La peur d'une explosion de la dette japonaise est-elle justifiée ?

Dans un premier temps, les "Abenomics" ont dopé l'indice Nikkei et la croissance a fait son grand retour au premier trimestre. Mais depuis quelques temps, les analystes craignent une l'explosion d'une bulle spéculative qui pèse sur l'énorme dette publique japonaise. Ces craintes sont-elles justifiées ? Explications.
La réussite de la relance japonaise passe notamment par le succès de la politique monétaire menée par la BoJ qui vise une inflation à 2% pour favoriser les investissements et les exportations grâce à la baisse du yen - Copyright Reuters

Les "Abenomics", le remède du Premier ministre japonais Shinzo Abe pour relancer la croissance, font-ils peser un risque majeur sur la colossale dette publique japonaise, comme l'a souligné le FMI ? C'est en tout cas le nouveau son de cloche qui résonne depuis quelques semaines. Il est vrai que les marchés ont connu quelques soubresauts, et certains économistes s'inquiètent de plus en plus des effets pervers d'une politique fondée sur la relance monétaire et la dépense publique.

? La politique monétaire accommodante amplifie le déficit commercial...

Son très fort endettement n'empêche pourtant pas le Japon d'emprunter à des taux qui sont parmi les plus bas du monde. La raison ? Les détenteurs de la dette japonaise sont à 93% des résidents de l'archipel. Principalement parce qu'ils disposent d'une épargne nette élevée, nourrie par les forts excédents courants engrangés à l'époque où le Japon était un pays d'exportation. Mais aussi parce que les Japonais étaient traditionnellement peu exigeants en termes de rendements offerts par les titres libellés en yens, en raison notamment de l'appréciation régulière de la monnaie japonaise par le passé. Et c'est là que le bât blesse.

Car, si elle favorise les exportations, qui progressent un peu, la politique monétaire de la BoJ fait aussi exploser le coût des importations, bien au-delà des gains réalisés à l'export. Si bien que le déficit commercial, qui a déjà atteint des records ces deux dernières années, ne fait que se creuser et pèse de plus en plus sur un excédent courant qui fond régulièrement depuis 2008. La bascule vers un déficit des comptes courants devrait survenir dans les cinq prochaines années prédisent certains économistes.

? ... et risque de détourner les investisseurs des obligations japonaises

Mais là n'est pas le seul effet inquiétant des "Abenomics". En effet, les investisseurs japonais, ayant anticipé l'action de la BoJ, se sont massivement tournés vers les marchés d'actions en étant demandeurs de hauts rendements. Ce afin de compenser la perspective d'un taux d'inflation qui devrait s'élever à 2% amputant d'autant en valeur réelle les titres libellés en yens. Conséquence : ils ont quelque peu délaissé les bons du Trésor japonais pour acheter en masse des titres de dette souveraine française, espagnole et italienne, considérés comme relativement sûrs et surtout plus rentables.

Ainsi le taux sur le dix ans japonais s'est fortement tendu entre le 9 et le 14 mai dernier, passant de 0,59 à 0,96% en 5 jours. Pas de quoi crier au loup toutefois tant la prime exigée par les investisseurs, qui s'est d'ailleurs stabilisée, reste faible. Plutôt sereine, la BoJ a pour sa part réaffirmé mardi vouloir poursuivre sa politique accommodante. Selon son gouverneur, une légère hausse des taux sur les titres à long terme est encore à attendre, mais pas une explosion. Depuis, le taux de l'obligation à dix ans s'est stabilisé, les marchés s'étant alignés sur l'objectif d'inflation de la BoJ. La plus grande crainte des marchés provient désormais de la capacité de la BoJ à maîtriser l'inflation. Ce risque existe mais pour l'heure force est de constater qu'il n'y a aucun signe de hausse des prix.

? Le salut viendra-t-il du retour sur les investissements à l'étranger ?

En outre, la recherche de rendements élevés par les investisseurs japonais dopés par l'afflux de liquidités n'a pas que des mauvais côtés. En effet, les gains liés aux investissements nippons à l'étranger ont bondi en mai et leur rapatriement a fait exploser le compte des revenus japonais, l'une des composantes des comptes courants avec la balance commerciale. Si bien que l'excédent courant du Japon a doublé en rythme annuel en avril. La raison est double. D'une part, les marchés n'ont cessé de progresser ces dernières semaines et la dépréciation du yen a fait augmenter d'autant la valeur des sommes engrangées notamment en dollars et en euros. La situation japonaise n'est donc pas encore alarmante.

Depuis les marchés sont en reflux et le yen a stoppé sa chute. Notamment parce que la Fed envisage de mettre fin à son programme de rachat d'actifs qui les dope depuis des semaines, mais aussi parce que la croissance mondiale, qui pâtit fortement de la récession en zone euro, ralentit. Cette dernière donnée n'est d'ailleurs pas à négliger. Car la réussite de la relance japonaise dépend en grande partie de celle de la politique inflationniste mais aussi d'une reprise significative des exportations grâce à l'affaiblissement du yen. Faute de quoi, les investisseurs, extrêmement sensible à la publication du moindre indicateur macroénomique, pourraient être de plus en plus réticents à financer des dépenses publiques en forte hausse qui viennent gonfler une dette publique qui dépasse déjà 230% du PIB. Qu'ils soient étrangers ou Japonais.

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