, dont la créations de juridictions spécialisées de l'environnement, pour faire face à ces nouveaux délits.

"Dans un chaque cour d'appel, il y aura un tribunal spécialisé compétent tant en matière civile, pour l'indemnisation des préjudices par exemple, qu'en matière pénale", précise-t-il. "La proposition qui sera présentée aux députés est infiniment moins ambitieuse que celle portée par la Convention citoyenne et ne correspond pas aux définitions internationale de l'écocide", a déploré le réalisateur et militant écologiste Cyril Dion sur Twitter, qui salue toutefois "une amélioration du droit".

Même tonalité pour l'eurodéputée écologiste Marie Toussaint, cofondatrice de l'association "Notre affaire à tous": "Le gouvernement annonce la reconnaissance de l'écocide, mais la description des mesures à venir, quoique bienvenues, ne correspond pas à la condamnation de ce grave crime contre la nature!", a-t-elle réagi sur le même réseau.

La Convention citoyenne pour le climat a été constituée en octobre 2019, à l'initiative du chef de l'État. Elle a regroupé 150 citoyens tirés au sort dans le but de proposer des mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Elle en a proposé 149 à Emmanuel Macron, qui s'est engagé à en reprendre 146.