CETA : ce qu'il contient vraiment

Par latribune.fr  |   |  582  mots
Pour entrer définitivement en vigueur, le CETA devra être approuvé par les 38 Parlements nationaux et régionaux de l'UE. Une procédure très incertaine qui pourrait prendre des années.
L'accord, approuvé par le parlement européen ce mercredi, fait plus de 1.600 pages et doit permettre une libéralisation croissante du commerce entre l'Europe et le Canada.

Le Parlement européen a voté ce mercredi en faveur du CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement), le traité de libre-échange avec le Canada. En négociation depuis 2010, l'épais document permettra selon Bruxelles de supprimer 99% des droits de douane avec le pays d'Amérique du Nord.

Il devrait faire progresser de 25% le commerce de l'Union avec le Canada, son 12e partenaire commercial, faisant croître le PIB européen d'environ 12 milliards d'euros par an. Une somme finalement assez faible, puisqu'elle ne représente que 0,08% du PIB de l'UE (14.600 milliards d'euros).

Des exceptions

Si la libéralisation du commerce est l'objectif du CETA, plusieurs produits resteront soumis à des quotas, notamment les viandes bovines et porcines. L'accord fournit aussi une protection supplémentaire à 143 origines géographiques spécifiques (AOC), dont 42 françaises, comme le "Roquefort", le "Saint-Nectaire" ou les "Pruneaux d'Agen".

En outre, les produits canadiens ne pourront être importés dans l'Union européenne que s'ils respectent la réglementation de l'UE et le bœuf aux hormones ne sera pas autorisé. Bruxelles assure donc qu'il n'est pas question de modifier les règles sur la sécurité alimentaire ou sur la protection de l'environnement.

Ouverture des marchés publics et tribunaux d'arbitrage

Grâce au CETA, les entreprises européennes auront désormais accès aux marchés publics canadiens, y compris ceux des villes et des provinces qui gèrent une part importante des dépenses publiques. Une véritable avancée pour les Européens qui avaient, eux, déjà accordé un large accès à leur marché aux compagnies canadiennes.

Mais le point le plus sensible concerne le nouveau tribunal créé par le traité. Il sera composé de 15 juges nommés par l'UE et le Canada. Les entreprises auront la possibilité de porter plainte contre un Etat qui adopterait une politique publique contraire à ses intérêts afin de demander réparation. Ce mécanisme a permis à Philip Morris d'attaquer l'Uruguay pour sa politique anti-tabac ou au géant minier Oceanagold de poursuivre le Salvador pour lui avoir refusé un permis d'exploitation pour raisons environnementales.

Autant dire que les ONG sont loin d'être convaincues par ce tribunal. Si, selon un négociateur européen, il s'agit d'une "sorte de Cour publique des investissements qui ouvre la voie à une Cour internationale des investissements", plusieurs opposants au traité craignent que les "juges" ne soient en réalité des avocats d'affaires. Difficile alors, d'évacuer les soupçons de conflits d'intérêts qui pourraient naître.

Une fois que les contours de ces tribunaux auront été définitivement arrêtés, la Belgique s'est engagée à saisir la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour vérifier leur conformité avec le droit européen.

Entrée en vigueur provisoire

Désormais approuvé par le Parlement européen, une grande partie du traité entre en vigueur de façon provisoire, essentiellement en ce qui concerne les dispositions relevant de la compétence exclusive de l'UE.

Parmi les chapitres provisoirement exclus, ce fameux tribunal d'arbitrage. En cas de litige avec un Etat, une entreprise devra porter plainte devant la juridiction du pays concerné ou la chambre arbitrale internationale de Paris par exemple.

Reste un obstacle de taille: pour entrer définitivement en vigueur, le CETA devra être approuvé par les 38 Parlements nationaux et régionaux de l'UE. Une procédure très incertaine qui pourrait prendre des années.

>> Retrouvez notre dossier sur le CETA

(Avec AFP)