Islande : au-delà de la poussée pirate, un paysage politique éclaté

L'Islande renouvelle son parlement ce samedi. Les Pirates pourrait arriver en deuxième position, mais le paysage politique éclaté rendra difficile la formation d'une majorité.
L'Islande vote ce samedi. Une élection où l'éclatement des voix dominera.

Près de 240.000 Islandais sont appelés ce samedi 29 octobre à renouveler leur parlement, l'Althing, un des plus anciens du monde. Ces élections anticipées sont la conséquence du scandale des Panama Papers, ces révélations concernant la détention de comptes dans le paradis fiscal d'Amérique centrale en avril dernier. Les documents révélés avaient en effet mis au jour l'existence d'un compte détenue par la femme du premier ministre, le Conservateur du Parti du Progrès  Sigmundur Davið Gunnlaugsson. Après avoir tenté de résister, ce dernier avait fini par démissionner et convoquer de nouvelles élections.

Le Parti de l'Indépendance reste en tête

En 2013, le précédent scrutin avait ramené au pouvoir la droite islandaise, formée de deux partis, le Parti du Progrès et le Parti de l'Indépendance. Cette dernière formation qui était le premier parti du pays depuis l'indépendance du Danemark en 1944 jusqu'en 2009, était légèrement en tête en voix, mais a laissé le fauteuil de premier ministre à son allié. C'est encore lui qui, selon les derniers sondages publiés, pourrait arriver en tête ce samedi. Il est donné par les 4 enquêtes parues jeudi et vendredi entre 22,5 % et 27,3 % des intentions de vote. En 2013, il avait obtenu 26,7 % des voix. Malgré son image de fondateur de la « bulle financière islandaise » et l'implication de certains de ses dirigeants dans les Panama Papers, il demeure donc une force centrale de la politique islandaise. Il pourrait néanmoins perdre entre 1 et 3 de ses 19 sièges actuels.

Le Parti du Progrès sanctionné

Pour autant, il aura sans doute du mal à former un gouvernement. Son allié semble devoir s'effondrer sous le poids du scandale qui a touché Sigmundur Davið Gunnlaugsson et, sans doute encore davantage, de l'attitude de ce dernier à la suite de ce scandale. S'étant montré cassant et insensible à la pression médiatique et populaire, il a largement discrédité son parti dans un pays qui a soif de transparence et qui est très strict sur les liens avec la finance de ses dirigeants après le violent krach bancaire de 2008. Le Parti du Progrès, qui a obtenu 24,4 % en 2013 n'est donné dans les sondages qu'entre 9,3 % et 11,4 % des intentions de vote. Au final, il ne pourra conserver que 7 ou 8 de ses 19 sièges. Son appui ne devrait donc pas permettre à la droite de renouveler l'actuelle majorité au Althing qui est composé de 63 membres.

Poussée pirate

A gauche, la sensation nouvelle sera la percée du Parti Pirate. En 2013, ce parti avait obtenu 5,1 % des voix et trois sièges. Cette fois, il est donné entre 17,9 % et 21,2 % des voix, soit de 12 à 14 sièges. Ce parti défend une politique plus transparente et une lutte radicale contre la corruption. Il est favorable à la relance de la candidature du pays à l'UE, close par la majorité sortante, par un référendum. De façon générale, le parti défend les référendums d'initiatives populaires. Sur le plan économique, il défend des positions libérales, notamment dans l'organisation des marchés, tout en critiquant la finance et en prônant un Etat providence renforcé.

Vers une alliance à quatre ?

Les Pirates ont beaucoup baissé dans les sondages : en avril, ils étaient donnés vainqueurs avec plus de 40 % des voix. Mais leur score devrait demeurer le plus élevé pour un parti pirate au niveau national. Ce parti a émergé en Suède au début des années 2000 et a éphémèrement réalisé de bonnes performances dans certaines élections régionales allemandes, notamment à Berlin en 2011 où ils avaient gagné 8,9 % des voix. En Islande, le parti a exclu toute alliance avec les deux partis de droite et a passé un accord avec trois autres partis de centre et de gauche (l'alliance rouge-verte, les Sociaux-démocrates et les centristes d'Avenir radieux) pour « négocier en priorité » un accord de gouvernement.

