Tensions avec Washington : la Turquie relève, à son tour, ses tarifs douaniers

Par latribune.fr  |   |  805  mots
Le président truc Recep Tayyip Erdogan dénonce une trahison de l'administration Trump qui a l'intention de doubler les tarifs douaniers sur l'acier et l'aluminium trucs. (Crédits : Reuters)
La Turquie a fortement augmenté les tarifs douaniers de plusieurs produits en provenance des États-Unis depuis le 15 août, notamment les voitures, l'alcool et le tabac, en réponse à une mesure similaire prise par Washington sur l'acier et l'aluminium. Cette escalade diplomatique accentue encore un peu plus la chute de la livre turque, déjà fragilisée par les faiblesses structurelles du pays. Et dans cette histoire, l'Europe pourrait elle aussi en sortir affectée.

Et voilà que la Turquie contre-attaque. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a doublé, par décret, les droits de douane qu'elle exige pour l'importation de plusieurs produits américains, notamment les voitures, l'alcool et le tabac, mais aussi le riz et certains produits cosmétiques - soit l'équivalent de 533 millions de dollars, d'après les estimations de la ministre turque du Commerce Ruhsar Pekcan.

Sur fond de fortes tensions entre les deux pays, cette mesure survient au lendemain de l'appel du président turc à boycotter les appareils électroniques américains, notamment l'Iphone, le produit phare de la marque américaine Apple, très utilisé en Turquie.

Au nom du "principe de réciprocité"

Dans le détail, ce décret relève les droits de douane à 120% sur les véhicules de tourisme, à 140% sur les boissons alcoolisées et à 60% sur les feuilles de tabac. Sur Twitter, le vice-président turc Fuat Oktay a justifié ces mesures au nom du "principe de réciprocité, en réponse aux attaques délibérées commises par le gouvernement américain contre l'économie turque".

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"Les taux d'imposition ont été augmentés sur les importations de certains produits, dans le cadre du principe de réciprocité, contre les attaques conscientes du point de vue économique de l'administration américaine."

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En effet, les relations entre Ankara et Washington sont au plus bas, du fait notamment de la détention en Turquie pendant un an et demi du pasteur américain Andrew Brunson. Désormais assigné à résidence, il doit être jugé pour terrorisme - la justice turque ayant rejeté le 15 août sa demande de libération ainsi que la levée de l'interdiction de quitter le territoire turc, d'après son avocat.

Dans le cadre de mesures de rétorsion allant crescendo, Donald Trump avait aussi annoncé le 10 août le doublement des tarifs douaniers sur l'acier et l'aluminium turcs. Ces tensions ont précipité l'effondrement ces derniers jours de la livre turque qui a perdu plus de 40% de sa valeur face au billet vert et à l'euro depuis le début de l'année.

La devise turque semblait reprendre quelques couleurs en début de semaine, s'échangeant à 6,33 contre le billet vert le 15 août au matin.

Lire aussi : La Turquie tente d'enrayer l'effondrement de sa monnaie

Des sanctions économiques "regrettables" pour la Maison Blanche

Outre-Atlantique, on assume le terme de "représailles" pour qualifier les sanctions économiques prises par la Turquie. Sarah Sanders, la porte-parole de la Maison Blanche, les a aussitôt jugées "regrettables" tout en appelant à la libération immédiate du pasteur américain, "une très bonne personne et un chrétien fervent qui n'a rien fait de mal".

"Les tarifs douaniers imposés par les États-Unis contre la Turquie relevaient d'intérêts de sécurité nationale. Les leurs viennent en représailles."

Interrogée sur l'impact des tensions entre Washington et Ankara sur la livre turque, la porte-parole a répondu que les États-Unis "surveillaient la situation".

"Les problèmes économiques de la Turquie sont le fruit d'une tendance au long court, quelque chose dont elle est responsable et pas le résultat de quelconque action prise par les États-Unis".

L'Union européenne n'a rien à gagner d'une déstabilisation d'Ankara

Selon les informations recueillies par l'AFP, le président truc s'est entretenu au téléphone le 15 août avec la chancelière allemande Angela Merkel, qu'il doit rencontrer fin septembre à Berlin. Les deux dirigeants auraient convenu d'une rencontre "dans les prochains jours" entre le patron de l'économie turque Berat Albayrak, gendre de Recep Tayyip Erdogan, et les ministres allemands de l'Économie et celui des Finances. L'agence de presse y voit le signe d'un rapprochement de la Turquie vers l'Europe.

D'autres observateurs considèrent aussi que cette crise que traverse la Turquie pourrait pousser le pays vers l'Iran - où il importe pas mal d'hydrocarbures - et la Russie. A l'image du politologue et chercheur au Ceri à Sciences-Po, Bayram Balci, qui s'est exprimé chez nos confrères de Libération.

"Fragile économiquement, Ankara n'est pas complètement démuni et menace de se rapprocher davantage de la Russie et de l'Iran. Ainsi les pressions de Trump produisent un effet inverse. Au lieu de la rendre fidèle à l'occident, elles rapprochent davantage le pays de l'axe Moscou-Ankara-Téhéran".

Par ailleurs, il ajoute que l'Union européenne n'a rien à gagner d'une déstabilisation d'Ankara, notamment sur la question migratoire - la Turquie contenant le flot de réfugiés venant d'Irak, d'Afghanistan ou de Syrie à ses frontières.

(avec AFP et Reuters)