Au Royaume-Uni, l'explosion prévue des dettes étudiantes inquiète

Jusqu'à trois quarts des diplômés britanniques pourraient se retrouver dans l'incapacité de rembourser intégralement leurs prêts étudiants, selon une étude de l'IFS. Fruit des mesures d'austérité mises en place au début des années 2010 pour réduire rapidement le déficit, cette situation pourrait poser problème à long terme.
Sasha Mitchell
La décision du gouvernement d'augmenter les frais de scolarité avait conduit à de nombreuses manifestations en 2010, comme ici à Oxford. Les étudiants ciblaient notamment Nick Clegg, Premier ministre adjoint et leader des libéraux-démocrates, qui s'était engagé pendant la campagne à ne pas toucher aux frais de scolarité.

Moins de dépenses publiques, davantage de dette étudiante. Dans un rapport publié jeudi, l'IFS, un institut de recherche indépendant spécialisé dans l'évaluation des politiques publiques, alerte sur les effets des réformes de l'enseignement supérieur menées ces dernières années au Royaume-Uni. Et le constat est clair : les mesures mises en place par la coalition conservateurs-libéraux démocrates entre 2010 et 2015, visant à transférer le financement des universités des comptes publics vers les étudiants, ont considérablement alourdi le fardeau des élèves, en particulier les plus modestes.

Le phénomène s'explique d'abord par l'augmentation des frais de scolarité. Introduits en 1998 par le gouvernement travailliste de Tony Blair, ces tuition fees n'ont cessé de croître ces vingt dernières années pour atteindre en Angleterre un maximum de 9.250 livres (10.542 euros) par an en 2012, au moment des coupes budgétaires présentées par le chancelier George Osborne. Financés par des prêts remboursables une fois le cursus terminé et l'entrée dans la vie active actée, ces frais particulièrement élevés ont permis au gouvernement de réduire le financement direct des universités et, à court terme, de diminuer l'emprunt public de six milliards de livres, selon le rapport.

"Les récents changements de politiques ont débouché sur une augmentation du financement des universités de l'ordre de 25% via le paiement des frais de scolarité et une diminution des dépenses publiques à destination de l'enseignement supérieur", résume Jack Britton, l'un des auteurs de l'étude.

Des diplômés toujours endettés à plus de 50 ans

Poussant plus loin la logique de l'austérité, le gouvernement de David Cameron a par la suite décidé en 2015 de remplacer les bourses allouées aux 500.000 étudiants dont les parents gagnent moins de 25.000 livres (28.500 euros) par des prêts publics de 8.200 livres pour couvrir le coût de la vie. Résultat, depuis cette année, les étudiants les moins favorisés sont contraints de souscrire à deux prêts - le premier, privé, pour les frais de scolarité et l'autre, public, pour vivre.

Selon l'IFS, cette situation pourrait mener à des niveaux de dettes extrêmes, de l'ordre de 57.000 livres (65.000 euros) pour cette catégorie de diplômés (contre 42.500 livres pour les autres), la faute (aussi) à des taux d'intérêts flirtant avec les 6%. Certaines personnes se retrouveraient donc contraintes de rembourser leur emprunt pendant 30 ans, avant l'effacement définitif de l'ardoise. Pire, les estimations fournies par l'IFS indiquent que jusqu'à trois quarts des diplômés pourraient se retrouver dans l'incapacité de rembourser intégralement leurs prêts si le système demeure en l'état. Sachant que la somme des dettes contractées par les étudiants a dépassé pour la première fois les 100 milliards de livres en début d'année, les pertes potentielles sont élevées.

Vers une nouvelle réforme ?

"Le gouvernement va avoir du mal à récupérer l'argent. Car dans un premier temps, il faut déjà que les diplômés atteignent la barre des 21.000 livres (23.940 euros, ndlr) de revenus par an, qui déclenche le remboursement", prévient Sarah Pickard, maître de conférence à Paris 3 et spécialiste des questions concernant la jeunesse britannique. "Et puis certains disparaissent ensuite dans la nature à la fin de leurs études. C'est une véritable bombe à retardement."

Après avoir réformé l'éducation supérieur pour réduire le déficit à court terme, le gouvernement pourrait donc se retrouver en difficulté à plus long terme. Il suffit que les revenus des nouveaux diplômés soient de 2 points inférieurs aux prévisions, et donc que le début du remboursement de leur prêt public soit repoussé, pour que les dépenses publiques à destination de l'éducation supérieure augmentent de 50%, avertit l'IFS. De quoi relancer le débat sur une nouvelle réforme du système, voire même la suppression pure et simple des frais scolarité. Un souhait émis par Jeremy Corbyn lors des récentes législatives anticipées et chiffré à 11 milliards de livres par an par les travaillistes. "Les universités ne sont pas une priorité au Royaume-Uni, tempère Sarah Pickard. Les étudiants sont vus comme des privilégiés qui réussiront de toute manière bien dans la vie. Ils n'attirent pas vraiment la sympathie du grand public."

