Le monde selon Poutine

Par latribune.fr  |   |  560  mots
Décrié en Europe, Vladimir Poutine jouit d'un soutien massif auprès des Russes, toutes catégories sociales confondues. Grâce à une propagande efficace et redoutable, même les scandaleux agissements en Ukraine et en Crimée trouvent leur légitimité. Rencontre avec des citoyens russes pro-Poutine afin de comprendre les enjeux d'une telle popularité.

En Russie, une forte majorité de la population approuve la politique de Vladimir Poutine. À leurs yeux, les quelque 15% d'esprits critiques qui réclament le pluralisme sont des traîtres à la patrie, une "cinquième colonne" à la solde de l'Occident.

Revenu dans son pays natal après quinze années passées aux États-Unis, Sacha Manilow est l'un de ces citoyens avides de changements. C'est à l'aune de sa double culture politique qu'il observe ses concitoyens d'un œil acéré.

Qui sont ces Russes fiers de leurs dirigeants, et comment la propagande du pouvoir peut-elle garder sur eux une telle emprise ?

Au nom de la "Grande Russie"

Sacha rencontre des citoyens ordinaires, issus de divers milieux sociaux, qui tiennent peu ou prou le même discours pro-Poutine. Celui-ci assure sa mission sacrée de défense de la patrie, et les agissements de la Russie en Crimée et en Ukraine sont parfaitement légitimes...

À travers ces portraits, on découvre l'essence du nationalisme russe, stimulé par le virilisme du chef et nourri par une vision biaisée de la "Grande Russie" et de son histoire. Pourtant, le culte de Vladimir Poutine trouve aussi ses limites : les imposantes manifestations consécutives à l'assassinat de l'opposant Boris Nemtsov prouvent que la propagande du Kremlin n'est pas invincible.

Ce documentaire donne également des clés pour saisir les incompréhensions qui demeurent entre les observateurs occidentaux et leurs homologues russes.

Poutine le tzar de la propagande

Environ 90% des Russes regardent la télévision nationale. Une aubaine pour Poutine et son équipe qui organisent de véritables campagnes de désinformation. Grâce au culte de la personnalité, aux multiples extrapolations, au patriotisme exacerbé, et aux critiques virulentes envers les "ennemis de la Russie", le Kremlin règne sans partage sur ce vaste territoire depuis deux ans.

Depuis l'annexion de la Crimée, le conflit en Ukraine et les sanctions de l'Union européenne, le ton s'est durci dans les médias russes. Une rhétorique guerrière et nationaliste est à l'œuvre, visant à la fois les États-Unis - "à réduire en cendres radioactives" -, l'UE et le gouvernement ukrainien. Émission après émission, des journalistes à la solde du Kremlin, d'où émanent la plupart des informations, cimentent l'adhésion du peuple russe à la politique de Poutine.

Internet, seul espace de liberté

Le propagandiste en chef se nomme Dmitri Kisselev. Tous les dimanches soir, sur la chaîne d'État Rossia 1, il anime une émission dite d'actualité où se succèdent interviews racoleuses, reportages simplistes et séquences dédiées au culte de la personnalité de Poutine. Le tout pendant plus de deux heures. Qu'il s'agisse du meurtre de Boris Nemtsov, des prix du pétrole ou de la "junte" au pouvoir à Kiev, le manichéisme est au rendez-vous. Aujourd'hui, les rares journalistes qui critiquent encore le chef de l'État russe ne peuvent plus compter que sur Internet pour faire entendre leur voix.

Le journaliste Stephan Kühnrich, réalisateur de ce documentaire, sait de quoi il parle : il a été, de 1986 à 1991, correspondant permanent à Moscou pour la télévision de la RDA.

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>>> ENTRETIEN avec Alexis Prokopiev

Entretien avec Alexis Prokopiev, écologiste et militant des droits de l'Homme. Co-fondateur et président de l'association Russie-Libertés, Alexis Prokopiev est co-auteur du livre "Les autres visages de la Russie" (Les Petits matins, 2015).