Pour DSK, "les populismes sont un produit direct de la gestion de la crise de 2008"

Dans un entretien donné à l'AFP, l'ancien directeur général du FMI livre son analyse de la situation économique mondiale 10 ans après la crise financière déclenchée par la faillite de Lehman Brothers. Il met en garde contre la montée des inégalités qui résulte d'une mauvaise gestion de la crise, et juge que le monde est aujourd'hui "moins bien préparé" en cas de nouvelle crise.
Dominique Strauss-Kahn.
Dominique Strauss-Kahn. (Crédits : Reuters)

L'ex-directeur du FMI, Dominique Strauss-Kahn (2007-2011), estime que la montée du populisme est un "produit direct de la crise", dont la gestion a favorisé les inégalités, contribuant notamment à l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche. L'ex-patron du Fonds, dont la carrière s'est brutalement interrompue au printemps 2011 lors du scandale du Sofitel, juge également que le monde est aujourd'hui "moins bien préparé" pour affronter une crise du même type, dans un entretien accordé à l'AFP à l'occasion du dixième anniversaire de la faillite de Lehman Brothers.

Quand avez-vous pris conscience qu'une crise mondiale se tramait ?

A mon arrivée au FMI le 1er novembre 2007, il apparaît assez rapidement que les choses ne vont pas bien. Si bien qu'en janvier 2008, à Davos, je fais une déclaration qui a fait un peu de bruit, demandant une relance mondiale que je chiffre à l'époque à 2% du PIB de chaque pays. En avril 2008, lors des réunions de printemps du FMI, nous lâchons le chiffre de 1.000 milliards de besoins des banques en recapitalisation.

L'administration Bush ne se rend compte du danger que lors de la faillite de Lehman Brothers ?

Non, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle le secrétaire au Trésor Henry Paulson décide de ne pas sauver Lehman afin d'en faire un exemple au nom de l'aléa moral. Lui, comme les autres, a sous-estimé considérablement les conséquences. Laisser couler Lehman a été une grave erreur. D'autant que la semaine suivante, ils ont été contraints de sauver l'assureur AIG qui était bien plus gros.

Dix ans plus tard, sommes-nous mieux armés pour faire face à une crise d'une même magnitude ?

Non. Nous avons fait quelques progrès, notamment dans les ratios de capitalisation des banques. Mais c'est très insuffisant. Imaginez que demain la Deutsche Bank ait des difficultés, ce n'est pas les 8% de capital dont elle dispose qui vont résoudre le problème. En vérité, on est moins bien préparé. La régulation est insuffisante.

Pourquoi ?

A partir de 2012-2013, on abandonne finalement le thème de la nécessité d'une économie régulée, par exemple sur la taille des banques (le "too big to fail" - "trop grosse pour faire faillite", ndlr) ou sur les agences de notation. On est totalement revenu en arrière, d'où mon pessimisme sur notre préparation. On est dans une sorte d'impensé de la globalisation et cela ne donne pas de bons résultats.

La coordination internationale existe-t-elle encore ?

La coordination a très largement disparu. Plus personne ne joue ce rôle, ni le FMI, ni l'UE et la politique du président des Etats-Unis n'aide pas. Par conséquent, la mécanique qui avait été mise en place au G20, extrêmement salutaire car elle associait les pays émergents, a volé en éclats. Il y a dix ans, les Etats avaient accepté de laisser ce rôle au FMI. Je ne suis pas sûr qu'il puisse le jouer aujourd'hui, mais l'avenir le dira.

Pensez-vous que l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche est une conséquence de la crise ?

Pour moi, oui. Je ne dis pas qu'il n'y ait qu'une seule cause à l'arrivée de Trump, mais les situations politiques aujourd'hui ne sont pas sans lien avec la crise que nous avons connue, aussi bien aux Etats-Unis avec Trump qu'en Europe.

Quels sont ces liens?

Il y a une conséquence de la crise qui, à mon avis, est complètement sous-estimée: les populismes que l'on voit apparaître partout sont le produit direct de la crise et de la façon dont elle a été traitée à partir de 2011/2012 en privilégiant des solutions qui allaient aboutir à accroître les inégalités. Le QE (rachats nets de dette par les banques centrales, ndlr) a été utile et bienvenu. Mais c'est une politique qui consiste fondamentalement à renflouer le système financier et donc à servir les plus riches de la planète. Quand il y a un incendie, les pompiers interviennent et il y a de l'eau partout. Après il faut éponger, ce que l'on n'a pas fait. Et comme cette eau est tombée dans les poches de certains et pas dans celles de tout le monde, il y a eu une explosion des inégalités.