Les Sociaux-démocrates en plein désarroi

Ailleurs à gauche, les Sociaux-démocrates, vainqueur des élections de 2009, vont poursuivre leur descente aux enfers. De 29,8 % en 2009, ils étaient déjà descendus à 12,85 % en 2013. Ils ne sont donnés cette fois qu'entre 5,7 % et 7,4 % des intentions de vote, soit 3 ou 4 sièges seulement. Les sociaux-démocrates paient les mesures qu'ils ont prises pour lutter contre la crise, car même si l'Islande a fait défaut sur sa dette extérieure, elle a dû, sous le gouvernement de gauche, prendre des mesures d'austérité qui ont été mal acceptées. La décision des Sociaux-démocrates de chercher un accord avec les investisseurs étrangers dans l'affaire Icesave les a beaucoup pénalisés. A cela s'ajoute une forte tension interne.

La gauche en progression

En revanche, l'alliance « rouge-verte », regroupant Ecologistes et anciens Communistes pourrait redevenir la troisième force politique du pays. Elle est créditée de 16,2 % à 16,8 % des intentions de vote, contre 10,87 % en 2013. Il pourrait disposer de 11 sièges contre 7 en 2013. Ce parti a de nombreuses divergences avec les Pirates sur l'économie, mais aussi sur l'UE, car il refuse toute relance de la procédure d'adhésion. Très échaudé par son soutien au gouvernement de 2009 à 2013 qui lui a coûté pas moins de 12 points aux dernières élections, il sera sans doute sensible à sa capacité à imposer ses choix dans la coalition future.

Quelle majorité ?

Une alliance des quatre partis du centre et du gauche autour des Pirates sera donc très difficile à former. Elle pourrait, de toute façon, avoir du mal à disposer des 32 sièges de majorité. Selon le sondage de l'Université d'Islande, elle aurait bien 33 députés, mais selon le quotidien Fréttagblaðið, elle n'aurait que 30 sièges. Dans ce cas, l'appui d'un nouveau larron, le parti Régénération, dissidence europhile du Parti de l'Indépendance, et donné à près de 10 % des voix et 7 députés sera déterminant, même si, pour le moment, ce parti se tait sur toute alliance à venir. En cas d'échec de ses discussions complexes, le chef de file du Parti de l'Indépendance, Bjarni Benediktsson pourra donc espérer rallier le centre à sa coalition de droite pour devenir cette fois premier ministre.

>>>> Un point sur l'économie islandaise (article de juillet 2016) : L'Islande ne donne pas des leçons qu'en football, mais aussi en économie

Commentaires 6
à écrit le 29/10/2016 à 18:27
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les peuples ont besoin de sang neuf ,il faut en finir avec les élus à vie, simplifier et moderniser cette vie politique qui ruine les états depuis des années ; les islandais sont en train de faire la leçon à toute l'Europe

le 30/10/2016 à 7:27
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Le sang neuf c'est en faisant des enfants, et les Islandais font peu d'enfants, donc c'est surtout des gens âgés qui vivent chez eux, comme en France. Taux de natalité par pays : Niger 8 , Tanzanie 5 , Rwanda 4 , Bolivie 3 , France 2 , Islande 1.9 ,...

à écrit le 29/10/2016 à 17:49
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Le plus choquant avec Sigmundur Davið Gunnlaugsson c'est que c'était lui le leader du mouvement antibanque quand la crise a éclatée. Et puis, on découvre qu'il a des comptes en banque dans un paradis fiscal. Vive la cohérence. Le problème de l'Isl...

à écrit le 29/10/2016 à 14:16
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L'Islande pourrait avoir idéalement un futur profil de paradis fiscal, cela peut-être tentant pour ce "petit" pays. La tendance à rêver à de petits états indépendants , comme on ne le dit pas aux doux rêveurs, c'est d'abord de passer à la remorque d...

le 29/10/2016 à 17:53
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En effet, si d'un point de vue moral c'est condamnable. Economiquement, l'Islande aurait intérêt à devenir un paradis fiscal et à devenir un centre de blanchiment d'argent. Les islandais en profiteraient grandement. Cela dit, c'est quand même pas trè...

à écrit le 29/10/2016 à 12:14
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vu comme ils se sont comportes lors du dernier scandale avec leurs partenaires, c'est culotte de vouloir postuler a l'entree en europe... personne n'est dupe

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