"Le gouvernement grec se bat pour la dignité de la Grèce"

Nikos Xydakis, ministre grec de la Culture, présente les buts de son gouvernement dans les négociations avec les créanciers.
Nikos Xydakis, ministre grec de la Culture

Vous avez condamné dans votre discours à l'Unesco le « nettoyage culturel » de l'Etat islamique en Irak et en Syrie. Que peut faire la Grèce dans ce domaine ?

Mon intervention à l'Unesco prenait place dans le cadre des troisièmes rencontres sur la convention de 1970 contre le trafic illicite de biens culturels. Cette convention, une des plus importantes de l'Unesco, a été relancée voici deux ans par la Grèce et elle est plus que jamais d'actualité. On sait que ce trafic est un moyen de financement de l'Etat islamique et que c'est aussi un moyen de blanchir de l'argent sale. Dans ce domaine, la Grèce peut jouer un rôle essentiel au niveau diplomatique international et elle a le soutien d'un grand nombre de pays en Europe, en Amérique latine et dans le monde arabe.

Vous vous êtes également rendu à Cannes...

Oui, pour l'hommage à Costa Gavras et la diffusion de la version restaurée de « Z. » Ce fut un moment émouvant pour nous et pour lui-même, particulièrement parce que ce film qui a marqué l'histoire du cinéma européen est encore très actuel.

En quel sens ? Pensez-vous que ce qui y est décrit, la tentative avortée d'établir un espoir issu de la gauche démocratique en Grèce, peut se reproduire ?

Non. La situation des années 1960 en Grèce est très différente de celle d'aujourd'hui. Il y avait alors un Etat dans l'Etat qui a conduit à la dictature des Colonels. La dictature était déjà installée au Portugal et en Espagne à cette époque et l'on était en pleine guerre froide, avec des Etats-Unis alors très interventionnistes en Europe. En revanche, ce qui est toujours actuel aujourd'hui dans ce film, c'est son évocation de la lutte pour la démocratie. Comme l'a souligné Costa Gavras, ce qui est radical aujourd'hui, c'est la démocratie. C'est ce pour quoi lutte le nouveau gouvernement grec, démocratiquement élu : le droit de respirer et de donner un avenir à ses enfants. C'est l'ambition de toutes les démocraties en Europe.

Le gouvernement grec combat-il aujourd'hui pour la démocratie ?

Nous nous battons pour cette devise qui est au fronton des écoles françaises, « Liberté, Egalité, Fraternité. » De nombreux Européens sont morts pour cette devise et pour les valeurs des révolutions française, étatsunienne ou grecque. Aucun n'est mort pour « l'austérité. » L'austérité n'est pas un fondement de la démocratie européenne et de l'Union européenne. En réalité, ce pourquoi se bat le gouvernement grec, c'est sa dignité.

Jusqu'où le gouvernement dont vous êtes membres est prêt à aller dans ce combat ?

Depuis l'accord du 20 février, le gouvernement grec a proposé des concessions considérables pour parvenir à un honnête compromis. Il a négocié dans une situation d'asphyxie économique et financière, tout en versant pas moins de huit milliards d'euros à ses créanciers, sans avoir le moindre accès à un quelconque refinancement. C'est un cas unique au monde, comme la rapidité et l'ampleur de la consolidation engagée depuis 2010 est un cas unique au monde. Il est désormais normal que la Grèce bénéficie de l'assouplissement quantitatif de la BCE et du plan Juncker.

Etes-vous prêt à poursuivre une politique d'austérité ?

Nous ne pouvons pas accepter des mesures supplémentaires qui auraient un effet récessif. Notre but fondamental, c'est la croissance et la création d'emplois.

Les créanciers affirment que c'est aussi leur but et que c'est pour cette raison qu'ils demandent une réforme du marché du travail...

La Grèce ne demande rien d'autres que de respecter l'acquis communautaire et de ne pas devenir un pays digne du Bangladesh. Favoriser les licenciements collectifs lorsque l'on a 25 % de chômage ne crée pas d'emplois. Le pouvoir d'achat du citoyen grec a reculé de 50 %. Nous avons déjà mené une dévaluation interne et nous avons pu constater que cela a échoué. Le FMI - qui réclame pourtant ces réformes - l'a reconnu lui-même dans plusieurs rapports.

Voyez-vous un risque de déstabilisation de la Grèce ?

