Vers une réforme du licenciement économique ?

Dans le cadre du futur projet de loi sur le droit du travail, le gouvernement réfléchirait à mieux définir dans le Code du travail les "causes" admises pour procéder à un licenciement économique afin de sécuriser les procédures.
Jean-Christophe Chanut
Le futur projet de loi sur le droit du travail défendu par Myriam El Khomri va-t-ll revenir sur les "causes" admises pour procéder à un licenciement économique?

La future loi de Myriam El Khomri modifiant le droit du travail va-t-elle toucher aux règles encadrant les licenciements économiques ? Selon le quotidien Les Echos, ce n'est pas impossible... mais pas encore certain, un arbitrage de l'exécutif est attendu. Il faut dire que le sujet est hautement sensible politiquement et juridiquement très délicat. Et les conséquences d'une telle réforme ne sont pas forcément très faciles à appréhender. On comprend donc les hésitations du gouvernement.

Selon Les Echos, le projet de loi voudrait mieux définir les "causes" admises pour procéder à un licenciement économique. Une façon d'inciter les entreprises à recruter sous contrat à durée indéterminée (CDI) en leur donnant davantage de garanties sur les motifs économiques « réels et sérieux » qui pourraient entraîner la rupture du CDI. Une vieille revendication patronale. Medef et CGPME suggèrent même que des motifs de rupture préétablis figurent dans le contrat de travail. Par exemple, un licenciement économique serait fondé si l'entreprise subit pendant trois ou quatre trimestres consécutifs une baisse de son chiffre d'affaires. Ainsi, le salarié saurait à quoi s'en tenir dès la conclusion de son contrat.


Prévoir plus précisément la "cause" d'un licenciement économique

C'est un peu sur cette idée que plancherait le gouvernement. Il regarde ainsi ce qui se passe en Espagne en la matière. Depuis la réforme du marché du travail espagnol en 2012, une entreprise peut procéder à un licenciement économique si elle rencontre « des difficultés persistantes ». Et le droit espagnol définit la persistance par : « la diminution sera persistante si, durant trois trimestres consécutifs, le niveau de recette ordinaires ou de recettes provenant des ventes de chaque trimestre est inférieur au niveau enregistré lors du même trimestre de l'année précédente ». Certes, il n'est pas du tout certain que le projet de loi reprenne à l'identique la définition espagnole. Mais, l'idée serait de « sécuriser » un licenciement économique en prévoyant un critère économique large basé sur la chute de l'activité et/ou du chiffre d'affaires. L'employeur pourrait alors se « réfugier » derrière ce critère pour justifier le licenciement.

Mais alors attention aux contentieux sur la contestation par le salarié du caractère structurel de la dégradation de la situation économique de l'entreprise, sur le versement éventuel de dividendes aux actionnaires, sur la rémunération des dirigeants, etc. Et en cas de retour à bonne fortune, le salarié licencié disposera-t-il d'une priorité de réembauche ?

la notion de "sauvegarde de la compétitivité" dans le Code du travail?

Toujours selon Les Echos, le gouvernement explorerait une autre piste.
Rappelons que, actuellement, le Code du travail définit ainsi le licenciement économique:

« Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ».

Il s'agit là de la définition légale. Mais la jurisprudence a également joué un rôle, notamment le très important arrêt « Vidéocolor » de la chambre sociale de la Cour de cassation qui a considéré que : « lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, une réorganisation ne peut constituer un motif économique que si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité ».

La notion de sauvegarde de la compétitivité a donc été introduite par cette jurisprudence. Mais si cette idée peut justifier un licenciement économique, l'entreprise doit cependant étayer son propos, expliquer le « danger réel » qui pèse sur sa compétitivité. Le gouvernement réfléchirait donc à intégrer ce principe jurisprudentiel de « sauvegarde de la compétitivité » dans le Code du travail, toujours pour sécuriser les entreprises. Reste à savoir jusqu'à quel point la notion de sauvegarde de la compétitivité pourrait être employée ? La jurisprudence est également abondante sur cette question.

Limiter le pouvoir du juge

Rappelons qu'il ne s'agit pour l'instant que de pistes de travail. Le projet de loi de Myriam El Khomri ne sera définitivement rendu public que le 9 mars. Mais une chose est certaine, si ces novations devenaient réalité, cela irait en grande partie dans le sens voulu par le patronat pour sécuriser les entreprises, notamment les TPE/PME. En effet, ces nouvelles règles limiteraient le pouvoir d'interprétation du juge. Ppour les plus grandes entreprises, les règles du licenciement collectif - notamment pour les licenciements collectifs nécessitant un plan social - ont été largement encadrées et rénovées par la loi Sapin de juin 2013 sur la sécurisation de l'emploi.

Jean-Christophe Chanut
Commentaires 19
à écrit le 16/02/2016 à 22:00
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Je pense qu'il faut introduire plusieurs notions : D'abord la possibilité pour les entreprises de choisir entre du flexible cher ou du peu flexible bon marché. Par exemple j'ai toujours été contre la défiscalisation des heures sup car je préfère qu'...

