"Crypto Valley" : un canton suisse imagine l'avenir post secret bancaire

Être un paradis fiscal au coeur de la Suisse ne suffit plus au petit canton de Zoug, proche de Zurich, qui souhaite aujourd'hui se réinventer en "Crypto Valley" avec des initiatives pionnières liées aux monnaies virtuelles.
Laurent Lequien
Zoug, ville lacustre du canton de Zoug, distant de 35 km de Zurich et célèbre pour sa législation fiscale attirante

Crise financière, lutte internationale contre l'évasion fiscale, procédures judiciaires, scandales, amendes en milliards, fuites de données, suppressions d'emplois... : les banques suisses traversent une crise historique. Fini le secret bancaire, fini la stabilité, fini la discrétion des transactions. Le pays doit se réinventer pour maintenir ses revenus et préserver une attractivité forte.

En Suisse, ce sont les cantons qui perçoivent les impôts. 26 cantons, 26 régimes différents. La pression fiscale oscille entre 30% en moyenne dans les cantons romands et 25% dans la partie alémanique. Pour le canton suisse allemand de Zoug, la crainte de pertes de rentrées fiscales est réelle. Considéré comme l'un des cantons où la législation fiscale helvétique est des plus attirantes, cette vallée est le refuge de milliers de "boites aux lettres" d'entreprises avec pour conséquence directe un registre du commerce comptant plus d'entreprises que d'habitants dans la capitale cantonale. Glencore, le géant minier leader mondial du négoce des matières premières, ne s'est pas trompé en installant son siège au bord des rives du lac de cette vallée proche de Zurich (moins de 35 kilomètres séparent les deux villes).

Les réformes en cours de la fiscalité et la mort annoncée du secret bancaire menacent désormais ce lucratif modèle et conduit le canton à prendre le virage de la technologie financière.

Les fintech au secours de Zoug

Pour Dolfi Müller, le président de la ville de Zoug (équivalent du maire en France), la solution passera par les fintech. Ce mouvement baptisé "Crypto Valley", qui s'inspire de la Silicon Valley californienne, est une opération de promotion destinée à attirer de jeunes entreprises utilisant la Blockchain et développant des technologies associées, comme des applications mobiles de transactions.

Une douzaine de sociétés spécialisées ont déjà choisi Zoug et ses environs, parmi lesquelles Ethereum, qui propose la technologie associée à une unité de compte virtuelle baptisée Ether, la crypto-monnaie rivale du bitcoin, célèbre depuis le vol de 50 millions de dollars de monnaie numérique à un fonds d'investissement.

Le Sud-Africain Johann Gevers, l'un des premiers à avoir choisi Zoug il y a trois ans en y installant sa plateforme de transactions en monnaie virtuelle, Monetas, est persuadé pour sa part que le petit canton a choisi le bon filon.

"Je pense que la crypto-finance est la nouvelle grande vague après internet. Le pays qui réussira grâce à une législation accueillante à attirer les entreprises de ce secteur deviendra le centre financier du futur".

Les autorités suisses et le monde de la banque voient tout cela de manière positive :

"Si nous ne nous mettons pas en première ligne dans la fintech, nous ne méritons pas notre titre de centre de la finance mondiale", dit ainsi Martin Hess, de l'Association suisse des banquiers (ASB).

À l'horizon 2035, Dolfi Müller, veut attirer d'autres fintech dans le cadre de ce programme de développement destiné à permettre à l'économie locale de se renouveler.

"Nous sommes l'une des plus petites villes mondialisées de la planète", dit-il.
"Nous ne laisserons pas cette dynamique s'essouffler."

Zoug se met à l'heure du bitcoin

Le maire "volontaire" de Zoug voit grand. Dans une déclaration d'intention en mai dernier en présence des élus cantonaux, il annonçait le lancement effectif du programme "Crypto Valley" avec la volonté de tester au sein des services publics de la ville, le bitcoin.

Depuis le début juillet, les 26.000 habitants de la capitale cantonale peuvent payer avec la crypto-monnaie. Dans un premier temps, ce test est réservé aux services municipaux comme les transports ou la santé avec un plafond dans le montant des transactions n'excédant pas les 200 francs suisses (180 euros), soit environ 0,34 bitcoin.

À la fin de l'année, le conseil municipal tirera un premier bilan et décidera s'il faut ou non augmenter les montants acceptés et élargir le champ de l'expérience. Réputé pour être une monnaie diminuant la facture des transactions, le test validera si cette affirmation est prouvée à l'échelle d'une ville. Les conseillers cantonaux tireront aussi les conclusions sur la facilité de l'usage d'une monnaie dont la valeur nominale est 588 fois plus petit que le franc suisse (1 franc suisse correspondant à 0,0017 bitcoin). Cela promet des maux de crâne sévères à nos amis helvètes.

Des voix dissidentes se font aussi entendre et tout le monde ne partage pas l'enthousiasme de monsieur le président de la ville. Pour Gregor Bruhin, membre centriste du conseil de la ville de Zoug, le projet de "Crypto Valley" est "spéculatif". Pour lui, "le secteur est volatil et attire les pratiques criminelles comme le piratage informatique."

 (avec l'AFP et Reuters)

Laurent Lequien
Commentaires 3
à écrit le 18/05/2017 à 15:10
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Les crypto monnaies: la pyramide de Ponzi 2.0. 40 Milliards d'encours sur un nombre potentiellement infini de valeurs "monétaires" bidons. Quand ça va péter. ça va faire mal. Mais quand? Les premiers arrivés ont fait fortunes, mais les suivants.....

à écrit le 14/09/2016 à 17:23
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"Fini le secret bancaire, fini la stabilité, fini la discrétion des transactions." On en est encore bien loin.

le 14/09/2016 à 18:15
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tant qu'il y aura des clients pour y aller...

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