Déficits : Bruxelles refuse (pour l'instant) de sanctionner l'Espagne et le Portugal

La Commission a donné un délai supplémentaire aux deux pays ibériques pour corriger leurs trajectoires budgétaires. Une défaite pour les orthodoxes.
Pierre Moscovici a justifié la modération de la Commission européenne sur les déficits espagnols et portugais.

Bruxelles refuse de décider. La Commission européenne n'a pas, ce mercredi 18 mai, recommandé d'entamer une procédure de sanction à l'égard de l'Espagne et du Portugal. Même décision vis-à-vis de l'Italie. En réalité, ce n'est pas un blanc-seing que l'exécutif donne à ces trois pays, mais un délai supplémentaire. Elle appelle ainsi le Portugal et l'Espagne à « prendre les mesures structurelles nécessaires » et à « consacrer toutes les recettes imprévues à la réduction du déficit et de la dette. » La Commission réexaminera le cas de ces deux pays en juillet, soit après les élections espagnoles du 26 juin. Concernant l'Italie, le prochain examen est prévu « d'ici novembre ».

Plusieurs risques

La Commission, très divisée sur le sujet, a donc refusé de prendre le risque d'entamer une « procédure dure » incluant la possibilité de sanctions envers l'Espagne et le Portugal. Il est vrai que le risque était sans doute trop important. En Espagne, Bruxelles risquait d'alimenter un sentiment de révolte contre l'austérité renouvelée et de placer la question du respect du pacte de stabilité au cœur de la campagne. Politiquement, ceci aurait posé un problème pour le parti de Mariano Rajoy, le président du gouvernement espagnol, qui tente actuellement de promettre le respect du pacte de stabilité et des baisses d'impôts. Au Portugal, le risque était encore plus élevé : celui de voir l'agence canadienne DBRS dégrader le pays. Or, dans ce cas, la BCE aurait cessé de racheter de la dette lusitanienne, provoquant une crise majeure autour du Portugal. Quant à l'Italie, c'eût été encore jeter de l'huile sur le feu alors que Matteo Renzi est en difficulté avant les élections municipales de juin.

« Pas le bon moment »

Bruxelles est donc sur la défensive. Pierre Moscovici a, du reste, expliqué qu'il fallait encore « consolider les moteurs de la reprise » et que ce « n'était pas le bon moment » pour lancer une sanction. Il est vrai qu'économiquement, engager une politique d'austérité renforcée dans ces trois pays eût été un vrai risque alors que la croissance portugaise et italienne reste très faible (respectivement 0,1 % et 0,3 % au premier trimestre 2016) et que la croissance espagnole dépend fortement des gains de pouvoir d'achat dus à la baisse du prix du pétrole. Bref, il était temps de faire usage de la flexibilité promise par Jean-Claude Juncker.

Victoire à court terme

C'est une victoire à court terme pour les gouvernements des trois pays. Mais la surveillance de la Commission n'est pas levée pour autant. Ce délai donne un peu d'air aux Etats concernés qui sortent d'une grave crise économique causée par l'austérité, mais il ne leur donne pas de moyens supplémentaires. La politique budgétaire est neutre en zone euro, elle n'a pas d'effet positif sur la croissance. Au passage, on remarquera que le remède austéritaire infligé à ces trois Etats n'a pas permis, comme promis, de redresser les finances publiques. Sans compter qu'infliger à un Etat en déficit une amende de 0,2 % du PIB n'est pas en mesure de réellement résoudre le problème... A terme, la zone euro doit redéfinir ce cadre budgétaire et la gestion des déséquilibres. Il est peu probable que cette discussion ait lieu. On est donc en permanence dans une situation précaire où Bruxelles gère le court terme. On notera, par ailleurs, que l'Allemagne, qui avec un excédent courant de 8,6 % est en fort déséquilibre, n'est pas menacée de sanctions...

Défaite allemande

Cette décision est perçue comme une défaite par les tenants de l'orthodoxie budgétaire. La Commission dispose en effet avec les directives Two Pack et Six Pack ainsi qu'avec le semestre européen de nouvelles armes. Mais, pour beaucoup, cette décision sur ces trois pays prouve son manque de volonté à les utiliser. En Allemagne, cette décision risque de faire grincer des dents et d'alimenter la proposition du ministre des Finances Wolfgang Schäuble et du  président de la Bundesbank, Jens Weidmann, d'ôter la surveillance budgétaire à la Commission pour le confier à une institution indépendante chargée de « constater » seulement le respect des règles. On verra si cette idée fait son chemin dans les projets de réformes de la zone euro que préparent la France et l'Allemagne.

Commentaires 12
à écrit le 19/05/2016 à 14:21
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Nationalisme à 32% en Autriche , la peur d un retournement européen commence à porter ses fruits et le raisonnable fait à nouveau son apparition . Encore un petit effort comme par exemple : Preter directement aux gvts plutôt qu aux banques , accepte...

à écrit le 19/05/2016 à 9:52
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Moscovici n'avait aucun intérêt à sanctionner les pays du sud, lui même ayant planté notre économie et n'a pas réduit notre déficit. Mosco n'est pas légitime à les sanctionner , un allemand si. Sinon on dirait c'est l'hôpital qui se fout de la chari...

à écrit le 18/05/2016 à 23:56
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Ben alors, que se passe t-il ? Ces deux pays ont pourtant appliqué a la lettre la casse sociale , heu non, les reformes demandées, donc tout devrait aller comme sur des roulettes.

à écrit le 18/05/2016 à 21:03
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a la difference des francais ils ont deja fait des reformes alors si ca peut leur permettre de respirer pour mieux repartir, pourquoi pas.... pas contre si c'est pour tout detricoter comme le portugal a commence, ca va se poser differemment...

le 18/05/2016 à 23:59
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Ben justement, le problème, c'est que ces pays sont bien plus mal au point que la France après avoir appliqué ces fameuses "reformes" qui ne sont en fait que la casse sociale du pays. Alors, oui, ils nous piquent du boulot a force de baisser les sal...

à écrit le 18/05/2016 à 18:44
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Je croyais que ces pays allaient mieux et que la France était à la ramasse !!! Les faits sont têtus mais les commentaires sont si orientés.

le 19/05/2016 à 9:54
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La coalition communiste socialiste est en train de planter le portugal et l'espagne sans gouvernement a un déficit très lourd au délà des 5 %. Ils ont relachés leurs efforts contrairement aux Italiens, d'où les futures sanctions.

à écrit le 18/05/2016 à 17:11
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Et pour la France, qu'est-ce qu'on fait ? surtout avec toutes les promesses électorales qui jaillissent en ce moment. Cordialement

le 19/05/2016 à 0:03
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La France a fait mieux que prévu pour 2015 et fera encore mieux en 2016.

à écrit le 18/05/2016 à 17:00
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Continuez a suivre le dogmatisme bruxellois et vous serez éternellement sanctionné, non par le peuple mais par une bande de bureaucrate!! Quand elle a l'occasion de vous donner "une carotte", celle-ci ne lui appartient même pas!

à écrit le 18/05/2016 à 16:30
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Même si la Grande Bretagne n'est pas dans l'euro, il ne faut pas prendre d'initiative avant le référendum sur le Brexit. Bruxelles tremble et reporte toutes les décision brutales après Juin. Nous sommes les "jouets"de la commission européenne !

à écrit le 18/05/2016 à 16:05
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nos politiciens ont le plus a perdre ... tous dans le flou en attente du résultat du BREXIT

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