La "banque centrale des banques centrales" appelle à préparer l'avenir

Dans son rapport annuel, la BRI estime que l'économie mondiale se porte bien, mais s'inquiète pour l'avenir en raison de l'endettement, du manque de manoeuvre des Etats et de la faible croissance de la productivité. Elle fait quelques propositions, notamment le renforcement de la qualité de la dépense publique.
La BRI reste inquiète pour l'économie mondiale.

Dans son rapport annuel publié ce dimanche 26 juin 2016, la Banque des Règlements internationaux (BRI), connu comme la « banque centrale des banques centrales », met en garde contre les effets à long terme des politiques monétaires actuelles. Elle se félicite cependant de l'état de la conjoncture actuelle, estimant que la croissance mondiale est « proche de ses niveaux historiques » et que le chômage a beaucoup baissé. L'économiste Claude Borio, chef du département économique et monétaire de la BRI, a ainsi critiqué la « rhétorique » qui laisserait penser que la reprise serait « anémique ».

« Trinité de risques »

Le rapport s'inquiète cependant d'une « trinité » de risque que décrit Claude Borio : « une croissance de la productivité anormalement molle, faisant planer un doute sur une amélioration future des niveaux de vie; une dette mondiale historiquement élevée, soulevant des risques pour la stabilité financière; et une marge de manœuvre extrêmement réduite pour l'action des pouvoirs publics ».

Le problème des taux

La BRI souligne que les taux d'intérêts réels bas, voire négatifs, traduisent un manque de confiance dans l'avenir et les politiques monétaires ultra-accommodantes y ont contribué et n'ont pas permis de faire repartir l'inflation et la croissance. Les marchés sont désormais trop dépendants de ces politiques et les agents économiques de leur propre endettement. « L'économie mondiale ne peut plus se permettre de compter sur un modèle de croissance alimenté par la dette, qui l'a mené à la situation actuelle », explique Claude Borio qui a ajouté que « si cette situation devait se prolonger au point de saper la confiance de l'opinion publique dans les politiques menées, les conséquences pour les marchés financiers et l'économie pourraient être graves ».

Relever les taux dès que possible

Pour éviter cette situation, la BRI propose des « mesures d'urgence ». D'abord, relever dès que cela est possibles les taux pour les banques centrales. La BRI fait ainsi implicitement la leçon à la Fed, la banque centrale des Etats-Unis, qui a considérablement ralenti le rythme de son resserrement monétaire, en le mettant en pause. La BRI estime que cette politique dilatoire risque d'entretenir la dépendance des marchés et de priver les banques centrales de munitions en cas de rechute conjoncturelle.

Réformer le système bancaire

Ensuite, réformer le système bancaire, notamment en Europe où la BRI estime qu'il peut être nécessaire d'envisager une réduction des dividendes, des injections de capitaux publics et des fusions permettant de réduire les surcapacités. Cette critique de la politique de versement des dividendes est un point important qui est souvent omis lors des débats sur la régulation bancaire. Or, en réduisant les dividendes, les banques renforcent leurs fonds propres et sont moins dépendantes d'objectifs de rendement élevé, ce qui leur permet de mieux se concentrer sur le financement de l'économie réelle.

Rééquilibrer les politiques publiques

Dernier conseil de la BRI : changer les politiques budgétaires. La BRI confirme ce que la BCE déplore depuis des mois : les banques centrales sont beaucoup trop isolées dans leur combat contre l'inflation faible. « Il est essentiel de soulager la politique monétaire, qui supporte, depuis beaucoup trop longtemps, une part excessive du fardeau », explique Claude Borio. Les Etats doivent donc agir. La BRI n'appelle cependant pas à des politiques de relance à court terme et à un accroissement de la dette. La BRI prône plutôt une réflexion sur la qualité de la dépense publique.

« Il est urgent de rééquilibrer les politiques publiques pour s'orienter vers une expansion plus robuste et durable », explique le rapport. Il faut donc « déplacer le curseur pour l'éloigner des transferts courants et le rapprocher de l'investissement dans le capital physique et humain ». Parmi les propositions, deux méritent d'être souligné : la BRI appelle à réaliser des « investissements judicieux dans les infrastructures ». Un appel du pied à l'Allemagne qui, malgré ses besoins et les besoins de l'économie européenne, refuse toujours de pratiquer des investissements massifs dans ce domaine.

