Flexisécurité : après Copenhague, les "Gaulois réfractaires" se laisseront-ils assouplir ?

Par latribune.fr  |   |  850  mots
Durant la campagne électorale, Emmanuel Macron et son équipe n'ont jamais caché leur intérêt pour le modèle de la flexisécurité. (Crédits : Reuters)
En visite à Copenhague le 29 août, le chef de l'État a opposé la culture danoise de l'ouverture au changement à celle du "Gaulois réfractaire". Au même moment, son Premier ministre Édouard Philippe ouvrait une série de rencontres avec les partenaires sociaux pour réformer l'assurance chômage...

Engagé dans un véritable marathon diplomatique européen depuis son investiture à l'Élysée, élections européennes oblige, le président français s'est amusé, à Copenhague, à opposer les Danois "peuple luthérien" ouvert aux transformations et les Français "Gaulois réfractaires au changement", tout en louant les mérites du modèle danois de "flexisécurité" dont il veut visiblement s'inspirer. Ce matin depuis la Finlande, Emmanuel Macron a tenté de contenir la polémique qui enfle dans les rangs de l'opposition en assumant "ce trait d'humour".

"Ce n'est pas du mépris que de dire les choses et la vérité. [La France] est un pays qui ne se réforme pas. Je l'ai déjà dit : il se transforme. Si je pensais que nous n'étions que réfractaires, je ne serais pas devant vous".

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Il n'empêche que le débat sur une plus grande flexibilité de l'emploi pour les entreprises, alliée à la sécurisation des parcours pour les salariés, est déjà bien avancé en France. En son temps déjà, François Hollande souhaitait mettre la France sur les rails de la flexisécurité, mais "à la française", et Emmanuel Macron n'a jamais caché son intérêt pour ce modèle durant la campagne électorale.

En ce moment, les organisations syndicales et patronales sont reçues, une à une à Matignon, pour réformer le système de l'assurance chômage et la santé au travail. Certains arbitrages de la ministre du Travail Muriel Pénicaud laissent déjà présager des similitudes avec le modèle danois. Petit tour d'horizon des différences entre la France et le Danemark.

Le plein emploi, et en même temps, une forte flexibilité

Le gouvernement Macron voit la "flexisécurité" comme la voie royale contre le chômage de masse. En 1994, le Danemark a en effet choisit de simplifier fortement le licenciement et l'embauche afin de contenir un taux de chômage qui avoisinait alors les 11%. Les entreprises peuvent se séparer facilement de leurs salariés et en contrepartie, ces derniers bénéficient d'allocations chômage élevées et d'avantages sociaux importants, indépendants de l'ancienneté. Résultat : avec l'aide d'une conjoncture mondiale favorable, le chômage a effectivement chuté à moins de 5% dès 2000 et a atteint les 3,9% en juin, son taux le plus bas depuis près de dix ans.

Mais dans "flexisécurité", il y a aussi "flexibilité". Le chef de l'État n'a d'ailleurs pas manqué de relever les limites du modèle danois :

"Il faut être lucide, vous êtes un pays modèle d'équilibre social et de justice, mais dans un pays où on licencie par SMS dans la journée."

Depuis 2010, d'une part, la durée maximale de l'indemnisation chômage a été réduite de moitié au Danemark, à deux ans (mais avec une troisième année supplémentaire, sous conditions), et d'autre part, le contrôle des chômeurs y est particulièrement drastique. En France, l'exécutif a déjà acté le renforcement des contrôles des bénéficiaires, avec un rééquilibrage des sanctions.

La formation continue à la danoise, une des plus performantes d'Europe

On l'a compris : les Danois peuvent être amenés à changer très souvent d'emploi, voire même de carrière professionnelle. Et cela ne profite pas seulement aux individus les plus qualifiés. Toute une série de dispositifs ont été mis en place pour permettre aux salariés danois de se former "tout au long de leur vie".

Selon le ministère danois de l'Emploi, "un tiers des salariés chaque année changent d'emploi".

La formation au Danemark est considérée comme l'une des plus performantes d'Europe, après la Suède. D'ailleurs, pour préparer sa réforme de la formation professionnelle, Muriel Pénicaud, ministre du Travail, s'était rendue sur les terres danoises en guise de voyage d'étude, avec une délégation de représentants syndicaux et régionaux.

La très forte syndicalisation (70%), clé du dialogue social au Danemark

Pour Emmanuel Macron, la France n'a jamais cultivé la "culture du consensus", déplorant "le manque de confiance entre les acteurs" du dialogue social. Au Danemark, la réforme a été engagée avec l'accord des partenaires sociaux alors qu'en France, il est vrai que les organisations syndicales n'arrivent même pas à se mettre d'accord sur une position commune quant à une réforme du contrat du travail.

La forte syndicalisation des salariés au Danemark - près de 70%, contre seulement 8% en France selon l'OCDE -, explique, en partie, la bonne santé des relations entre syndicats et patronat. Cela influe forcément sur le rapport de force.

(avec AFP)