Le Pacte sur les migrations déchire le gouvernement belge

Par Manon Flausch, Euractiv  |   |  855  mots
Avec le départ de la N-VA, poids lourd de la coalition belge, Charles Michel, un libéral, prend la tête d'un gouvernement de centre droit sans majorité au parlement, à cinq mois des prochaines élections législatives prévues fin mai. (Photo : le Premier ministre belge vient d'achever sa conférence de presse, samedi 8 décembre 2018.) (Crédits : Reuters)
Le Premier ministre belge a pris la tête d’un gouvernement minoritaire, après la démission des ministres nationalistes flamands de la coalition gouvernementale, en raison d’une divergence profonde sur le Pacte de l’ONU sur les migrations. Un article de notre partenaire Euractiv.

Le 8 décembre, un conseil des ministres spécial sur le Pacte de l'ONU sur les migrations, qui divisait la coalition gouvernementale, a été convoqué à Bruxelles. Il ne durera pas longtemps : après une quarantaine de minutes, les ministres issus du parti flamand nationaliste de l'Alliance néoflamande (N-VA) claquent la porte.

Pendant quelques heures, le flou a régné, malgré la déclaration de Charles Michel, qui a « constaté » que la N-VA avait « quitté la majorité ». Dimanche matin, l'ex-ministre de l'Intérieur Jan Jambon, N-VA, avait confirmé sur la RTBF que lui-même et les autres ministres de son parti allaient démissionner.

Ces démissions ont été « acceptées » par le roi des Belges à l'issue d'une rencontre avec Charles Michel, le Premier ministre, venu lui présenter le nom des ministres qui héritent des portefeuilles vacants (Intérieur, mais aussi Finances, Défense et Migration).

« Je regrette qu'on en soit arrivé là », a déclaré le Premier ministre sur la télévision RTL-TVI.

Avec le départ de la N-VA, poids lourd de la coalition belge, Charles Michel, un libéral, prend la tête d'un gouvernement de centre droit sans majorité au parlement, à cinq mois des prochaines élections législatives prévues fin mai.

« C'est une coalition responsable [...] qui se met en place », a-t-il promis, appelant au « dialogue avec le parlement » car des élections anticipées « risqueraient bien de bloquer le pays pendant un an ».

Il a fixé en conférence de presse ses trois priorités: le pouvoir d'achat, la sécurité et la politique climatique - sur laquelle il dit répondre à un « appel fort » des citoyens.

« C'est le chaos »

Le gouvernement a souvent tangué depuis quatre ans en raison des prises de positions jugées radicales de la N-VA sur la migration.

L'actuelle ministre de la Santé, Maggie De Block, qui hérite de ce portefeuille jusqu'alors détenu par Theo Francken, a promis de défendre « une politique à nouveau stricte, mais juste ». « Je récupère aujourd'hui un département en crise. C'est le chaos », a-t-elle souligné dans un communiqué.

Si les associations d'aide aux migrants restent sur leurs gardes : Maggie De Block a occupé ce poste avant Theo Francken, et elle n'est « pas forcément plus tendre », selon Mehdi Kassou, porte-parole de la Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés.

À l'appel des associations, la nouvelle ministre a déjà évoqué l'idée de supprimer une des dernières mesures de son prédécesseur, selon laquelle l'Office des étrangers n'enregistrait plus que 50 à 60 demandes d'asile par jour. Une décision « peut-être prématurée », mais vue comme « un bon signe ».

Ultimatum

Après le conseil des ministres, le président de la N-VA, Bart De Wever, avait lancé un ultimatum à Charles Michel, laissant entendre que son parti s'en irait si ce dernier s'envolait pour Marrakech dimanche afin d'approuver le Pacte de l'ONU sur les migrations.

« Je prends [...] acte ce soir que la N-VA quitte la majorité », lui avait répondu celui-ci, répétant sa ferme intention de représenter la Belgique au Maroc comme « chef de gouvernement ».

« Sur ce sujet, il y a une différence profonde », a-t-il encore insisté le lendemain. Selon lui, ce Pacte est « important » car « aucun pays ne peut résoudre cette question seul ».

La N-VA était le seul des quatre partis de la coalition opposé à ce texte onusien, qui doit être approuvé les 10 et 11 décembre au Maroc par les pays de l'ONU, avant d'être ratifié lors d'un vote au siège des Nations Unies à New York le 19 décembre.

Le pacte avait initialement fait l'objet d'un consensus gouvernemental, avant que la N-VA ne change d'avis fin octobre.

« Pacte avec le diable »

La crise belge, latente depuis plusieurs semaines, a éclaté le 4 décembre, quand le Premier ministre a annoncé son intention de se tourner vers le parlement, faute d'unanimité au sein de son gouvernement.

Une large majorité droite/gauche s'est dégagée deux jours plus tard en plénière à la Chambre en faveur du gouvernement, isolant la N-VA au côté du parti d'extrême droite Vlaams Belang.

Ce parti anti-immigration a d'ailleurs tenu un meeting à Bruxelles avec Marine Le Pen, cheffe de l'extrême droite française, et Steve Bannon, ex-conseiller de Donald Trump, pour dénoncer ce Pacte, brandi comme épouvantail par les populistes dans l'UE à l'approche des élections européennes en mai prochain.

« Le pays qui signera ce pacte [...] signera un pacte avec le diable », avait affirmé la dirigeante française.

Non contraignant, le Pacte de l'ONU recense des principes et une vingtaine de propositions pour aider les pays à faire face aux migrations.

Les États-Unis s'étaient retirés de son élaboration en décembre dernier. Depuis, l'Italie, l'Autriche, la Bulgarie, la Hongrie, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, l'Estonie, la Lettonie, la Suisse, l'Australie, Israël et la République dominicaine ont décidé de ne pas se rendre à Marrakech.

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Par Manon Flausch, Euractiv.fr

(Article publié le lundi 10 décembre à 11:28)

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