Semi-conducteurs : la Chine attaque le protectionnisme des Etats-Unis à l'OMC

En octobre dernier, les Etats-Unis ont annoncé l'instauration de nouveaux contrôles à l'exportation visant à limiter la capacité de Pékin à acheter et fabriquer des semi-conducteurs dont le monde entier connaît actuellement une forte pénurie. Une décision qui a provoqué la colère de Pékin qui a annoncé, lundi, le dépôt d'une procédure auprès de l'OMC contre les Etats-Unis.
Le monde entier connaît actuellement une pénurie de semi-conducteurs.
Le monde entier connaît actuellement une pénurie de semi-conducteurs. (Crédits : Reuters)

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Ils sont au cœur d'une féroce bataille entre les Etats-Unis et la Chine. Les semi-conducteurs, ces puces électroniques si précieuses dans certains secteurs comme l'automobile et qui font actuellement défaut, se sont, une nouvelle fois, retrouvées au centre des différends qui opposent les deux puissances.

En effet, si Washington soupçonne régulièrement la Chine d'espionnage industriel et de menaces à sa sécurité nationale, Pékin a, lui, accusé les Etats-Unis, lundi soir, de « faire obstacle au commerce international normal de marchandises, notamment de puces, et de menacer la stabilité de la chaîne d'approvisionnement industrielle mondiale ». Pour appuyer son propos, la Chine a annoncé le dépôt d'une procédure auprès de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) contre les Etats-Unis pour leurs restrictions aux exportations de semi-conducteurs.

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 Protéger « la sécurité nationale » et assurer « le leadership américain »

Ce qui provoque la colère des autorités chinoises, c'est la décision américaine, en octobre dernier, d'instaurer de nouveaux contrôles à l'exportation visant à limiter la capacité de Pékin à acheter et fabriquer des puces haut de gamme « utilisées dans des applications militaires ». Les Etats-Unis entendent, par ce geste, entraver le développement par Pékin de sa propre industrie des semi-conducteurs. Ces nouvelles restrictions ont non seulement pour objectif de restreindre l'accès chinois aux puces américaines, mais également aux cerveaux de ces ingénieurs de haut niveau afin de rendre beaucoup plus difficile pour les entreprises technologiques chinoises la possibilité d'attirer de telles compétences. « Nos actions protégeront la sécurité nationale et les intérêts de la politique étrangère des Etats-Unis tout en envoyant un message clair selon lequel le leadership technologique américain est une question de valeurs ainsi que d'innovation », avait justifié la secrétaire adjointe au Commerce pour les exportations, Thea Rozman Kendler, lors de l'annonce des restrictions d'export. « Tout ceci est dans l'intérêt de notre économie, c'est aussi dans l'intérêt de notre sécurité nationale », avait appuyé Joe Biden. Quelques jours avant l'annonce des nouvelles restrictions, le ministère américain de la Défense avait, d'ailleurs, placé sur liste noire 13 nouvelles entreprises chinoises, au nom de leurs liens supposés avec les forces armées de leur pays.

La Chine n'a pas tardé à condamner ces mesures, affirmant que les Etats-Unis violent les règles du commerce international et se livrent à des « pratiques protectionnistes ». La procédure à l'OMC vise à protéger « les droits et intérêts légitimes » de la Chine, a ainsi indiqué le ministère chinois du Commerce dans un communiqué.

Les deux puissances avaient pourtant donné des signes d'apaisement dans leurs relations lors d'un sommet du G20 à Bali en Indonésie en novembre. Les présidents chinois et américain s'étaient, en effet, engagés à améliorer les relations bilatérales. C'était sans compter la priorité qu'ils se sont chacun fixée pour la domination technologique. Le 9 août dernier, Joe Biden a ainsi dévoilé le Chips and Science Act qui prévoit le déblocage de 52,7 milliards de dollars (51,5 milliards d'euros) de subventions pour la production et la recherche et développement dans le secteur des semi-conducteurs.

La Chine aussi bloquée en Europe

Les Etats-Unis ne sont pas les seuls à vouloir freiner l'expansion chinoise dans ce secteur. En novembre, le Royaume-Uni a imposé à Nexperiera, société néerlandaise qui appartient au géant chinois des smartphones Wingtech, de vendre au moins 86% de Newport Wafer Fab « pour se prémunir contre des risques potentiels pour la sécurité nationale ». Par ce geste, Londres entendait empêcher qu'une société chinoise puisse avoir des parts dans le principal fabricant britannique de semi-conducteurs.

À la même période, l'Allemagne a, elle, décidé de bloquer des projets d'acquisition par des investisseurs chinois de deux usines allemandes de fabrication de composants microélectroniques appartenant l'une à Elmos et l'autre à ERS Electronic. « La Chine est, et doit rester, un partenaire commercial. Pour autant, nous ne devons pas être naïfs et nous devons voir si les intérêts du commerce et du marché risquent d'être utilisés pour une politique de puissance contre les intérêts de la République fédérale d'Allemagne », a ainsi justifié Robert Habeck, vice-chancelier de l'Allemagne et ministre de l'Économie et de la Protection du Climat, qui réclamait cette mesure.

Pénurie mondiale

L'enjeu est d'autant plus important que le monde entier connaît, depuis près de deux ans, une pénurie de semi-conducteurs provoquée par la forte reprise post-covid entraînant une demande supérieure à l'offre. Notamment à cause de la stratégie zero-covid qui freine l'activité chinoise et l'empêche de produire autant qu'avant. Or, ces composants sont indispensables à tous les produits intégrant de l'électronique en particulier dans l'automobile.

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A tel point que certaines usines, comme celle de Stellantis à Sochaux dans le Doubs en août ont été contraintes de fermer leurs portes pendant un certain temps faute d'approvisionnement suffisant pour produire ses SUV Peugeot 3008 et 5008. Plus largement, les tensions sur les semi-conducteurs ont contribué à la baisse des immatriculations de voitures neuves en France : -10,3% en novembre sur les dix premiers mois de l'année. Les pays comme les Etats-Unis, mais aussi ceux d'Europe, tentent donc de relocaliser leur production pour tenter de s'affranchir des difficultés d'approvisionnement.

(Avec AFP)

Commentaires 6
à écrit le 14/12/2022 à 2:25
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Quelques confusions : -La Chine n'est pas bloquée en Europe, la Chine a besoin de quelques fournisseurs nord-européens mais elle est devant l'Europe pour le reste -La blocage des achats anglais est plus médiatique. Il ne s'agit pas de puces critiqu...

à écrit le 13/12/2022 à 18:17
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Ressortir des critiques éculées sur la Chine pour s'assurer un minimum de lecteurs, un plan vieux comme Alain peyrefitte....

à écrit le 13/12/2022 à 12:58
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la suite du début de la fin de la mondialisation ...

le 14/12/2022 à 2:26
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pas certains Le monde dans sa globalité, européens et chinois inclus veulent de la mondialisation.

à écrit le 13/12/2022 à 8:42
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Pour mieux connaître la Chine, lisez les trois récits de Jean Tuan : "Un siècle chinois" (chez CLC Éditions) évoque le parcours de son père chinois arrivé en France en 1929, leur voyage en Chine en 1967 lors de la Révolution culturelle et les incroya...

le 13/12/2022 à 9:17
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Merci pour cet excellent conseil de lecture !

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