Yaël Braun-Pivet ne s'interdit rien

PORTRAIT- Elue députée des Yvelines pour la première fois en 2017 dans le sillage de l'élection-surprise d'Emmanuel Macron, Yaël Braun-Pivet a monté les échelons de la politique à grande vitesse : présidence de la prestigieuse commission des lois, ministre de l'Outre-mer, poste qu'elle quitte au bout d'un mois pour s'emparer à la hussarde de la présidence de l'Assemblée nationale, devenant ainsi le quatrième personnage de l'Etat ! La première femme à occuper le Perchoir, à qui on prête des ambitions élyséennes, ne se projette pas mais ne s’interdit rien : « j’aime que le destin me surprenne », a-t-elle confié à Bruno Jeudy.
Yaël Braun-Pivet : « Je n'ai pas été nommée, j'ai été élue ».
Yaël Braun-Pivet : « Je n'ai pas été nommée, j'ai été élue ». (Crédits : DR)

Ne demandez pas à Yaël Braun-Pivet où elle aimerait être en 2027. La première femme-présidente de l'Assemblée nationale aime que « le destin la surprenne », selon sa propre formule, lâchée devant nous avec son sourire de fausse naïve. A 52 ans, cette mère de cinq enfants, élue députée des Yvelines pour la première fois en 2017 dans le sillage de l'élection-surprise d'Emmanuel Macron, a monté les échelons de la politique à grande vitesse : présidence de la prestigieuse commission des lois, ministre de l'Outre-mer, poste qu'elle quitte au bout d'un mois pour s'emparer à la hussarde de la présidence de l'Assemblée nationale, devenant ainsi le quatrième personnage de l'Etat ! Le tout sans demander la permission au président de la République.

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« Je n'ai pas été nommée, j'ai été élue », insiste-t-elle. Façon de dire qu'elle ne doit rien à personne. L'an passé, elle n'a pas caché s'être « engueulée » avec Elisabeth Borne et le puissant secrétaire général de l'Elysée Alexis Kohler quand elle a décidé de se lancer dans la conquête du « Perchoir ». Après sa triomphale élection, la Première ministre, très fair-play, félicitera sa cadette tandis qu'elle attend toujours le sms de félicitation du bras droit du président. Depuis, leurs relations se sont apaisées. « On a appris à se connaître. On se voit régulièrement en tête à tête », souligne-t-elle. Leurs échanges seraient désormais fluides.

« Je ne suis pas naïve »

« Jamais je n'aurais cru en rejoignant La République en marche en 2016 que je deviendrais la première femme à présider l'Assemblée alors ne me demandez pas où je serai en 2027 », confie-t-elle à La Tribune. Yaël Braun-Pivet est comme ça. Elle avance sans se poser de questions. Sans se retourner. Ni écouter ce que l'on dit d'elle. « Je ne suis pas naïve », répète cette femme déterminée au discours franc. Elle n'aime pas les « petits jeux politiques » surtout quand ils commencent à miner sa propre famille politique. Et s'inquiète déjà de la compétition entre les ambitieux - surtout des hommes - de la majorité dans la perspective de 2027.

Cette Lorraine de naissance, fille d'un cadre supérieur et d'une maman fonctionnaire à la DDASS, est avocate de formation. Un métier qu'elle a exercé notamment dans le cabinet d'Hervé Temime, ténor du barreau décédé récemment. Mais elle a eu plusieurs vies avant d'embrasser la politique : bénévole aux restos du cœur, expatriée au Japon et à Taïwan où elle a suivi son mari cadre chez L'Oréal. En 2017, son baptême du feu électoral est un coup de maître. Elle dégomme Jacques Myard, indéboulonnable figure de la droite dans la circonscription de Maisons-Laffitte/Sartrouville. Une victoire qui lui donne des ailes.