Dans un contexte régional en pleine ébullition, au Moyen-Orient, en Ukraine, à présent dans l'ancienne république yougoslave de Macédoine, la Grèce est le seul pays stable de la région. Elle fait partie des grandes alliances militaires et politiques. Je pense que nous allons demeurer un facteur de stabilité régional, indépendamment de l'issue des discussions avec les créanciers. Toutes les personnes modérées savent bien que la stabilité de la Grèce renforce la position de l'ensemble de l'Union européenne. Il est important que l'UE agisse face aux crises régionales, et pas seulement en tant que zone économique et de compétitivité.

Peut-on imaginer une sortie de la Grèce de la zone euro ?

Ni le peuple grec, ni le gouvernement grec n'ont jamais mis cette option sur la table.

Comment juger l'attitude de la France dans le cadre de ces négociations ?

La France est un allié extrêmement important pour la Grèce. Nos deux pays ont de réelles affinités culturelles et politiques. Nous avons un grand potentiel d'amitié.

Un dernier mot sur votre domaine de compétence : vous avez annoncé récemment que vous abandonniez l'idée de mener une procédure judiciaire contre le Royaume-Uni dans l'affaire des marbres du Parthénon exposés au British Museum. L'affaire est donc close ?

Non. Toutes les autres voies restent ouvertes et nous n'excluons aucune éventualité.

Un ancien journaliste devenu ministre
Nikos Xydakis est né au Pirée en 1958. Diplômé en histoire de l'art de l'université d'Athènes, il entre au quotidien conservateur Kathimerini comme critique d'art en 1992, puis il devient rédacteur en chef en 2009. En janvier 2015, il est élu député sur la liste Syriza de la circonscription d'Athènes-2. Il entre alors au gouvernement comme vice-ministre en charge de la culture sous la direction du ministre de la culture de l'éducation et des affaires religieuses, Aristides Baltas.

L'affaire des "marbres d'Elgin"
De 1801 à 1805, l'ambassadeur britannique à Constantinople, Lord Elgin fit ôter du fronton du Parthenon sur la colline de l'acropole à Athènes des frises en marbre. Il les transféra ensuite au Royaume-Uni où, ruiné, il dut les vendre au gouvernement britannique pour 35.000 livres qui les plaça au British Museum. Devenue indépendante de l'empire ottoman en 1830, la Grèce, et notamment son premier roi, le Bavarois Otton, tenta de racheter ces marbres. En vain. Au début des années 1980, la Grèce a, à nouveau, approché Londres pour récupérer les marbres. Mais le gouvernement britannique a toujours refusé d'évoquer cette question. Une tentative de médiation de l'Unesco a été repoussée par le British Museum récemment. Athènes avait donc envisagé une action juridique, mais Nikos Xydakis a décidé de ne pas se lancer dans une procédure.

Commentaires 45
à écrit le 23/05/2015 à 8:46
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Comment juger l'attitude de la France dans le cadre de ces négociations ? La France est un allié extrêmement important pour la Grèce. Nos deux pays ont de réelles affinités culturelles et politiques. Nous avons un grand potentiel d'amitié. Dipl...

à écrit le 21/05/2015 à 21:06
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La dignité de la Gréce est d'honorer ses engagements et de payer ses dettes. Contrairement à ce que je lis dans certains commentaires un excédent primaire ne permet pas de payer ses dettes, même pas de payer les intérêts de la dette en totalité!. Ma...

le 22/05/2015 à 8:37
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"Contrairement à ce que je lis dans certains commentaires un excédent primaire ne permet pas de payer ses dettes" : vous vous rendez compte qu'un excedent primaire est au contraire la SEULE solution pour payer ses dettes ?

à écrit le 21/05/2015 à 15:43
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Si on veut être digne de respect, faut s'arranger pour l'être en tout temps, entre autres, au fil des jours, en voyant à vivre selon ses moyens, d'une façon responsable. Sentence qui devrait être gravée au fronton du parlement grec.

le 21/05/2015 à 17:14
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L'Etat grec dégage un excédent primaire (hors remboursement des intérêts de sa dette) depuis plusieurs mois. Peut-être que vous devriez vous appliquer votre propre conseil à l'aide d'un Post-It sur lequel serait marqué "Bien se renseigner avant d...

le 21/05/2015 à 17:30
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Vous etes un chef ! Ca rendra super a coté de la devise nationale : "La liberté ou la mort, et surtout vivre selon ses moyens d'une façon responsable" !

le 21/05/2015 à 18:38
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@info.L'excédent primaire est un intermédiaire de calcul utile, mais il n'est pas le résultat du budget. Ce n'est pas difficile d'équilibrer un budget quant on enlève un poste de coûts important. Le problème, c'est qu'en Grèce, comme dans tous les pa...