Sasha Mitchell
Commentaires 14
à écrit le 06/07/2017 à 11:28
Signaler
C'est quoi cet article qui noircit le tableau du modèle britannique ! Tout d'abord le chômage au Royaume Uni n'avais jamais été aussi bas ! Moins de 6% ! Leur économie n'a jamais été aussi productiviste et avec un déficit publique maitrisé car moins...

le 07/07/2017 à 16:57
Signaler
Tu as regardé le film "Daniel Blake" ? Tu devrais !

à écrit le 05/07/2017 à 22:09
Signaler
Dans de nombreux pays on est fier de former des i.beciles titulaires de diplomes sans valeur au lieu de former des gens qui savent faire qqch de leurs mains...... tant que cest finace par de l argent public tt le monde sen fout, cat cest de l argent ...

le 06/07/2017 à 8:36
Signaler
S'il te plait, tu peux donner des exemples de "diplomes sans valeur" ? Ca aiderait bien les parents à choisir pour leurs enfants ! .... D'ailleurs, est-ce aux parents d'imposer le choix du travail à leurs enfants ? Ou bien les enfants ont le droit de...

le 06/07/2017 à 21:49
Signaler
Tu ne le sais pas ? Sort avec une licence d'histoire ... Ça intéresse qui ? Il y a des diplômes ou tu as 1 poste pour 5000 candidats en bac + 5 ... Est ce vraiment un choix ? Si l'étudiant veut absolument cette formation ...C'est d'abord le contri...

à écrit le 05/07/2017 à 21:34
Signaler
Tout cela pour finir caissière chez Félix Potain....Oui pourquoi pas! , les Us sont dans la même logique . La vieille Europe doit en profiter , pendant qu'ils ont la tête dans le sceau, le numérique arrive à vitesse grand V.

à écrit le 05/07/2017 à 21:01
Signaler
Le problème est similaire aux US et au Canada. Tout le monde veut avoir un super job et s'endette parce que ce sont des études longues. On ne peut leur interdire de s'endetter, mais il est anormal qu'ils attendent le contribuable pour rembourser. D'a...

à écrit le 05/07/2017 à 19:34
Signaler
Décidément encore un aspect bien sombre de ce pays. Même histoire aux USA. Pas étonnant qu'ils aient besoin d'importer des cerveaux Le brexit va rien arranger à l'histoire. Chez nous on est encore relativement préservé, pourvu que ça dure.

à écrit le 05/07/2017 à 18:19
Signaler
C'est le modèle que certains souhaitent importer en France.....

à écrit le 05/07/2017 à 17:44
Signaler
Un système qui vous fait payer des frais élevés, tout en vous accordant un prêt, dont les montants à rembourser sont indexés sur vos revenus, et sont de l'ordre de 3% ( en moyenne ) de vos revenus annuels ( calcul dépend de votre tranche de revenu, ...

à écrit le 05/07/2017 à 17:27
Signaler
alors que plus de 50% des diplômés anglais du supérieur se retrouvent avec un "non graduate job" (sous-employés) et donc sous-payés, contre 23% en France (Chartered Institute of Personnel & Development, 2015). taux de près de 50% aux US (Careerbuilde...

à écrit le 05/07/2017 à 16:45
Signaler
Le vrai sujet c'est de payer 50,000£ de frais universitaire pour des emplois qui rapportent 21,000£ Comment est ce possible ??? Ces universités devraient fermer. On pourrait augmenter les frais de scolarité en france en prenant un % du salaire de so...

le 05/07/2017 à 17:30
Signaler
La fille journaliste d' un bon ami anglais part dans la vie avec 50k£ de dettes ce qui a l'air d'être un gros classique. Ça met son père en petard lui qui a démarré sa vie pro sans dettes. Quant à savoir si elle remboursera, c'est une autre histoire.

à écrit le 05/07/2017 à 16:29
Signaler
J'ai connu a cet époque un étudiant anglais qui trouvait totalement normal de partir avec 30000 livres de dettes dans la vie active car persuadé de trouver un bon métier rapidement. La réalité s'est avérée toute autre. "Le Royaume enchanté de...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.