« C'est tendu entre Yaël et Aurore »

A l'Assemblée, ses débuts sont poussifs. Mais très vite, elle impose son style à la tête de la commission des lois au point de gagner le respect de ses pairs notamment à droite. Eric Ciotti est élogieux à son endroit. L'an passé, Olivier Marleix est parmi les premiers à lui adresser un bouquet de fleurs après l'élection à la présidence de l'Assemblée nationale. Avec ce mot : « Enfin une bonne décision de la majorité », écrit le patron des députés LR. « Je la trouve digne de confiance », juge plus sobrement son homologue du Sénat Gérard Larcher. Dans les couloirs du Palais-Bourbon, députés de la majorité et de l'opposition, saluent son impartialité malgré un climat de tension dans l'hémicycle jamais vu depuis des décennies. La réforme des retraites a, il est vrai, tendu les rapports entre groupes politiques mais aussi au sein des groupes. Avec Elisabeth Borne, le courant passe plutôt bien. Elle se méfie plus d'Aurore Bergé, la patronne des députés Renaissance. Très investie dans son rôle de présidente impartiale a fortiori dans une Assemblée privée de majorité absolue, Yaël Braun-Pivet s'évertue à incarner la « voix de la sagesse ».

Une « voix » aujourd'hui sous pression avec la controverse autour du projet de proposition de loi (PPL) déposée par le groupe Liot qui vise à abroger la retraite à 64 ans. Élisabeth Borne et Aurore Bergé font le siège de Lassay pour qu'elle déclenche l'article 40 de la Constitution au nom de l'irrecevabilité financière de la PPL. Ce que Yael Braun-Pivet ne veut pas faire pour éviter un blocage total de l'Assemblée (lire ici notre interview). Elle souhaite que le texte vienne en discussion dans l'hémicycle. Quitte à le combattre à coup d'amendements et le faire capoter compte tenu du délai de discussion limité à une journée. « Ce n'est pas difficile de déposer 300 amendements », estime un proche de la présidente. Le bras de fer est loin d'être terminé et provoque un malaise jusque dans la majorité. « C'est tendu entre Yaël et Aurore. Ce sont deux femmes aux tempéraments opposés », confirme un macroniste.

« C'est Eva Peron »

La trajectoire fulgurante de Yaël Braun Pivet nourrit donc quelques commentaires acides notamment dans son propre camp. On ne prête qu'aux riches. Certains ricanent des envies de candidature à la présidentielle qu'on lui prêterait. Vraie ou pas, la rumeur court en effet. « C'est Eva Peron », raille un conseiller dans une allusion à la madone du peuple argentin. Guère plus aimables, des proches du chef de l'Etat préfèrent la comparer à Ségolène Royal, laissant entendre qu'elle n'aurait pas le niveau pour être candidate à l'Elysée. Yaël Braun-Pivet se sent, elle, flattée et oppose le CV de la finaliste de la présidentielle de 2007.

Personnalité de premier plan de la Macronie, elle reste pourtant peu connue du grand public. 53% des Français déclarent la connaître selon un sondage Ifop. La même proportion que pour son prédécesseur Richard Ferrand. « Elle dispose d'atouts, estime Frédéric Dabi, directeur général de l'Ifop. C'est une femme dans un univers macronien très masculin. Elle campe une figure d'autorité en attente avec la demande d'ordre de l'opinion. Sa popularité repose essentiellement sur son incarnation en rupture avec les stéréotypes associés au personnel politique mais très peu sur des actions et des prises de position visibles », conclut le sondeur sceptique sur sa présidentiabilité. Elle suscite néanmoins méfiance et raillerie. « Yaël porte son destin », lâche-t-on à Matignon. Ce que l'intéressée ne dément pas. Depuis qu'elle est entrée en politique, le destin n'en finit pas de la surprendre.

Commentaires 5
à écrit le 25/05/2023 à 13:20
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"A 52 ans, cette mère de cinq enfants" La reproduction des élites est en marche

à écrit le 25/05/2023 à 11:44
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"j’aime que le destin me surprenne" Une déclaration de nanti.

le 25/05/2023 à 12:20
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Un grand principe on atteint toujours son seuil d’incompétence

le 25/05/2023 à 12:48
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être présidente inconnue des français de l assemblé nationale, après s être interdite autre chose que esclave du président de la république, le premier sauvage de la République c est le président qui se comporte comme un vulgaire délinquant en forçan...

le 26/05/2023 à 11:13
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Pourquoi donc de nanti ? La vie est faite d'opportunités à tout un chacun de les saisir là où d'autres préfèrent regarder passer les trains ... quitte à avoir des remords éternels !!!

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