Italie : référendum le 28 mai sur une partie du Jobs Act

Les Italiens voteront le 28 mai pour abroger ou conserver deux modalités des réformes de Matteo Renzi. Un vote surtout symbolique pour mesurer la popularité des "réformes".
Les Italiens voteront le 28 mai sur une forme de précariat.

Les Italiens devront se prononcer sur une partie de la réforme du marché du travail de Matteo Renzi, le Jobs Act, dès le 28 mai prochain. Le Conseil des ministres a adopté cette date ce mardi 14 mars. Ce référendum « abrogatif » entend soumettre au peuple italien la suppression de deux lois. D'une part, celle qui simplifiait les conditions de la sous-traitance. D'autre part, celle qui facilitait l'usage des « bons » (appelé « vouchers » en italien) permettant de rémunérer certaines prestations.

L'exclusion de l'article 18 du champ du référendum

Ces deux référendums avaient été initiés par la Cgil, un syndicat de gauche, qui avait obtenu beaucoup plus que les 500.000 signatures exigées par l'article 75 de la Constitution, en tout 3,3 millions. Néanmoins, ce scrutin sera amputé de sa question la plus spectaculaire et la plus attendue, sans doute celle qui avait permis d'atteindre autant de signatures : le rétablissement de certaines conditions de réintégration des personnes licenciées de façon illégitime. Cette dernière mesure visait à réintroduire en partie les conditions du fameux article 18 du statut des travailleurs, qui permettait cette réintégration. Déjà largement limitée depuis des années, cette obligation avait supprimée par Matteo Renzi qui prétendait qu'elle empêchait les embauches.

La Cgil comptait alors utiliser le référendum abrogatif pour réintroduire l'idée d'une réintégration, aujourd'hui limitée aux cas les plus flagrants de discrimination avec l'obligation pour la victime d'apporter la charge de la preuve. Mais le syndicat a échoué devant la Cour constitutionnelle, la Consulta, qui, en janvier dernier, n'a validé que les deux propositions déjà nommées, repoussant celle concernant l'article 18. Selon la Consulta, la proposition de la Cgil était mal formulée, contrevenant aux obligations pour ce type de référendum de demeurer abrogatif (et non de formuler des propositions nouvelles), mais aussi de rester dans une unité de matière. La Cgil entend porter l'affaire devant la Cour de justice européenne, mais en attendant, c'est bien la question des « vouchers » qui risque de faire fonction de référendum par défaut sur le Jobs Act.

Développement des « vouchers »

Ces « bons », équivalent de nos chèques emplois services en plus étendus, existent depuis 2003. Ils sont distribués aux employeurs sous formes de coupures de 10, 20 et 50 euros qui permettent aux travailleurs de toucher respectivement 7,5, 15 et 37,5 euros une fois les cotisations sociales acquittées. Ces « vouchers » peuvent être utilisés dans tous les secteurs. Dans le cadre du Jobs Act, Matteo Renzi a relevé en 2015 le plafond annuel d'utilisation de ces bons de 5.000 à 7.000 euros et en a généralisé l'usage à l'ensemble du travail « accessoire ». Cette décision a provoqué une explosion de l'usage de ces « vouchers » qui, en 2016, ont progressé de 23,9 % par rapport à 2015 et de 95 % par rapport à 2014. 5.000 entreprises utilisent la moitié des « vouchers » distribués, principalement des PME, mais aussi quelques entreprises plus grandes comme le club de football turinois, la Juventus.

Symbole du précariat

La Cgil réclame l'abrogation de cette disposition du Jobs Act, et demande que les « vouchers » soient limités aux familles pour payer des prestations domestiques, un peu sur le modèle français. Selon elle, ces « bons » sont devenus une forme de travail à part entière, particulièrement précaire. Les entreprises utiliseraient ainsi ces bons en faisant tourner les employés tous les « 7.000 euros » pour ne pas avoir à créer de poste. La Cgil prétend également que ces « vouchers » permettent de dissimuler du travail en noir en « cachant » un emploi non déclaré qui serait « couvert » par les bons en cas de contrôle, même si le gouvernement a obligé de déclarer des horaires de travail. La Cgil entend donc utiliser le référendum pour faire entendre une voix contre la précarisation du travail en Italie, alors que les limites du Jobs Act semblent être atteintes. « Les vouchers sont devenus le symbole de cette dégradation progressive du travail », résume Susanna Camusso, la secrétaire générale de la Cgil.

