[GRAPHIQUES] Avec sa politique de droite, François Hollande relègue l'emploi au second plan

Par Pascal-Emmanuel Gobry  |   |  1059  mots
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La priorité sera la rigueur. Il l'a dit.

Hier soir, François Hollande a dit sur TF1 qu'il allait faire une politique de droite.

Comment cela? 

Certes, M. Hollande a bien proposé des mesures en faveur de l'emploi : négociation entre les partenaires sociaux sur le droit du travail, un rapport d'une commission sur la compétitivité (un rapport! Enfin! Nous sommes sauvés!), et quelques fameux contrats aidés comme les "contrats d'avenir" ou les "contrats de génération".

Mais s'il y a un point sur lequel il a été très clair, c'est qu'il veut que le gouvernement maintienne son objectif de déficit à 3% cette année et d'équilibre à 2017. Il a notamment solennellement promis que "pas un euro supplémentaire ne sera dépensé" en 2013 par rapport à 2012. Et il était très clair en regardant le ton de M. Hollande qu'il accordait plus d'importance à ce point qu'à l'emploi. Qu'au final, s'il fallait choisir, il choisirait l'orthodoxie budgétaire.

Impossible de relancer l'économie et l'emploi dans ces conditions.

Pourquoi?

D'abord, à cause des math.

En effet, la croissance est la croissance du PIB, et l'équation qui donne le PIB (GDP en anglais) est la suivante:

Dans cette équation, C est la consommation des ménages, I est l'investissement, G est la dépense publique, X est les exportations et M les importations. 

On voit très bien que, toutes choses égales par ailleurs, si "G" (la dépense publique) augmente, le PIB augmente, et que si "G" baisse la dépense publique baisse. 

Est-ce que ça veut dire qu'il faut augmenter sans arrêt la dépense publique pour garantir la croissance? Certes non. S'il y a forte croissance du secteur privé, on peut baisser la dépense publique sans faire (trop) de mal à la croissance.

Mais la corollaire est que si le secteur publique s'effondre, la dépense publique peut être un bon moyen de maintenir ou d'augmenter PIB. Même pas besoin de parler d'économie keynésienne pour dire ça : c'est mathématique. Dans une récession, la consommation ("C") et l'investissement ("I") baissent (sinon il ne s'agirait pas d'une récession) et donc la dépense publique ("G") peut compenser.

Or c'est exactement la situation dans laquelle nous nous trouvons. D'après l'Economic Outlook de l'OCDE, la France est de nouveau en récession :

(La définition technique d'une récession est: deux trimestres consécutifs de croissance négative du PIB. C'est le cas ici, aux deuxième et troisième trimestres. C'est-à-dire maintenant.)

La France est donc en récession, et une des raisons est le refus de François Hollande d'augmenter la dépense publique pour compenser la baisse de dépense du secteur privé.

Mais attention : peut être que M. Hollande n'a pas le choix? Peut être que la France est tellement endettée qu'il faut baisser les dépenses et augmenter les impôts pour satisfaire les marchés obligataires?

Sauf que ce n'est pas vrai : les taux d'obligations que l'Etat français doit payer sont au plus bas. (Ici taux à 10 ans.)

Non seulement les marchés sont prêts à nous payer de l'argent, ils veulent à tout prix nous payer de l'argent, puisqu'on a même vu ces derniers mois l'Etat emprunter à court terme à des taux négatifs, c'est-à-dire que les investisseurs payent l'Etat pour pouvoir lui donner de l'argent. 

La France peut donc augmenter sa dépense publique autant qu'elle veut. Il s'agit là d'un choix purement politique de François Hollande, d'appliquer une politique de l'austerité.

Oui mais si les taux sont bas, c'est justement parce que la France réduit sa dette et son déficit! 

Sauf qu'il n'y a pas de lien entre dette et taux d'intérêts, et que les déficits dépendent avant tout de la croissance : si la croissance est élevée, l'Etat dépense moins (en protection sociale) et engrange plus d'impôts (parce que les gens ont plus d'argent) ; si la croissance est faible, l'Etat dépense plus et récolte moins. Pour baisser les déficits, il faut donc relancer la croissance. 

Reste que la dépense publique est quand même trop élevée en France! Peut être, mais gare à celui qui la fait baisser pendant une récession. 

Ce graphique de Scott Barber de Reuters montre la croissance du Royaume-Uni, des Etats-Unis et de l'Europe, indexée en base 100 depuis 2003 :

Regardez la courbe du Royaume-Uni depuis 2009. En 2009, les économies occidentales touchent le fond de la récession et se mettent à sortir du trou ensemble. Mais au début 2010, tout d'un coup, le Royaume-Uni décroche du mouvement général et se remet à stagner. 

Pourquoi?

C'est au début 2010 que le nouveau gouvernement conservateur est élu au Royaume-Uni, promet une politique d'austérité, et l'applique. Les conséquences ne se sont pas fait attendre : le Royaume-Uni a replongé en récession bien avant ses pairs.

Le Royaume-Uni n'est d'ailleurs pas une exception. En Grèce et en Espagne, l'austerité n'a provoqué qu'un approfondissement de la récession...et sans résorber les déficits, d'ailleurs! (Puisque s'il y a croissance faible, il y a déficits élevés.) 

Bref, ce lien entre dépense publique et récession se constate dans la réalité, et pas seulement dans l'équation mathématique signalée plus haut.

CONCLUSION : Ne vous attendez pas à de la croissance ou de l'emploi sous le gouvernement de François Hollande. Son obsession pour l'austérité budgétaire aura les mêmes résultats qu'ailleurs : stagnation de l'économie et donc maintien du chômage. 

Le pire dans tout cela c'est qu'il s'agit d'une politique de droite que le président de la République, de gauche, met en oeuvre. En théorie, c'est la droite qui est le camp de l'austérité budgétaire, et la gauche qui est le camp du "keynésianisme" ou de la relance par la dépense publique lors des récessions. En 2007, Nicolas Sarkozy président promettait la rigueur, et François Hollande a été élu en promettant "le changement."

Nous avons donc un gouvernement "de gauche" élu sur une vague "de gauche" en promettant "le changement" par rapport à une rigueur de droite, qui mène une politique de rigueur de droite dont il a été démontré qu'elle mène au mur. 

C'est inexplicable.

Mais c'est acté.