Deuxième propositions intéressantes de la BRI : elle appelle à «  réduire les distorsions induites par la fiscalité, y compris le biais en faveur de l'endettement ». Ceci induit de ne pas favoriser la création de bulles comme dans l'immobilier, par la pratique de « cadeaux fiscaux », une pratique très répandue, notamment en France, pour soutenir le secteur de la construction, mais qui favorise aussi une évolution saccadée de bulles et d'éclatement des bulles.

Privilégier le long terme sans oublier le court terme

La BRI appelle donc à privilégier une vision à long terme. L'éditorial de son rapport est d'ailleurs titré « lorsque demain arrivera ». Mais la vision de la BRI n'est pas exempte de quelques critiques. Pendant la crise, l'institution a appelé les Etats à pratiquer des mesures d'austérité qui ont aggravé la crise de désendettement que connaît aujourd'hui le monde en assombrissant l'avenir. Les taux d'intérêts bas traduisent aussi la conséquence de ses politiques et le fait que, aujourd'hui, les banques centrales sont naturellement isolées. Ils traduisent aussi clairement le fait que la situation actuelle n'est pas aussi rayonnante que le prétend la BRI. Du reste, le graphique de la première page du rapport montre clairement que la croissance mondiale actuelle est en baisse à court terme et à moyen terme. Son niveau est celui des années 1990, années de croissance clairement insuffisante pour le monde. Le redéploiement de la dépense publique est sans doute nécessaire, mais c'est un processus long et qui a des conséquences conjoncturelles qui peuvent encore aggraver les perspectives à long terme. Elle doit donc se faire de façon ordonnée, sans déséquilibrer le tissu économique des pays concernées par une croyance dans des « crises saines » d'ajustement.

Bonne et mauvaise dette

La vision d'un monde « libéré de sa dépendance aux dettes » qui serait plus stable que celui d'aujourd'hui a dès lors des allures d'utopie. C'est une utopie assez répandue que de penser que le monde pourra disposer d'une croissance robuste sans recours à la dette. La question est plutôt de disposer d'une maîtrise de l'émission et de la destination de ces dettes.

La question de la productivité est donc centrale, mais sans amélioration à moyen terme des perspectives, notamment d'inflation, les agents privés n'investiront pas dans la hausse de la productivité. Ils ne le feront pas davantage sans crédit. C'est ici que la puissance publique doit intervenir : en investissant lui-même massivement sur des secteurs importants, mais aussi en favorisant des crédits « ciblés » sur les nécessités publiques et d'intérêts général par l'action de banques publiques d'investissement. La diabolisation de la dette devrait d'abord être une diabolisation de la dette « dangereuse » ou « mal maîtrisées », celle qui sont ultra-financiarisées, basées sur des effets de levier élevés ou sur des choix politiques de court terme comme dans l'immobilier. Ce sont ces dettes qui ont causé la crise de 2007-2008. La BRI offre, de ce point de vue, avec la proposition d'une réduction des dividendes bancaires et des niches fiscales à l'endettement, des pistes sérieuses.

Commentaires 4
à écrit le 27/06/2016 à 16:59
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La solution consiste à répartir les charges sociales sur le travail et sur l'énergie, ce qui correspond à répartir ces charges sur la production et sur la consommation. Autrement dit, financer les charges sociales par un impot sur l'énergie. C'est ce...

à écrit le 27/06/2016 à 13:31
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"la BRI estime que l'économie mondiale se porte bien" "« une croissance de la productivité anormalement molle, faisant planer un doute sur une amélioration future des niveaux de vie; une dette mondiale historiquement élevée, soulevant des risques pou...

à écrit le 27/06/2016 à 11:13
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"pas de chômage".. au sein de la bri, je suppose.. Sinon, il faut admirer la contradiction : "une dette mondiale historiquement élevée" ET "des injections de capitaux publics"... Soit, comme d'hab., une plus grande socialisation des pertes.

à écrit le 26/06/2016 à 17:33
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à mon avis cela fait dix mois que nous sommes en récession. quand au niveau de la dette la première implication est que la BRI est insolvable et financièrement et intellectuellement.

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