Italie : va-t-on vers de nouvelles élections ?

La Cour constitutionnelle italienne a validé avec des réserves la loi électorale et l'a jugée immédiatement applicable. Mais le parti démocrate pourrait préférer jouer la montre.
Les élections se rapprochent en Italie

2017 sera décidément l'année des élections en Europe. Après les Pays-Bas le 15 mars, la France d'avril à juin, l'Allemagne en septembre, on pourrait aussi voter rapidement en Italie. Mercredi 25 janvier au soir, la Cour constitutionnelle italienne, la « Consulta », a en effet rendu son verdict concernant la loi électorale préparée par l'ancien président du Conseil Matteo Renzi et entrée en vigueur en juillet dernier. Cette décision permet une clarification des règles du jeu électoral qui pourrait déboucher sur de nouvelles élections générales dans la Péninsule après le rejet, le 6 décembre dernier, de la réforme constitutionnelle qui avait conduit à la démission de Matteo Renzi.

La décision

La loi électorale examinée par la Consulta - appelée « Italicum » -  avait été préparée dans l'optique de cette réforme constitutionnelle qui devait réduire les pouvoirs du Sénat et mettre en place un suffrage indirect pour ce dernier. Prévue uniquement pour la Chambre des Députés, cette loi accordait une prime majoritaire au parti obtenant 40 % des suffrages exprimés. Si aucun parti n'obtenait ce score, un deuxième tour était organisé entre les deux partis arrivés en tête pour obtenir cette prime majoritaire. Le but de la loi était de créer une majorité stable en évitant les excès de la loi précédente, la « Porcellum », censurée par la Consulta en 2013, qui accordait une majorité à la coalition arrivée en tête au niveau national, quel que soit son score.

La Consulta, ce 25 janvier, a décidé de censurer partiellement l'Italicum. Deux éléments ont été supprimés. Le système du deuxième tour, d'abord, pour attribuer la prime majoritaire. Les juges ont accepté l'idée qu'un parti ayant obtenu plus de 40 % des voix puisse obtenir la majorité des sièges de la Chambre (en l'occurrence 55 % d'entre eux), mais ils censurent donc le deuxième tour, non par principe, mais tel qu'il était prévu par la loi. Pour la Consulta, il n'est pas possible d'attribuer une majorité des sièges sans un minimum de participation au second tour. Les juges restent donc cohérents avec leur décision de 2013 : il n'est pas possible de sacrifier la représentativité du vote à la gouvernabilité. Autrement dit, si aucun parti n'obtient les 40 % prévus, il n'y aura pas de prime majoritaire, mais juste une répartition à la proportionnelle des sièges entre les partis ayant obtenu plus de 3 % des voix.

Deuxième élément censuré : le choix de la circonscription par les candidats élus dans plusieurs régions. L'Italicum réintroduit en effet la possibilité des multiples candidatures pour les têtes de liste, que l'on a connu en France jusqu'en 1889 et qui ont été interdites dans l'Hexagone pour éviter les effets « plébiscitaires » suite aux succès du Général Boulanger. La Consulta ne censure pas ce retour, mais elle estime qu'il n'est pas possible que le candidat élu plusieurs fois choisisse de son propre chef sa circonscription et donc les élus dans les autres circonscriptions. Ce serait contourner le choix des électeurs. Tout en invitant le Législateur à définir de nouvelles règles, les juges rappellent qu'une loi de 1957 prévoit un tirage au sort et est toujours valable.

Une loi « immédiatement applicable »

Mais l'essentiel de la décision des juges tient dans leur dernière phrase qui indique qu'une fois les deux éléments non constitutionnels ôtés, la loi électorale est « immédiatement applicable ». Autrement dit, désormais, l'Italie dispose d'une loi électorale pour la Chambre et pour le Sénat. Pour ce dernier, il s'agit de la loi de 2005 sans prime majoritaire puisque cette dernière a été censurée. Le scrutin sénatorial s'organise par régions, la répartition des sièges se fait dans chaque région à la proportionnelle entre les coalitions ayant obtenu plus de 20 % des suffrages exprimés et les listes uniques ayant obtenu plus de 8 % des suffrages exprimés.

Le gouvernement de Paolo Gentiloni, ancien ministre des Affaires étrangères de Matteo Renzi, va désormais devoir choisir entre deux options : ou se contenter de l'existant et convoquer de nouvelles élections rapidement, comme le lui autorise la Consulta, ou préparer une nouvelle loi électorale avant de convoquer les Italiens aux urnes. Quoiqu'il arrive, le parlement actuel devra être renouvelé avant mai 2018.

Que veut Matteo Renzi ?

