Prise de participation du chinois Cosco dans le port de Hambourg : un compromis trouvé « pour éviter le pire »

Par latribune.fr  |   |  742  mots
Hambourg est actuellement le premier port commercial d'Allemagne et le troisième en Europe derrière Rotterdam et Anvers. (Crédits : Reuters)
Le chancelier allemand, Olaf Scholz, envisage de ceder 35% de l'exploitation d'un terminal du port d'Hambourg à l'armateur chinois, Cosco. Un projet qui a suscité une levée de boucliers dans les rangs de l'opposition comme au sein de la coalition, parmi les ministres ainsi qu'auprès de la Commission européenne. Si bien que, ce mardi, une source gouvernementale a annoncé un compromis abaissant la participation chinoise à 24,9%.

Nouvel épisode dans l'affaire du port de Hambourg qui crée la polémique en Allemagne depuis une semaine à cause d'un projet de cession de l'exploitation d'un terminal de ce port situé au nord de l'Allemagne au groupe Cosco, premier armateur chinois.

Depuis la révélation par des médias allemands de cette ambition du chancelier, Olaf Scholz, ce dernier, ancien maire de Hambourg, est la cible de nombreuses critiques, même au sein de sa coalition. Concrètement, il s'agit de finaliser l'accord conclu il y a un an entre l'opérateur du port de Hambourg (HHLA) et l'armateur Cosco sur une prise de participation de 35% dans l'exploitation du terminal à conteneurs Tollerort (CTT). Si le gouvernement ne s'oppose pas à cette opération d'ici à fin octobre, la décision sera avalisée.

Large opposition même dans la coalition

Or, six ministères fédéraux - Economie, Intérieur, Défense, Finances, Transports et Affaires étrangères - ont donné un avis défavorable à cette cession, de même que les services de renseignements et de contre-espionnage se seraient, eux aussi, montrés réticents à accepter la vente d'une infrastructure jugée critique, selon les chaînes NDR et WDR qui ont révélé l'affaire.

Dans les rangs de la coalition, Omid Nouripour, le co-dirigeant des Verts, a estimé que cette cession « est bon ni pour notre économie, ni pour notre sécurité » et il a mis en garde contre la « répétition d'une erreur » déjà commise selon lui avec la Russie, qui avait acquis des réservoirs de gaz allemands. La cheffe de la diplomatie, l'écologiste Annalena Baerbock, très critique à l'égard de Pékin et Moscou, avait déjà mis en garde contre un tel projet, tout comme le ministre de l'Economie Robert Habeck.

La Chine « aurait une influence sur tous les grands ports européens et pourrait les monter les uns contre les autres », a de son côté réagi Johannes Vogel, vice-président du parti libéral FDP, dans un message retweeté par le ministre des Finances, Christian Lindner.

Même tonalité dans les rangs de l'opposition. « L'intention du chancelier de donner à la Chine une influence considérable sur cette infrastructure via l'entreprise publique Cosco serait une erreur stratégique », a fustigé sur Twitter le chrétien-démocrate Norbert Röttgen, chargé des relations internationales au sein de la CDU.

De 35% à 24,9% de participation

En dépit de ces mises en garde, M. Scholz insisterait « pour que l'acquisition se fasse malgré tout", affirment les deux médias. Mais, ce mardi, une source gouvernementale a indiqué que Berlin envisageait de réduire la participation chinoise à 24,9%, contre 35% initialement. Les ministères concernés « considèrent une limitation à 24,9% (de la participation, ndlr) comme une ''solution d'urgence'' pour éviter le pire, à savoir que Cosco obtienne, comme prévu initialement, une part de 35% » dans l'exploitation d'un terminal du port de Hambourg, a déclaré cette source, selon laquelle « la bonne solution » serait « une interdiction totale » de la cession. Limiter à 24,9% la cession permettrait de passer « d'une participation stratégique », avec minorité de blocage, à « une simple participation financière », note la source.

Un compromis lié au refus d'Olaf Scholz de bloquer cette transaction dont il justifie la nécessité par la crainte qu'Hambourg souffre d'un désavantage concurrentiel face à d'autres ports comme ceux d'Anvers en Belgique et de Rotterdam aux Pays-Bas qui ont noué des accords avec la Chine par le passé. Hambourg est actuellement le premier port commercial d'Allemagne et le troisième en Europe derrière Rotterdam et Anvers. Vendredi dernier, le chancelier a ainsi souligné que des prises de participation chinoises « existaient déjà dans d'autres ports d'Europe de l'Ouest ». Mais, « rien n'est décidé » et « de nombreuses questions restent à éclaircir », a-t-il assuré.

Avis défavorable de la Commission européenne

D'autant qu'il doit également affronter l'opposition de la Commission européenne qui a adressé une mise en garde à l'Allemagne, révélée samedi dernier. Selon une source proche du dossier à l'AFP, l'exécutif européen, saisi du dossier, a rendu un avis négatif au printemps, estimant que des informations sensibles sur l'activité portuaire pourraient être transmises à la Chine. L'UE accorde, en effet, une plus grande importance à la protection des infrastructures critiques depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie. L'avis de la Commission est toutefois simplement consultatif, la décision finale restant entre les mains du gouvernement fédéral allemand.

(Avec AFP)