Bataille du ciel en Ukraine : le Président Zelensky accuse les Occidentaux de ne pas tenir leurs "promesses"

Par latribune.fr  |   |  1211  mots
(Crédits : REUTERS TV)
Le chef de l'Etat ukrainien appelle une fois de plus les puissances occidentales à autoriser la livraison d'avions à destination de ses forces armées ou de mettre en place une zone d'exclusion aérienne au-dessus de l'Ukraine, alors que les bombardements sont toujours aussi vifs de la part des Russes. Mais pour les Occidentaux, cette requête d'aide militaire aérienne est complexe à mettre en œuvre, au motif que cela entraînerait un risque important de conflit direct avec la Russie. Vladimir Poutine l'a martelé hier : fournir des avions à l'Ukraine ou lui permettre d'utiliser des infrastructures dans des pays tiers seraient considérés "comme une implication de ces pays dans un conflit armé".

"Si nous perdons le ciel, il y aura beaucoup de sang au sol". Cette alerte a été prononcée il y a quelques jours par le ministre des Affaires étrangères ukrainien, Dmytro Kouleba, à destination du secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, lors d'un entretien à la frontière entre la Pologne et l'Ukraine. Depuis le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le gouvernement du pays attaqué espère des mesures d'aides concrètes de la part des Occidentaux, afin de gagner la bataille - cruciale - du ciel.

Ce mardi matin, les demandes des Ukrainiens se font de plus en plus pressantes. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a dénoncé mardi les "promesses" non tenues des Occidentaux pour protéger l'Ukraine des attaques russes, notamment celles venant des forces aériennes russes. "Cela fait treize jours qu'on entend des promesses. Treize jours qu'on nous dit qu'on nous aidera dans le ciel, qu'il y aura des avions, qu'on nous les livrera", a-t-il déclaré ce jour dans une vidéo publiée sur Telegram. "Mais la responsabilité pour cela repose aussi sur ceux qui n'ont pas été capables de prendre une décision en Occident depuis 13 jours. Sur ceux qui n'ont pas sécurisé le ciel ukrainien des assassins russes", a-t-il ajouté.

De vieux avions soviétiques Sukhoi-27

Le ministre des Affaires étrangères ukrainiens avait rappelé auprès de son homologue américain que son pays avait besoin d'avions de chasse et de systèmes de défense aérienne, qualifiant de "signe de faiblesse" le refus de l'Otan de mettre en place une zone d'exclusion aérienne au-dessus de l'Ukraine.

La flotte militaire ukrainienne est exclusivement composée de vieux avions de chasse soviétiques de types Mig-29 et Sukhoi-27 (défense antiaérienne et appui sol), ainsi que de chasseurs-bombardiers Sukhoi-25, selon le "Military Balance" de l'International Institute for Strategic Studies (IISS). Ces appareils sont les seuls que les pilotes ukrainiens pourraient manier sans formation préalable.

Après la destruction par les Russes de l'aéroport de la ville de Vinnytsia, à quelque 200 kilomètres au sud-ouest de Kiev, Volodymyr Zelensky a également reproché aux pays occidentaux leur refus d'imposer une zone d'exclusion aérienne au-dessus de l'Ukraine et leur réticence à livrer des avions de combat à l'Ukraine. "Nous le répétons chaque jour : fermez le ciel au-dessus de l'Ukraine, fermez-le aux missiles russes, à l'avion russe de combat, à tous ces terroristes", a-t-il lancé. Avant de préciser :

"Si vous ne le faites pas, si vous ne nous donnez pas au moins des avions pour que nous puissions nous protéger, on ne peut en tirer qu'une conclusion : vous aussi vous voulez qu'on nous tue lentement!"

Menace de Moscou contre toute aide aérienne

Sur le terrain, les forces russes continuent à se déployer autour des villes, ou à les bombarder, au treizième jour de l'invasion russe. Au moins 21 personnes ont péri lundi dans des frappes aériennes russes contre Soumy, près de la frontière russo-ukrainienne, ont annoncé mardi les autorités ukrainiennes.

