Elections en Irlande : le gouvernement sanctionné

Les électeurs irlandais n'ont pas voulu entendre le discours de "reprise" du premier ministre Enda Kenny. Sa coalition perdrait près de 22 points et la majorité absolue. Constituer une nouvelle alliance sera difficile.
Lourde défaite électorale pour le premier ministre irlandais Enda Kenny (Ici, samedi 27 février, à son arrivée au bureau de vote de Castlebar).

Le « miracle » auquel voulait croire le Taoiseach (premier ministre) irlandais Enda Kenny n'a donc pas eu lieu. La coalition de son parti, le Fine Gael, conservateur, avec le Labour, a enregistré de lourdes pertes le 26 février lors des élections générales.

Le décompte des voix était toujours en cours ce samedi en fin de journée. Pour l'heure, le Fianna Fáil, ancien parti dominant, obtiendrait déjà 9 sièges, le Fine Gael deux et le Sinn Féin un, selon la chaîne RTE.

 Selon le sondage sorti des urnes de l'Irish Times réalisé par Ipsos et publié la veille, le Fine Gael perdait 10 points par rapport à 2011 à 26,1% des « premières préférences » (l'électeur irlandais dispose de votes multiples) tandis que les Travaillistes chuteraient de près de 12 points, passant de 19,5% des voix en 2011 à 7,8% cette fois-ci. En tout, la majorité sortante perdrait près de 22 points et le Fine Gael, quoiqu'encore premier parti du pays, se placerait à un niveau très faible par rapport à ses attentes. Un niveau qui va rendre très difficile la construction d'une majorité stable.

Le Fianna Fáil, deuxième, fait mieux que prévu

Un des vainqueurs du scrutin, selon ce sondage, serait l'ancien parti dominant du pays, le Fianna Fáil qui obtiendrait 22,9% des voix, soit 5,4 points de plus qu'en 2011 et davantage que ce que les sondages lui prédisaient jusqu'à récemment. Fianna Fáil est un parti centriste que son leader, Micheal Martin, a souhaité un peu orienté vers le centre-gauche pour récupérer - avec succès semble-t-il - l'électorat déçu du Labour. Mais le Fianna Fáil est encore loin de sa position d'antan, lorsqu'il réalisait régulièrement plus de 40% des voix.

Le Sinn Féin progresse, mais moins qu'attendu

Les déçus de la coalition se sont également tournés vers le Sinn Féin, le parti de la gauche radicale nationaliste, qui obtiendrait 14,9% des voix, soit 5 points de plus qu'en 2011. Mais le leader du Sinn Féin, Gerry Adams, a de quoi être déçu : la popularité de son parti, donné voici deux semaines encore à 20% d'intentions de votes a pâti des attaques de ses adversaires et de ses propres maladresses, notamment de ses hésitations sur le plan économique. Il a pâti aussi des bons scores des autres partis de gauche radicale : l'alliance contre l'austérité (AAA), regroupement de formations d'extrême-gauche qui gagne un point par rapport à 2011 avec 3,6% des voix et les Verts qui seraient à 3,5% contre 1,8% en 2011. Reste que le Sinn Féin réalise là le meilleur score de son histoire en République d'Irlande et que l'ensemble des partis de gauche radicale cumuleraient pas moins de 22% des voix.

Poussée des indépendants

Derniers à profiter de l'effondrement de la coalition, les candidats indépendants qui obtiendraient 16,1% des voix, quatre points de plus qu'en 2011. Ces candidats sont regroupés dans une « alliance », mais ce sont avant tout des individualités et leur succès confirment un véritable « rejet du système » en Irlande. Ce rejet se traduirait aussi dans la chute de la participation qui passerait de 70% en 2011 à 65% cette année, un niveau jamais vu depuis 2002.