Propos recueillis par par Antonio Rodriguez (AFP)

Commentaires 32
à écrit le 20/01/2019 à 11:39
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dd s k: reconnais que les gouvernements n on pas recuperer l argent qui a aide les banques a sauve le systeme financier car beaucoup s en sont mis plein les poches ?surtout les actionnaires ALORS S IL FALLER REGULEZ CELA C EST DE TAXE L ARGENT DES A...

à écrit le 12/09/2018 à 20:47
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DSK navigue dans l'absurdité de la haut finance qui pourtant crée la monnaie. Vivement une monnaie indépendantes des rois. Une crypto-monnaie.

à écrit le 11/09/2018 à 14:59
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Il a trouvé ça tout seul Mr l'économiste surdiplômé. Il ne faut pas être grand clerc pour s'apercevoir que dans une socièté aussi inégalitaire, ça craque de partout.

à écrit le 11/09/2018 à 11:18
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Avant 2010 le Pole Emploi, mettait le chiffre du nombre d'emplois dispo sur leur site, à côté du chiffre du nombre d'inscrits sur le site, faut dire qu'il y'a le plein emploi sur le site, même nombre d'emploi que de chômeurs inscrits. Décembre 200...

à écrit le 10/09/2018 à 18:16
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Ce type ne raconte pas que des salades, certes il a sa part d'ombre mais j'observe qu'il n'a pas été jugé sur le fond. Il est facile de taxer les opposants de populistes en particulier ceux qui soulignent les écarts financiers.

à écrit le 10/09/2018 à 11:25
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Ce peut être l'une des raisons de fond. Finalement la crise de 2007 c’est aussi la tentation de maintenir la croissance par tous les moyens, à crédit dans ce cas. L’autre phénomène est spéculatif (voir Dexia) et on peut aussi parler d’une forme de «...

à écrit le 10/09/2018 à 10:06
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Le choix de la justice est une réponse à la commission d'un viol sur une personne, comme le populisme est une réponse au viol de la volonté populaire par des élites inconséquentes. Ce dans quoi bon nombre d'individus de la caste dirigeante se recon...

le 11/09/2018 à 8:50
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...tout a fait exact ! Ce qui remet quand mème en cause le contenu du terme "démocratie" avec lequel tous se gargarisent !

à écrit le 10/09/2018 à 7:51
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Face à la virtualité du système économique, et quel qu’en est sa conceptualisation, le monde va affronter une réalité, cette fois, liée à l'explosion démographique, au réchauffement, à la raréfaction de l'eau et des denrées alimentaires, à la polluti...

à écrit le 09/09/2018 à 22:58
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DSK aurait-il envie de revenir en politique ? Comme par hasard, il critique la droite au pouvoir en 2008 en France et depuis 2011 au FMI... C'est si compliqué pour les politiques de comprendre que le problème du populisme, c'est à la fois un problème...

à écrit le 09/09/2018 à 19:21
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Retirer les liquidités aurait entrainé récession et bien sûr la question migratoire pourtant fondamentale, n'est pas évoquée. DSK est mondialiste donc hypocrite sur ce point.

à écrit le 09/09/2018 à 18:19
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A mon avis il veut exister mais il est dépassé . Ce que l'on peut retenir pour l'économie c'est l'homme des petits salaires multiplier à l'infini , les 35 heures et aucun avenir pour ceux qui veulent améliorer leurs existences .Alors il peut critique...

à écrit le 09/09/2018 à 15:01
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Je ne suis evidemment pas aussi pointu que DSK en analyse politique mais pour moi le "populisme" n'est QUE le constat d'échec - et la responsabilité - des dirigeants déconnectés et autistes de cette UE qui ne font face a RIEN ! : immigration ,...

à écrit le 09/09/2018 à 14:00
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L'adage populaire rappelle que bien souvent le corps est le reflet de "l'ame". Voir ce triste sire est une splendide illustration de ce mot. "Vieillir est un naufrage", dixit Chateaubriand, il savait de quoi il parlait. Et penser que cette vilenni...