à écrit le 21/05/2015 à 12:37
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C'est incroyable le mode de pensée actuel… Les bons européens qui ont fait tant de cadeaux à ces mauvais grecs! Les grecs, c'est bien connu, ils veulent l'argent pour se la couler douce, ce sont des fainéants, qui n'aspirent qu'à vivre aux crochets...

le 21/05/2015 à 18:06
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Quand bien meme, selon certains le gouvernement actuel devrait respecter les engagements du gouvernement precedent. Je me demande juste une chose dans ce cas : a quoi bon continuer a faire des élections ?

à écrit le 21/05/2015 à 11:08
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Et bien, tous les trolls anti Grece sont présent, dites moi (presque, il en manque un, le meilleur !). Pas meme une réflexion sur le fait que la GB a pillé en toute impunité la Grece et refuse de rendre ce qu'elle a volé ? La Grece n'a quant a elle ...

le 21/05/2015 à 12:31
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@Fx: la dignité, c'est simple, c'est le respect de soi-même et de ses engagements. Quant à l'impunité de la Grande-Bretagne, ce sera au tribunal de juger, même si je suis entièrement d'accord sur le fait que les pillages d'antan doivent être indemnis...

le 21/05/2015 à 14:44
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Ah enfin, vous voila ! "la dignité, c'est simple, c'est le respect de soi-même et de ses engagements." : me voila rassuré, le gouvernement Tsipras est donc digne, lui qui respecte ses engagements !

le 21/05/2015 à 15:23
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Les représentants grecs sont comme ces jeunes des cités qui ont en permanence le mot respect a la bouche, mais pour qui le respect de leurs propres engagements est le dernier de leurs soucis.

le 21/05/2015 à 17:22
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Ah enfin, vous voila ! "la dignité, c'est simple, c'est le respect de soi-même et de ses engagements." : me voila rassuré, le gouvernement Tsipras est donc digne, lui qui respecte ses engagements !

le 21/05/2015 à 18:15
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Je vous corrige un peu Victor : "Les PRECEDENTS representants grecs..."

à écrit le 21/05/2015 à 10:13
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"La Grèce ne demande rien d'autres que de respecter l'acquis communautaire et de ne pas devenir un pays digne du Bangladesh." Si même le ministre de la culture compare son pays au Bengladesh, je crois que tout est dit.

le 21/05/2015 à 11:21
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Vous interprétez le Francais a votre guise ? Justement le fait de ne pas vouloir devenir comme le Bangladesh implique forcement que le pays n'est pas encore dans la meme situatio que le Bangladesh. Enfin passons. A il tort de vouloir un peu mieux pou...

le 21/05/2015 à 17:02
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@Viktor Avec de tels soucis de compréhension, comment pouvez-vous espérer maitriser ce sujet complexe qu'est la crise grecque ?

le 21/05/2015 à 18:24
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Mais précisemment, il n'y a aucune comparaison ! Quel ministre de la culture d'un pays européen pourrait affirmer quelque chose d'aussi énorme que: "nous ne voulons pas devenir un pays digne du Bengladesh" ? Soit il est compètement a l'ouest, soit...

le 21/05/2015 à 19:04
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Effectivement, comparer la Grece au Bengladesh serait absurde. Par contre utiliser l'image dans une argumentation, chose que vous faites semblant de ne pas comprendre, se conçoit aisément pour a peu près tout le monde, excepté vous. Mais sinon, je n...

le 21/05/2015 à 23:51
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Vous confondez exagération grotesque et argumentation. En ce qui vous concerne, ça n'est pas très grave. Qu'un ministre de la culture en fasse de même, c'est plus génant.

le 22/05/2015 à 8:38
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Genant uniquement pour les troll anti grece qui sautent sur l'occasion. 99% des autres personnes censées auront compris !

à écrit le 21/05/2015 à 10:06
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La dignité voudrait, que les grecques remboursent l'argent qu'ils ont emprunté et dépensé ...!..

le 21/05/2015 à 11:23
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Mais c'est ce qu'ils feront surement. Par contre ils ne rembourseront surement pas l'argent qu'ils n'ont pas emprunté, ou qu'on les a forcé a emprunter pour des mauvaises raison, le tout illégalement au regard du droit international !