58 sièges de moins pour la coalition

En termes de sièges, les projections restent soumises à caution compte tenu du système à votes multiples irlandais. A partir du sondage cité, l'Irish Times a estimé cependant que le Fine Gael obtiendrait 47 sièges, soit 29 de moins qu'en 2011. Le Labour n'aurait que 8 députés contre 37 jusqu'ici. Avec 55 députés, la coalition sortante perdrait donc 58 sièges dans un parlement qui en compte 6 de moins qu'en 2011. Fianna Fáil aurait 39 sièges, le Sinn Féin 23 et les indépendants et les petits partis 41. Si Enda Kenny veut rester Taoiseach, il semble difficile pour lui de s'appuyer sur les indépendants : il aura besoin de trop de voix dans ces rangs très hétéroclites et qui, souvent, se sont faits élire sur un rejet du gouvernement sortant.

Grande coalition ?

Les coalitions possibles ne sont guère nombreuses. La « grande coalition » entre le Fine Gael et le Fianna Fáil semble la plus probable. Mais sa constitution ne sera pas aisée. Les deux partis sont rivaux depuis la guerre civile de 1922-1923 et, malgré des programmes proches, n'ont guère envie de gouverner ensemble pour donner au Sinn Féin le statut d'opposant principal du pays.

Une grande coalition aura du mal à se constituer sous la direction d'un Enda Kenny qui a raté sa campagne et apparaît comme le grand perdant du scrutin. Il faudra donc sans doute que le Fine Gael change de direction. Mais au sein de Fianna Fáil, une alliance avec le Fine Gael sera mal acceptée et pourrait déboucher sur des départs de députés. Or, la majorité de 80 sièges ne sera dépassée par une telle coalition que de 6 sièges si le sondage de l'Irish Times dit vrai. Car toutes ces données seront à vérifier. Les urnes ont fermé à 23 heures, heure de Paris, et le décompte commencera vers 10 heures samedi 27 février.

Nouvelle ère

L'Irlande entre donc dans une période délicate sur le plan politique. Malgré l'apparence de la croissance, la population a refusé le discours sur la « reprise » du Taoiseach qui en avait fait le coeur de sa campagne avec le slogan : "laisser la reprise se poursuivre". La politique d'austérité irlandaise n'a donc que l'apparence du succès. La population en souffre encore et a cherché à sanctionner le gouvernement sortant, sans cependant trouver de voie claire. Cette dispersion révèle un certain désarroi face à une politique imposée de l'extérieur, notamment sous la pression de la BCE. La République entre donc ce 27 février 2016 dans une nouvelle ère de son histoire politique.

(Article créé le 27/02/2016, dernière mise à jour: 18:00)

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Commentaires 5
à écrit le 28/02/2016 à 23:06
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Ça devient préoccupant : l'été dernier on présentait l'Espagne, le Portugal et l'Irlande comme les vertueux modèles, face aux irresponsables Grecs. Et voilà que ces trois-là votent n'importe comment, parce qu'ils sont fatigués par une super-austérité...

à écrit le 28/02/2016 à 22:32
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Les politiques d'austérité ont des conséquences politiques partout où elles ont été appliquées. Les grecs ont élu un gouvernement de gauche assez radical, les espagnols se sont détournés des partis traditionnels, les irlandais malmènent le gouverne...

à écrit le 27/02/2016 à 19:55
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Les partis politiques ne sont plus que les valets des décideurs économiques.

à écrit le 27/02/2016 à 8:38
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Ce qui est terrifiant , c'est de voir de la publicité en arabe en haut de la première page d'accueil de la Tribune.. Les lecteurs comprendront ou, on bien mieux compris, ce que la soumission à l'argent et au pouvoir est vital au journalisme. Mais...

le 27/02/2016 à 16:46
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"Actuellement au pouvoir" manque de connaissances de notre histoire politique, vous venez de naître la France commerce et fait de la politique avec les pétroliers" depuis des décennies. J'étais en Irak du temps de M. Chirac le grand ami du monde arab...

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