Corruption, dévaluation, absence de réformes : les maux qui agitent le Liban depuis près d'un an

Par AFP  |   |  807  mots
(Crédits : OMAR IBRAHIM)
Le pays, qui croule sous une dette de 92 milliards de dollars, soit 170% du Produit intérieur brut - annonce qu'il ne paiera pas une première tranche de sa dette. Déjà accablé économiquement, la spectaculaire explosion qui a eu lieu mardi 4 août à Beyrouth, vient accentuer les difficultés du pays.

Le Liban est secoué par sa pire crise économique depuis des décennies, marquée par une dépréciation inédite de sa monnaie ayant plongé près de la moitié de la population dans la pauvreté.

L'effondrement économique, qui a entraîné des licenciements massifs, provoque aussi une flambée des prix dans un pays qui a été le théâtre pendant plusieurs semaines à partir de l'automne 2019 d'un soulèvement inédit contre la classe politique.

 "Pénurie" de dollars

Le 29 septembre 2019, des centaines de manifestants se rassemblent à Beyrouth pour dénoncer la situation économique, sur fond de craintes concernant la stabilité de la livre libanaise.

Le 26, les propriétaires de stations-service avaient annoncé une grève pour protester contre des taux de change fluctuants et une "pénurie" de dollars, nécessaires pour payer leurs fournisseurs. Ils s'étaient rétractés avec un accord gouvernemental leur permettant de payer en livres.

Selon des médias, les banques et bureaux de change limitent leurs ventes de billets verts par crainte d'une baisse des réserves en devises étrangères.

La population se soulève contre un projet de taxe

Le 17 octobre, le gouvernement annonce une taxe sur les appels via WhatsApp. La colère des Libanais explose.

"Le peuple réclame la chute du régime", scandent les manifestants qui brûlent des pneus et bloquent des routes.

Le gouvernement renonce aussitôt à cette taxe mais des milliers de personnes continuent à manifester.

La mobilisation va culminer avec des centaines de milliers de manifestants certains jours réclamant le renouvellement de toute la classe dirigeante, quasi inchangée depuis des décennies et accusée de corruption.

Instabilité politique

Le 19 décembre, l'universitaire Hassan Diab est désigné Premier ministre pour remplacer Saad Hariri, poussé à la démission fin octobre.

Mais l'appui apporté à sa nomination par le mouvement chiite Hezbollah, qui domine la vie politique, et ses alliés attise la colère d'une partie de la rue.

Le 21 janvier 2020, le Liban se dote enfin d'un gouvernement, formé par un seul camp politique, celui du Hezbollah et ses alliés, majoritaires au Parlement.

Une dette à 170% du PIB

Le 7 mars, le Liban - qui croule sous une dette de 92 milliards de dollars, soit 170% du Produit intérieur brut - annonce qu'il ne paiera pas une première tranche de sa dette, d'un montant de 1,2 milliard de dollars.

Le 23, il annonce qu'il ne paiera pas l'ensemble de ses bons du Trésor émis en dollars.

Le 30 avril, Hassan Diab annonce que le pays va demander une aide du Fonds monétaire international, après l'adoption par le gouvernement d'un plan de relance de l'économie.

Le 13 mai, le Liban entame des négociations avec le FMI.

En mai, le président du syndicat des bureaux de change Mahmoud Mrad est arrêté et le directeur des opérations monétaires à la Banque centrale Mazen Hamdane est inculpé de "manipulation de la monnaie nationale".

Plusieurs changeurs et banquiers soupçonnés de manipulations spéculatives ont été arrêtés.

Des réformes attendues "depuis trop longtemps"

A la mi-juin, des manifestations ont lieu à Beyrouth et à Tripoli (nord) après une nouvelle dégringolade de la livre.

Le 29, le directeur général du ministère des Finances, qui participe aux négociations avec le FMI, démissionne en citant des désaccords concernant la gestion de crise, second négociateur à jeter l'éponge en moins de deux semaines.

Le 8 juillet, le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian exhorte les autorités libanaises. "Aidez-nous à vous aider, bon sang!".

Les 23 et 24, le ministre français en visite au Liban fustige "le côté passif" des autorités et réclame des réformes attendues "depuis trop longtemps".

"Ce pays, il faut le dire, est au bord de l'abîme et si des actions ne sont pas entreprises alors il risque de devenir un pays en dérive", déclare M. Le Drian.

"Il lui manque des informations concernant les réformes" entreprises par Beyrouth, rétorque le 28 juillet le Premier ministre libanais.

Le 3 août, le chef de la diplomatie Nassif Hitti démissionne en raison de désaccords avec le gouvernement et met en garde contre le risque de "faillite étatique" du Liban.

Il déplore "l'absence d'une réelle volonté pour entreprendre une réforme structurelle et totale qui est nécessaire et qui est réclamée par notre société et par la communauté internationale".

Charbel Wehbé, ancien ambassadeur et conseiller diplomatique du chef de l'Etat, le remplace.

Le mardi 4 août, une double explosion dans le port de Beyrouth cause la mort d'une centaine de personnes et fait près de 4.000 blessés selon un bilan provisoire.

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