Déficit, dette... Bruxelles voit rouge et menace l'Italie d'une amende de 3,5 milliards

Par Reuters  |   |  674  mots
(Crédits : ALESSANDRO BIANCHI)
Non seulement, la dette publique italienne a atteint 132,2% du PIB l’an dernier et pourrait encore augmenter, mais encore le déficit structurel, censé diminuer de 0,6 point de pourcentage par an jusqu’au retour à l’équilibre, est au contraire en hausse continue depuis 2015. L'amende encourue représente jusqu'à 0,2% du PIB du pays visé, soit environ 3,5 milliards d’euros dans le cas italien.

La Commission européenne a demandé officiellement mercredi à l'Italie de s'expliquer sur la détérioration de ses finances publiques, a-t-on appris de source officielle de l'Union, une démarche qui pourrait aboutir dès la semaine prochaine à l'ouverture d'une procédure disciplinaire contre Rome.

L'envoi d'une lettre de demande d'explications est prévu par les règles communautaires lorsque la dette publique d'un pays de l'Union dépasse le seuil de 60% du produit intérieur brut (PIB) et que le gouvernement ne la réduit pas.

La lettre à Rome a été envoyée après la réunion du collège des commissaires européens mercredi, a précisé un responsable de l'UE à Reuters. Le gouvernement italien a jusqu'à vendredi pour y répondre.

Salvini n'augmentera "jamais" les prélèvements obligatoires

Interrogé sur l'éventualité de mesures de réduction du déficit en réponse à la demande de Bruxelles, le vice-président du Conseil italien Matteo Salvini a répondu que le gouvernement n'augmenterait jamais les prélèvements obligatoires.

La France, la Belgique et Chypre ont déjà reçu des lettres similaires à celle adressée à l'Italie sur l'état de leurs finances publiques. Le cas de chaque pays est étudié séparément mais la situation de l'Italie semble la plus compliquée.

La dette publique italienne a atteint 132,2% du PIB l'an dernier et pourrait encore augmenter, à 133,7% cette année et 135,2% en 2020 selon les dernières prévisions de la Commission.

En outre, le déficit structurel (hors éléments exceptionnels et impact du cycle économique) de l'Italie, censé diminuer de 0,6 point de pourcentage par an jusqu'au retour à l'équilibre, est au contraire en hausse continue depuis 2015.

Il pourrait atteindre 2,4% du PIB cette année et 3,6% en 2020 en l'absence de mesures nouvelles.

Pas de croissance, le compromis avec Bruxelles vole en éclats

Après des mois de discussions souvent tendues, Rome et Bruxelles avaient abouti à la fin de l'an dernier à un compromis autorisant à titre exceptionnel l'Italie à ne pas réduire son déficit structurel; l'accord prévoyait une légère diminution du poids de la dette en 2019 sur la base de prévisions de croissance optimistes.

Ce compromis était fondé sur l'hypothèse que la politique économique de la coalition gouvernementale eurosceptique alliant la Ligue et le Mouvement 5 Etoiles (M5S) allait doper la croissance de l'économie.

Mais cette hypothèse est aujourd'hui caduque, la plupart des prévisions de croissance du PIB italien pour cette année étant nettement inférieures au chiffre de 1% prévu par Rome fin 2018.

Une très forte amende, mais... toute théorique

La nouvelle évaluation de la situation budgétaire de l'Italie à laquelle la Commission doit procéder le 5 juin prendra en considération "les éléments pertinents" qu'aura présentés l'Italie pour expliquer la détérioration récente.

Elle pourrait aboutir à l'ouverture d'une procédure pour déficit excessif visant Rome sur la base de l'augmentation de la dette publique, a appris Reuters de plusieurs sources à Bruxelles.

Cette procédure peut en théorie se solder par une amende représentant 0,2% du PIB du pays visé, soit environ 3,5 milliards d'euros dans le cas italien, si Rome ignore des appels répétés de l'UE à ramener ses finances publiques sur le chemin du redressement. Mais une telle amende n'a jamais été infligée et le processus, long en soi, est politiquement improbable.

La décision d'engager une procédure disciplinaire relèverait des ministres des Finances de l'Union sur la base des conclusions de la Commission.

Le dossier des finances publiques italiennes est inscrit à l'ordre du jour du conseil européen Finances des 8 et 9 juillet.

Le vice-président de la Banque centrale européenne (BCE), Luis de Guindos, a mis en garde mercredi contre le risque de voir la hausse des coûts de financement de la dette italienne pénaliser l'économie de la péninsule et annuler l'effet bénéfice de mesures de relance budgétaire qui aboutiraient à enfreindre les règles européennes.