Bruxelles s'attelle à la réforme du mécanisme d'arbitrage du TTIP

La commissaire européenne en charge du commerce, Cecilia Malmström, a rencontré son homologue américain aux États-Unis le 4 mai, afin de proposer une réforme du mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) dans le cadre du TTIP.
Cecilia Malmström [Conseil européen]

Cecilia Malmström a rencontré ses homologues américains afin de trouver un accord sur le mécanisme du RDIE au sein du TTIP. Une démarche qui a pour but de débloquer les négociations avant de présenter une proposition formelle aux ministres de l'UE et aux eurodéputés cette semaine.

La proposition de la Commission européenne consiste à passer de l'actuel système d'arbitrage à un tribunal international pour l'investissement, et ce, en passant par des étapes intermédiaires.

« Nous avons besoin d'une réforme d'avenir, qui s'attaque réellement aux défauts du RDIE et qui est en conformité totale avec les principes juridiques de base, un tremplin vers un tribunal international », a déclaré l'eurodéputée Viviane Reding, qui a été la première à soutenir l'idée début mars.

« Ce dont nous avons besoin, c'est de normes de référence, pas de surtransposition ! Nous avons besoin d'une justice publique, pas privée ! » a-t-elle ajouté.

>> Lire : Bruxelles envisage l'option d'un tribunal public pour le TTIP

Les négociations vers un accord complet ont trébuché sur un grand nombre de sujets, mais les divergences liées au mécanisme de RDIE ont été, jusqu'à présent, les plus difficiles à surmonter.

Le système actuel de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) autorise les investisseurs à poursuivre les gouvernements devant des tribunaux d'arbitrage internationaux, et non devant des cours nationales.

Même si les États-Unis ont insisté sur le fait que le RDIE devait être intégré à l'accord de libre-échange, le système ne conservera probablement pas sa forme actuelle quand l'accord commercial sera définitivement conclu, notamment en raison des vives protestations à travers l'Europe.

>> Lire : L'opinion publique vent debout contre la clause d'arbitrage du TTIP

La peur de l'opinion publique est si grande face au potentiel anti-démocratique de ce système, que même des fonctionnaires des Nations-unies ont appelé à la suspension des négociations du TTIP, craignant que le mécanisme de tribunaux secrets utilisé par les grandes entreprises ne bafoue les droits de l'Homme.

Suite à une consultation longue et laborieuse, les négociations sur les investissements dans le TTIP ont été suspendues en janvier 2014. Elles ne reprendront que lorsque la Commission jugera que sa nouvelle proposition garantit que les compétences des cours de justice nationales ne seront pas limitées par des régimes spéciaux concernant le RDIE.

Arbitrage révisé : vers un tribunal permanent et multilatéral pour l'investissement

Dans la proposition officielle consultée par EurActiv, la Commission présente les différentes étapes à franchir pour transformer le RDIE en un système qui fonctionne davantage comme un tribunal traditionnel. Cela passe notamment par la nomination d'arbitres permanents ayant les mêmes qualifications que des juges nationaux et par l'introduction d'une cour d'appel bilatérale.

Parallèlement, l'UE veut travailler à la mise en place d'un tribunal permanent et multilatéral pour l'investissement, composé de juges titulaires, qui remplacerait petit à petit le système bilatéral.

Enfin, ce qui sera proposé dans le cadre du TTIP établira les normes afin de poursuivre le développement de clauses pour la protection des investissements et de l'arbitrage des investissements dans les négociations internationales, indique le document.

>> Lire : Bruxelles envisage l'option d'un tribunal public pour le TTIP

L'UE est la première source et destination d'investissements directs étrangers (IDE). C'est également en Europe que les règles concernant l'investissement international ont vu le jour. Aujourd'hui, les États membres sont impliqués dans près de la moitié des 3 000 accords d'investissements actuellement en vigueur dans le monde.

« Il est grand temps que l'UE saisisse l'opportunité d'agir sur la scène internationale. J'espère que Cecilia Malmström adoptera une position ferme lors des négociations et qu'elle présentera clairement ses exigences », a déclaré l'eurodéputée libérale Marietje Schaake, qui souhaite que la commissaire au commerce convainque les États-Unis d'accepter les réformes ambitieuses sur la protection des investissements.

Course aux tribunaux

« Nous ne voulons pas voir dans l'UE des procédures telles que celle qui a été lancée par Philip Morris contre l'Australie », a-t-elle ajouté, faisant ainsi référence à la pratique bien connue de la course aux tribunaux (« forum shopping »), selon laquelle les investisseurs choisissent l'accord qui leur convient le mieux pour lancer une procédure de RDIE.

« Il faut que les choses soient claires : la protection des investissements ne peut être utilisée que lorsqu'il est évident qu'une entreprise a reçu un traitement injuste, par exemple via une expropriation. Les discussions sur la réforme du RDIE ne devraient pas se limiter aux États-Unis. Des solutions doivent être trouvées pour tous les traités auxquels sont liés les États membres », a insisté Marietje Schaake.

Cette pratique a été interdite dans les récents accords d'investissement, comme celui signé avec le Canada par exemple. « Par ailleurs, les sociétés-écrans n'auront pas le droit de lancer des procédures d'arbitrage. Seules les entreprises qui ont une activité commerciale réelle sur le territoire de l'une des parties seront couvertes par les clauses de protection de l'investissement », peut-on lire dans la proposition.

Droit à légiférer

Selon le texte, la Commission n'acceptera aucun accord qui ne garantisse pas son droit à légiférer. Ce droit est clairement cité dans l'introduction du CETA, l'accord entre l'UE et le Canada, et il en ira de même pour le TTIP.

« Dans cette proposition, nous renforçons la formulation », a expliqué Cécilia Malmström au centre d'études stratégiques et internationales, à Washington, juste avant sa rencontre avec les représentants américains.

La commissaire présentera ses propositions à la commission parlementaire du commerce le 6 mai et aux ministres du commerce de l'UE le 7 mai.

Prochaines étapes:

  • 6 mai : La Commission présente les propositions de RDIE à la commission en charge du commerce au Parlement européen.
  • 7 mai : La Commission présente les propositions de RDIE aux ministres européens du Commerce.

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Commentaires 4
à écrit le 07/05/2015 à 22:48
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attention, messieurs les politiciens français, qui laissent négocier des fonctionnaires atlantistes au nom du peuple français, qui se laissent piéger par le double jeu de l’Allemagne,vous aurez des comptes à rendre ,quand le peuple vous aura chasser ...

à écrit le 07/05/2015 à 9:31
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Enfin l'europe se réveille!!!! J'espere que elle ne se fera pas manger par la pression et les lobbys Anglos-saxons.

à écrit le 06/05/2015 à 16:31
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Qu'il ne s'agit en rien d'une remise à plat du traité en raison de l'évidente carence démocratique de sa forme. Non. C'est sur injonction US, le Congrès étant travaillé par la période pré-électorale des présidentielles et devant montrer à l'opinion q...

à écrit le 06/05/2015 à 16:27
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On se demande encore à quoi ça peut bien servir de faire de tels déplacements vu le niveau de perméabilité de nos institutions pour les US.

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