à écrit le 21/05/2015 à 9:39
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Donc, la dignité de la Grèce passe par le non respect de sa signature ? Et par le non remboursement de ses dettes ? Ainsi que par le reniement des engagements pris vis à vis de ceux qui l'ont massivement aidée ? Curieuse "dignité"... L'U.E. est un c...

le 21/05/2015 à 11:24
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Raisonnement simpliste et non argumenté. C'est des amis (et des avis) comme vous dont on se passerait bien !

le 21/05/2015 à 11:30
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Et dites nous, avec votre immense lucidité, quel engagement financier la Grece n'a elle pas honoré jusqu'a présent ?

le 21/05/2015 à 16:54
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Sans nier les problèmes de clientélisme, de structure et de bureaucratie qui ont conduit la Grèce à cette situation de crise, ses "amis" (comme vous les appelez), par leurs exigences stupides, punitives et inefficaces, l'ont plongée dans une dépressi...

le 21/05/2015 à 18:39
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"l'ont plongée dans une dépression économique équivalente à celle des années 30" Le PIB grec est passé de 136 milliards de dollars en 2001 a 354 milliards en 2008 ! Quasiment fois 3. Retour a 242 milliards en 2013. Sur la tendance en ligne avec...

le 22/05/2015 à 8:48
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"Les grecs ont largement (sur)profité de l'Europe et de l'euro pendans la 1ere partie des années 2000" : il me semblait que c'était le but meme de l'Europe, homogénéiser les économies de ses differents pays ? Les Grecs sont les seuls dont le PIB / ha...

à écrit le 21/05/2015 à 9:07
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''L'austérité n'est pas un fondement de la démocratie européenne et de l'Union européenne.'' Oui, et depenser pendant des annees des Mlds d'euros pour laisser a la future generation qui n'avait pas le droit de vote quand cela se s'est fait est comple...

le 21/05/2015 à 9:30
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Décidément la gauche française et grecque ont plein de points en commun : déplacer habilement le débat du terrain économique (sur lequel les socialo ont du mal) vers le terrain moralo/intello ; discours assez fumeux. Objectif : noyer le poisson e...

le 21/05/2015 à 10:01
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Considérez le rôle des prêteurs (qui ont aussi aidé à maquiller les comptes pour pouvoir prêter plus), cela éclairera votre lanterne. Au passage, vous ne seriez pas Pappy Boomers, responsables de laisser à vos enfants et petits enfant une dette par h...

le 21/05/2015 à 10:13
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Considérez le rôle des prêteurs (qui ont aussi aidé à maquiller les comptes pour pouvoir prêter plus), cela éclairera votre lanterne. Au passage, vous devriez considérer la dette laissée aux générations futures en France, vos enfants, une dette par h...

le 21/05/2015 à 10:28
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cher Xtof69! désolé, j'ai rien compris..

le 21/05/2015 à 11:29
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C'etait pourtant relativement clair. Regardez la poutre dans votre oeil plutôt que la paille dans l'oeil du voisin !

à écrit le 21/05/2015 à 9:03
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le titre dit tout! les grecs veulent porter le debat sur la morale et la culpabilisation d'autrui, au lieu de resoudre leur gravissime probleme en se prenant en main, en arretant les discours, et en passant aux actes ( au passage vouloir relever la...

à écrit le 21/05/2015 à 8:58
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Dignité et Grèce , cela ne va pourtant pas ensemble ...

le 21/05/2015 à 11:26
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C'est sur qu'un gouvernement qui se couche devant l'allemagne et ruine son économie, brade ses entreprises et ses biens publics, plonge son peuple dans la misère, c'est totalement indigne. Mais heureusement, tout ça c'est fini depuis 3 mois :)

le 21/05/2015 à 16:55
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Ca marche aussi avec les mots Enjoy et Intelligence.

à écrit le 21/05/2015 à 8:51
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Il n'y a aucune dignité à vouloir vivre sur le dos des autres européens !

le 21/05/2015 à 9:06
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Votre analyse fouillée et peu réductrice est très intéressante

le 21/05/2015 à 9:41
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L'Europe a précipité l'entrée de la Grèce dans l'union en promettant que cela lui permettrait de vite rattraper sont retard. Hors la "crise" de la spéculation internationale a plombé toutes les promesses, qui ce sont transformées en cauchemar. L'Euro...

le 21/05/2015 à 10:09
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La proie ne sait même pas qui vit sur son dos...

le 22/05/2015 à 11:20
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"Il n'y a aucune dignité à vouloir vivre sur le dos des autres européens": c'est pourtant bien les autres europeens qui on vecu apres 2010 sur le dos des contribuables Grecs, qui ont ete appeles a sauver les systemes financiers Francais et Allemand. ...

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