Les pays occidentaux refusent d'accéder à cette requête, complexe à mettre en œuvre, au motif que cela entraînerait un risque important de conflit direct avec la Russie. Vladimir Poutine a d'ailleurs souligné samedi que la Russie considérerait comme cobelligérant tout pays tentant d'imposer une zone d'exclusion aérienne au-dessus de l'Ukraine. Emmanuel Macron, dont le pays assure actuellement la présidence de l'Union européenne, a déclaré qu'il faut "faire stopper cette guerre sans devenir nous-mêmes des belligérants".

Le chef du Kremlin, Vladimir Poutine, a rappelé cette menace dimanche dans une allocution, notamment en mettant en garde toute utilisation d'infrastructure dans des pays voisins de la Russie et notamment membres de l'Otan. "L'utilisation du réseau d'aérodromes de ces pays pour servir de base à des avions militaires ukrainiens et leur utilisation subséquente contre les forces armées russes pourraient être considérées comme une implication de ces pays dans un conflit armé", a déclaré ce dimanche le porte-parole du ministère russe de la Défense, Igor Konachenkov.

Transfert d'avions entre les USA, la Pologne et l'Ukraine ?

Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borell, a évoqué la livraison d'avions de chasse de facture soviétique par des pays membres qui en sont dotés. Selon le Military Balance, seuls quelques pays d'Europe de l'Est, anciens membres du Pacte de Varsovie, disposent officiellement dans leur flotte de Mig-29 soviétiques, dont les capacités antiaériennes sont celles qui correspondent le plus aux besoins ukrainiens pour combattre la chasse russe : la Slovaquie (14), la Bulgarie (11) et la Pologne (28) qui a reçu cette flotte de l'Allemagne pour un euro symbolique au début des années 2000.

Dans ce contexte, les Etats-Unis "travaillent activement" sur un accord avec la Pologne pour l'envoi d'avions de chasse à l'Ukraine afin de combattre l'invasion russe, a déclaré dimanche le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken lors d'une visite en Moldavie. Selon des médias, la Pologne pourrait en vertu de cet accord remettre à l'Ukraine ses avions de combat de fabrication soviétique MIG-29 que les pilotes ukrainiens connaissent bien, et les États-Unis fourniraient ensuite à Varsovie des chasseurs F-16 à la Pologne pour les remplacer.

Mais la Pologne n'est pas nécessairement d'accord avec la proposition américaine. "La Pologne n'enverra pas ses avions de chasse en Ukraine et n'autorisera pas non plus l'utilisation de ses aéroports. Nous apportons une aide significative dans de nombreux autres domaines", ont écrit les services du Premier ministre sur Twitter dimanche.

"Pour livrer un avion, il faut le faire voler dans le pays concerné, ce qui pourrait être interprété comme une participation active au conflit" de la part d'un pays de l'Otan, commente un pilote de chasse français sous couvert d'anonymat. "On peut aussi le faire passer par la route, mais cela serait un sacré défi logistique, d'autant qu'un nombre croissant de ponts sont détruits" en Ukraine.

Autre incertitude : l'état des bases aériennes militaires ukrainiennes accueillant d'habitude les Mig-29 et la capacité des forces ukrainiennes à effectuer leur maintenance dans un environnement aussi dégradé.

Une aide militaire déjà importante accordée à l'Ukraine

Si l'aide aérienne n'est pas encore apportée aux Ukrainiens, du matériel militaire est arrivé en masse sur le théâtre des opérations. Les Etats-Unis ont débloqué plus d'un milliard de dollars d'aide militaire à l'Ukraine sur l'année écoulée et de nombreux pays européens fournissent à Kiev des lance-roquettes antichars, mais aussi des missiles anti-aérien Stinger, des blindés, du carburant, des munitions, des fusils d'assaut, des rations de campagne, pour permettre à l'armée ukrainienne de résister. Par exemple, l'Espagne va par exemple livré, selon la ministre Margarita Robles, 1.370 lance-grenades, 700.000 cartouches et des mitraillettes légères. De son côté, l'Union européenne a débloqué 450 millions d'euros pour acheter des armes destinées aux forces armées ukrainiennes.

Les Etats-Unis ont déjà livré plus des deux tiers des armes promises fin février à l'Ukraine, qui en fait un usage "efficace" pour ralentir l'avancée des forces russes, a précisé vendredi une responsable du Pentagone.

(avec AFP)