Matteo Renzi est d'ailleurs sorti du bois rapidement en estimant que « la sentence de la cour remet en lice » le Parti démocrate (Pd), son parti. Et de fait, la nouvelle loi électorale permet à l'ancien président du conseil d'espérer un  retour au palais Chigi, le siège du chef du gouvernement italien. Nul ne semble, en effet, pour le moment, en mesure d'obtenir 40% des voix, mais en cas de ballotage, le Pd pouvait craindre un phénomène de « tout sauf Renzi » qui a joué lors du référendum du 6 décembre et qui aurait pu profiter au parti de Beppe Grillo, le Mouvement 5 Etoiles (M5S), actuellement au coude-à-coude dans les sondages avec les Démocrates. Du coup, Matteo Renzi peut espérer reconstituer une alliance avec le centre-droit de Silvio Berlusconi et les partis centristes pour  retrouver sa place de président du conseil.

Pour autant, des élections anticipées rapides posent un grand nombre de problèmes. Le Sénat et la Chambre ont ainsi des modes de scrutin très différents. Au Sénat, on peut former des coalitions entre partis, pas à la chambre. La difficulté sera alors de savoir si l'on peut constituer, dans ces conditions, des majorités cohérentes dans les deux chambres, alors même que les deux chambres devront accorder la confiance au gouvernement. Pire, la situation à trois pôles de la politique italienne et la forte identité régionale de certains partis laissent présager de majorités contradictoires au Sénat et à la Chambre...

C'est pourquoi Matteo Renzi a demandé à ses fidèles de ne pas appeler trop ouvertement à un scrutin rapide. Le président du Conseil pourrait décider un toilettage de la loi électorale en donnant de la cohérence aux scrutins dans les deux chambres, par exemple en autorisant les coalitions à la chambre ou en les interdisant au Sénat. Fin février, la Consulta donnera les motivations précises de sa décision. Elle pourrait alors évoquer la nécessité d'homogénéiser les modes de scrutin pour les deux assemblées. Paolo Gentiloni pourrait donc prendre le temps d'une nouvelle loi électorale avant de convoquer les comices électorales. Mais ceci n'exclut pas la possibilité d'une élection dès 2017.

Où en sont les sondages ?

Les derniers sondages laissent en tout cas présager une situation délicate après l'élection. Selon la dernière enquête EMG, le Mouvement 5 Etoiles a certes perdu un peu de terrain depuis le 6 décembre, mais il demeure néanmoins à un niveau élevé de 28,3 % des intentions de vote contre 31,7 % pour le Parti démocrate. La possibilité d'un score de 40 % pour le centre-gauche semble donc peu probable, ce qui plaide également pour une élection un peu plus tardive, le temps pour Matteo Renzi qui a lancé son blog personnel ce mercredi, de faire campagne. Reste que l'objectif de la prime majoritaire semble encore très éloigné, d'autant que le M5S va se présenter, de son côté, comme le seul parti capable d'empêcher le retour de Matteo Renzi...

Derrière, la droite italienne semble toujours aussi divisé. Forza Italia de Silvio Berlusconi n'est donné qu'à 11 % des intentions de vote contre 13,6 % pour la Ligue du Nord. Les néofascistes de Fratelli d'Italia sont à 4,6 % d'intentions de vote. Ensemble, ces trois formations feront jeu égal avec le M5S, mais sont-elles en mesure de former une coalition gouvernementale entre des Berlusconistes plus modérés et une Ligue désormais alignée sur le FN français ? Pour espérer une grande coalition avec Forza Italia, le Pd devrait supprimer le vote en coalition au Sénat, par ailleurs très favorable à la Ligue dans ses bastions du Nord-est. Mais une telle alliance est-elle réellement possible alors que les centristes alliés à Matteo Renzi ne sont pas certains de passer les 3 % nécessaires pour entrer à la Chambre ?

Toutes ces données plaident donc pour une nouvelle loi électorale. Mais une chose est certaine, avec un M5S renforcé, une Ligue du Nord à plus de 10 % et des néofascistes à un niveau élevé, avec la nécessité d'une double majorité au Sénat et à la Chambre et avec l'improbabilité d'une prime majoritaire, gouverner l'Italie ne s'annonce pas comme une tâche aisée.

Commentaires 5
à écrit le 27/01/2017 à 10:31
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Il faut en finir avec la proportionnelle et mettre en place un scrutin majoritaire uninominal à un (à l'anglaise) ou à 2 tours (à la française) mais avec interdiction des triangulaires.

à écrit le 26/01/2017 à 21:18
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Renzi, Hollande, Schroeder, Blair, même combat !

à écrit le 26/01/2017 à 15:05
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Ils n'arrivent pas à gouverner leurs propres pays et ils nous ont fait croire qu'ils pourraient gouverner l'UE.

le 26/01/2017 à 17:50
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Qui vous a dit qu'ils voulaient gouverner l'Europe ??

le 27/01/2017 à 11:07
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C'est vrai, il aurait mieux valu que la France gouverne a coup de 49.3 !!! belle démocratie, et une preuve flagrante de bonne gouvernance...c'est sûr !!

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