Italie : la constitution du gouvernement vire à la crise politique

Par latribune.fr  |   |  722  mots
Giuseppe Conte est arrivé à 17:00 au Palais du Quirinal pour présenter au président la liste des membres de son gouvernement. (Crédits : Remo Casilli)
Le président italien refuse que Paola Savona devienne ministre des Finances, alors même qu'il devrait faire parti de l'équipe gouvernementale constituée par Giuseppe Conte, le nouveau président du Conseil. Furieuse, la Ligue du Nord menace d'élections anticipées.

L'impasse politique restait totale dimanche en Italie où le chef du gouvernement désigné, Giuseppe Conte, ne parvient toujours pas à imposer son équipe, près de trois mois après les élections, faute d'accord sur le nom du ministre des Finances.

Les populistes italiens d'un côté et le président, Sergio Mattarella, de l'autre restent arc-boutés sur leurs positions, et rien n'indique qu'une solution pourra être trouvée d'ici la réouverture des marchés lundi matin.

Objet de ce bras de fer: le refus du président de nommer Paolo Savona, 81 ans et eurosceptique déclaré, à la tête du ministère des Finances. En Italie, le chef de l'Etat nomme le président du Conseil et les ministres sur proposition de ce dernier.

Vers des élections anticipées ?

Ce refus scandalise Matteo Salvini, le patron de la Ligue (extrême droite), qui, avec Luigi Di Maio, chef de file du Mouvement Cinq Etoiles (M5S, antisystème), ont porté M. Conte à la présidence du Conseil. Et il n'est pas prêt à céder, quitte à "tout faire sauter" et à retourner devant les électeurs, fort de son ascension dans les sondages.

"Soit le gouvernement commence à travailler dans les prochaines heures, soit il vaut mieux retourner voter et prendre la majorité absolue", a-t-il lancé samedi soir, devant ses partisans près de Bergame (nord). Et sur ce point, il est soutenu par M. Di Maio. "Nous avons déjà perdu trop de temps, ou on boucle dans les 24 heures (...) ou on laisse tomber", a-t-il déclaré samedi soir lors d'un meeting de son mouvement à Terni (centre).

Dimanche, Matteo Salvini a enfoncé le clou sur Twitter, son mode de communication préférée avec Facebook : "moi jusqu'à la fin, je ne me rends pas ! "

Cette détermination ne semble pas toutefois ébranler le chef de l'Etat pour qui il en va de la défense de la Constitution et des prérogatives du président.

Déjà peu convaincu de l'autorité de M. Conte face aux poids-lourds politiques qui composeront son équipe, M. Mattarella, garant du respect des traités internationaux, tient aussi à ce que l'Italie respecte ses engagements européens.

Un "complot des élites" ?

Au risque de donner des armes aux populistes, qui dénoncent déjà le complot des élites pour les empêcher de gouverner. "Restez à nos côtés, nous avons des gens contre nous dans les étages supérieurs mais tellement d'autres qui nous soutiennent", a ainsi averti M. Di Maio devant ses partisans.

Le chef de l'Etat italien attend désormais en son palais du Quirinal à Rome que M. Conte vienne lui rendre compte et lui présente sa liste de ministres. Giuseppe Conte est arrivé à 17:00 au Quirinal.

Si sa liste comportait le nom de M. Savona, M. Mattarella devrait confirmer son refus, selon la plupart des commentateurs italiens, obligeant ainsi M. Conte à renoncer.

Le président désignerait alors un nouveau président du Conseil mais, cette fois, sans chercher l'aval des vainqueurs des législatives du 4 mars, pour former un "gouvernement du président". En d'autres termes, un gouvernement technique qui, en tout état de cause, n'obtiendrait pas la majorité au Parlement, où dominent le M5S et la Ligue. Cet exécutif serait alors chargé de gérer les affaires courantes jusqu'à des élections, probablement à l'automne.

M. Savona pourrait de lui-même jeter l'éponge pour faciliter une issue à cette crise institutionnelle sans précédent en Italie mais, selon la presse italienne, il s'y est refusé.

Une Europe "différente"

Cet économiste, ancien ministre de l'Industrie, a rendu public dimanche un communiqué dans lequel, il affirme son credo dans une "Europe différente, plus forte mais plus juste". Mais, concernant la monnaie unique, il renvoie à ses écrits, en particulier ceux contenus dans son dernier livre, non encore paru, dans lequel il exprime des positions très critiques sur l'euro, comparé à une "prison allemande".

Pas de quoi rassurer les marchés financiers qui se sont montrés déjà nerveux la semaine dernière. Vendredi, la Bourse de Milan avait terminé une nouvelle fois en baisse, à -1,54%. Quant au spread, l'écart entre les taux d'emprunt à dix ans allemand et italien, il avait atteint dans l'après-midi 217 points, son plus haut depuis décembre 2013, avant de clôturer à 206 points.

(Avec AFP)