à écrit le 16/02/2016 à 14:42
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A quand la prochaine réforme pour licencier nos politique qui ne font pas bien leur boulot avant la fin de leur mandat ???? A quand le permis à points pour nos politiques, 6 points à l' élection , et 1 point en moins à chaque bourde, 1 point en moins...

à écrit le 16/02/2016 à 14:28
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Çà tombe bien il y a 6 ministres de plus à virer pour le bien être des Français en mai 2017 !!

à écrit le 15/02/2016 à 22:22
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Quel que soit le pays ou la communauté de pays, les citoyens, les élus de bonne volonté devraient surtout s’occuper de comprendre l’économie et ne pas laisser faire les financiers actuels. Aussi incroyable que cela puisse paraître, les financiers, le...

à écrit le 15/02/2016 à 18:18
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Les entreprises se plaignent qu'elles n'arrive pas à recruter, mais ne pensent qu'au licenciement... Logique Française !

à écrit le 15/02/2016 à 18:09
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cette idée, comme d(autres sûrement, n'est pas de son cru, elle pioche dans les autres pays

à écrit le 15/02/2016 à 17:03
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Vers une réforme du licenciement économique pour les 5,6 millions de fonctionnaires qui ruinent la France ! Excellente nouvelle !

à écrit le 15/02/2016 à 16:53
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Il faut aussi sécuriser les procédures. Une situation économique qui justifierait une réduction d'effectif doit être actée par un tiers (commissaire aux comptes, inspection du travail…). Auquel cas, aucune procédure prud'homale ne devrait être poss...

le 16/02/2016 à 14:48
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En fait Monsieur ce que vous proposez c'est l'univers de la jungle. Sans loi, sans code du travail, c'est l'esclavage des salariés corvéables à merci. On aura compris que votre idéal politique est la politique de l'arbitraire inhérent au totalitarism...

à écrit le 15/02/2016 à 16:49
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C'est un bon article, merci beaucoup. "Reste à savoir jusqu'à quel point la notion de sauvegarde de la compétitivité pourrait être employée ?" Sachant que toutes les dérives du langage sont acceptées en néolibéralisme on peut en effet douter ...

à écrit le 15/02/2016 à 15:03
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J'oubliais : Indemnité aussi pour les CDD. Si les sociétés veulent de la flexibilité, elles n’ont qu’a privilégier l’interim (un salarié interimaire est en CDI dans une société d’interim qui le loue pour une durée determinté) c’est plus cher mais ...

le 15/02/2016 à 16:06
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"un salarié interimaire est en CDI dans une société d’interim qui le loue pour une durée determinté" = faux un salarié intérimaire a un contrat de travail avec la société d'intérim, la société d'intérim a un contrat de délégation avec la société d...

le 16/02/2016 à 10:01
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Oui c'est top, comme ça une partie du salaire d'un travailleur, de sa productivité, est déroutée pour alimenter une structure (agence interim, SSII en finformatique) qui ne produit rien. Le salarié perd en pouvoir d'achat ce qu'il ne gagne pas en séc...

à écrit le 15/02/2016 à 14:58
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l'entreprise devrait avoir le droit de licencier n'importe quel employé dans n'importe quelle situation. Par contre il faut indemniser pour de vrai le salarié licencié (sauf faute grave) - 3 mois + 1 mois de salaire par année d'ancienneté, plafonné...

le 15/02/2016 à 15:49
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Du grand n'importe quoi ! vous confondez le salaire (contrepartie du travail)et les indemnités d'assurance de l'Unedic (résultant de cotisations) avec les dommages et intérêts (indemnisation d'un préjudice) qui n'ont aucun caractère alimentaire ...

le 15/02/2016 à 16:30
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Votre interprétation est très intéressante. Je voudrais mettre néanmoins quelques bémols et ajouter quelques questions. Ne pourrait-on pas également encadrer les émoluments des avocats : chaque prestation de tel ou tel avocat ne peut être payé...

le 15/02/2016 à 16:35
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Où travaillez-vous pour assener de telles demandes? Demandez donc à une association ou à un artisan si elle a 4 mois ou plus à payer à un salarié qui démissionne ou qui doit se séparer d'un salarié car le travail dissimulé lui vole des chantiers? L...

le 15/02/2016 à 16:43
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"Les salariés qui démissionne ou partent en retraite devraient toucher la meme idemnité => ce n'est pas seulement l'entreprise qui choisit son salarié mais le salarié qui a son mot a dire (aujourd'hui beaucoup de salariés avec beaucoup d'ancienneté h...

le 16/02/2016 à 10:04
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Plutôt d'accord, sauf concernant les indemnité chômage. C'est au salarié de décider s'il souhaite ou non cotiser à une assurance chômage, dans quelles conditions, et à assumer les conséquences. L'état n'a pas à garantir ou à imposer quoi que ce so...

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