à écrit le 09/09/2018 à 13:44
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On peut prolonger les réflexions de DSK : pour échapper à la dépression économique rendue possible par les bêtises des banquiers et de leurs régulateurs, le gouvernement français de l'époque a augmenté en gros son endettement de 300 milliards d'euros...

le 09/09/2018 à 21:41
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Voilà une bonne question qui mérite réponse. Eh ben, la voilà : Avez vous noté une baisse des salaires pendant cette période que ce soit dans le privé que dans le public? Non. Avez vous noté une baisse des dépenses sociales pendant cette période?Non....

à écrit le 09/09/2018 à 13:42
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l'immigration n'a rien a voir avec le sous investissement chronique; la rapacité des actionnaires; le manque total de diversité en production; le statut du créatif... la fiche de paye d'un ingénieur....minable alors qu'il se tartine tout le Taff ...

à écrit le 09/09/2018 à 12:04
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Ce millionnaire est complètement à côté de la plaque! Le populisme se développe en grande partie avec une immigration de masse, rapide et incontrôlée. L'immigration est nécessaire et efficace si elle est contrôlée. Il suffit de voir dans beaucoup de ...

à écrit le 09/09/2018 à 12:02
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On ne veut plus jamais entendre parler de ce type

à écrit le 09/09/2018 à 11:24
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Et quelle politique vous nous auriez imposé si vous aviez été président de la république ? Le même néolibéralisme que macron. Alors oui il est évident que vous avez besoin de redorer votre blason et du coup de montrer du doigt certaines vérités j...

à écrit le 09/09/2018 à 11:14
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ce que ces gens de l' "élite" appellent "populisme", nous l'appellons "Démocratie" ! "Le terme démocratie (du grec ancien δημοκρατία / dēmokratía, combinaison de δῆμος / dêmos, « territoire » (de daiesthai, partager) puis « ensemble des citoyens »...

à écrit le 09/09/2018 à 11:06
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Quand on s'enferme dans un dogme, on ne voit vraiment pas la cause initiale des problèmes et l'on en accuse les conséquences, une après l'autre, pour ne rien voir! Tout ce "petit monde" ne se sent ainsi ni responsable, ni coupable et continue leur bo...

à écrit le 09/09/2018 à 10:53
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les vagues migratoires ne sont pas sans causes......dans lesquels l occident a quelques responsabilités...... en attendant la Chine fait main basse sur l Afrique et ses ressources.... a part cher car essentiellement basés sur des prêts.... 50 millia...

à écrit le 09/09/2018 à 10:52
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Il aurait fallu demander aux banques de rembourser les aides publiques dès que leur situation ce serait améliorée, en finance, on appelle cette mesure , retour à meilleure fortune. Dans la réalité, ce sont les contribuables qui ont payé la note et la...

à écrit le 09/09/2018 à 10:50
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il est certain que les inégalités se sont creusées et la prochaine crise financière va nous faire mal

à écrit le 09/09/2018 à 10:46
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Toujours la même vision économique du monde. Les populismes montent même dans les pays en situation de croissance et de plein emploi. La cause est plus la forte hausse de l'immigration non occidentale que la faillite de Lehman Brother.

le 09/09/2018 à 12:13
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Remercions d'ailleurs les responsables d'avoir fait exploser les inégalités ! Vous imaginez la crise migratoire si on était encore prospère, avec une classe moyenne argenté ?!!

le 09/09/2018 à 12:16
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+1000 ! Mais dsk est un socialiste, ceci explique cela... Le parfait représentant des Oints du Seigneur si bien décrits par Charles Gave.

à écrit le 09/09/2018 à 10:38
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A côté de la plaque, DSK. La seule et unique cause de montée du populisme en Europe est la vague migratoire qu'a subie l'Europe que les gouvernements n'ont pas su ou voulu endiguer. Et oui, certains pays (comme la France) qui n'ont pas réduit suffisa...

à écrit le 09/09/2018 à 10:18
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Son avis me manquait beaucoup!

le 09/09/2018 à 15:08
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.... en dépit de ses travers sexuels , son avis vaut LARGEMENT celui d'un Wauquier , d'un Darmanin ou d'un Le Maire !

le 18/09/2018 à 13:28
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Pas convaincu du tout par son analyse. C'est quand il régnait à Bercy qu'a été fait le choix de placer la dette française sur les marchés internationaux plutôt qu'auprès des résidents (bons du trésor) pour gagner sur les taux. Ca a surtout permis de ...

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