Le problème du quorum

Reste à savoir, à présent, si le référendum passera le seuil du vote. Deux obstacles s'offrent à lui. Il faut d'abord qu'au moins 50 % des inscrits participent au vote pour le valider. C'est souvent la marche la plus haute, parce que les opposants à l'abrogation ont tendance à « voter avec leurs pieds » et à bouder les urnes. 28 des 67 référendums soumis aux Italiens depuis 1946 ont ainsi échoué. Mais depuis 1995, le quorum n'a été atteint qu'une seule fois, en 2011 (textes sur la gestion de l'eau et la lutte contre la coruption), pour ce type de consultation. Il faudra ensuite, si ce quorum est atteint, que les électeurs qui s'expriment acceptent majoritairement l'abrogation de chacune des lois concernées. Sur les 39 scrutins abrogatifs recevables depuis 1946, 23 ont permis des abrogations, dont 4 en 2011.

Dans le cas de ce double référendum, atteindre le quorum sera délicat. Un élément clé risque d'être la date des élections municipales, qui doivent se tenir entre le 15 avril et 15 juin. Si elles se tiennent le 28 mai, la participation pourrait être élevée. Sinon, l'absence de vote sur l'article 18 risque de conduire à une démobilisation à gauche et dans les rangs syndicaux. Le Mouvement 5 Etoiles devrait appeler à participer au vote, mais n'a pas encore pris position. La droite, y compris la Ligue du Nord eurosceptique et xénophobe, est plutôt favorable à un outil utilisé par sa clientèle habituelle d'artisans et de patrons de PME.

Epargner Matteo Renzi

Quant au parti démocratique de Matteo Renzi, il pourrait disposer d'une autre arme : celle d'un contre-projet de loi réduisant l'usage des vouchers. Dans ce cas, le référendum deviendra caduc de fait. Mais les discussions sur cette loi que le gouvernement voudrait soutenu par une large majorité peinent à avancer. Le Parti démocratique souhaite revenir à la situation de 2003, la droite permettre son usage par les entreprises de zéro à un salarié. Les « vouchers », on le voit, sont peu populaires. Mais l'ambition du gouvernement sera d'éviter la tenue d'un référendum de fait sur le Jobs Act, qui reste la réforme emblématique de Matteo Renzi. Alors que ce dernier, qui a démissionné après l'échec du référendum constitutionnel du 4 décembre dernier, souhaite revenir à la tête du PD en triomphateur lors de primaires, une nouvelle sanction dans les urnes serait pour lui un désastre.

Commentaires 5
à écrit le 15/03/2017 à 10:02
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Si l'Italie viens a sortir de l'Europe avant la France on va payer les pots cassés !!!!!!

à écrit le 15/03/2017 à 8:54
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Bref une Loi imposée par l'UE pour l'oligarchie de l'UE. Toujours les mêmes recettes qui ne fonctionnent pas, pire, qui nous enfoncent encore plus au sein de la plus grave crise économique mondiale. Vite un frexit.

à écrit le 14/03/2017 à 16:42
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"de fait sur le Jobs Act, qui reste la réforme (ou plutôt régression) emblématique de Matteo Renzi". Tu parles , qu'elle réforme ?. Ce sont les GOPE (Grandes Orientations de Politique Économique) ou plus précisément, ce sont des documents préparés...

à écrit le 14/03/2017 à 16:31
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"La droite, y compris la Ligue du Nord eurosceptique et xénophobe, est plutôt favorable à un outil utilisé par sa clientèle habituelle d'artisans et de patrons de PME". Comme chez nous,donc.

à écrit le 14/03/2017 à 16:26
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Les entreprises utiliseraient ainsi ces bons en faisant tourner les employés tous les « 7.000 euros » pour ne pas avoir à créer de poste. Et pendant ce temps ils font un forfait impôt à 100.000 euros pour les plus riches.

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