Jackpot pour les grands patrons

Par Christine Lejoux  |   |  703  mots
Avec un pactole de 10,7 millions d'euros, Jean-Paul Agon, le patron de L'Oréal, figure en tête du classement devant Bernard Arnault et Carlos Ghosn (ex aequo avec 9,7 millions d'euros). Photo : Reuters
Après trois années de baisse, les rémunérations des patrons du CAC 40 ont rebondi de 34% en 2011 selon le cabinet de conseil Proxinvest. Revenu moyen : 4,11 millions d'euros

Voilà qui ne va pas réconcilier l'opinion publique avec les grands patrons français. Après trois années de baisse, les rémunérations (salaire fixe et bonus) des dirigeants ont repris le chemin de la hausse, et ce, de façon « spectaculaire », selon un rapport publié mardi par la société de conseil aux actionnaires Proxinvest. Les patrons du CAC 40 ont en effet perçu en 2011, au titre de l'exercice 2010, une rémunération moyenne de 4,11 millions d'euros. Soit un bond de 34% par rapport à l'année précédente.


Source : Proxinvest.
 

Bernard Arnault et Carlos Ghosn ex aequo

Dans le trio de tête des patrons les mieux payés de France figure en première place Jean-Paul Agon, avec un pactole de 10,7 millions d'euros. Derrière le big boss de L'Oréal pointent ex æquo, Bernard Arnault et Carlos Ghosn. Le patron de LVMH et celui de Renault ont touché chacun 9,7 millions d'euros, au titre de 2010. Au total, une dizaine de dirigeants ont dépassé le plafond de 240 SMIC jugé « socialement acceptable » par Proxinvest. Outre messieurs Agon, Arnault et Ghosn, on retrouve dans cette liste Bernard Charlès (Dassault Systèmes, 9,5 millions d'euros), Franck Riboud (Danone, 7,7 millions), Maurice Levy (Publicis, 6,2 millions), Christophe Viehbacher (Sanofi-Aventis, 6,1 millions), Arnaud Lagardère (4,9 millions), Henri de Castries (Axa, 4,9 millions) et Lars Olofsson (Carrefour, 4,8 millions). Le revenu de ce dernier, qui quittera la présidence du distributeur en juin en raison de résultats médiocres, déclenche les foudres de Pierre-Henri Leroy, président de Proxinvest, qui n'hésite pas à parler de « rémunération de l'échec. »

Les "petits" patrons gagnent huit fois moins que leurs homologues du CAC 40

Ces montants sont par ailleurs sans commune mesure avec les émoluments des dirigeants de sociétés moyennes : les valeurs composant l'ancien indice SBF 250 ont vu la rémunération moyenne de leur patron diminuer de 17%, au titre de 2010, à 511.000 euros en moyenne. Un montant huit fois moindre que celui du CAC 40. « Les sociétés de taille moyenne recourent peu aux options et autres rémunérations basées sur la performance », explique Proxinvest.

Le million d'euros de bonus devient la norme

En effet, les bonus, censés récompenser les performances à court terme, ne représentent pas moins du tiers des rémunérations totales des dirigeants du CAC 40. Ils se sont envolés de 35%, au titre de l'exercice 2010, à 1,37 million d'euros en moyenne. « Le million d'euros de bonus devient la norme, au sein du CAC 40 », constate Proxinvest. « Certes, les résultats 2010 avaient été plutôt bons. On comprend donc que les bonus aient augmenté. Mais, de 35%, tout de même... », s'étonne le cabinet de conseil. Et de pointer du doigt les bonus d'Henri de Castries et de Martin Bouygues. Le patron d'Axa a reçu deux millions d'euros de rémunération variable « malgré la baisse du résultat opérationnel » de l'assureur, s'indigne Proxinvest, et le président de Bouygues a continué à toucher un bonus maximal (soit 150 % de son salaire fixe), en dépit du plongeon de 19% du bénéfice net du groupe de BTP.

Les rémunérations fixes... augmentent

« Il faudrait réduire sensiblement la part des bonus dans les rémunérations pour augmenter celles des options et des actions, qui sont des incitations à long terme », estime Proxinvest. Qui s'insurge également contre la hausse de 6% des rémunérations... fixes. Le cabinet de conseil milite donc en faveur d'un vote des actionnaires sur la rémunération des dirigeants, à l'image du « Say on pay » qui existe au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Belgique ou bien encore en Allemagne. Pour l'heure, les actionnaires des groupes français n'ont leur mot à dire que sur les indemnités de départ, les régimes de retraite et les enveloppes d'options et d'actions gratuites.
Maigre consolation pour les salariés et les actionnaires, si les grands patrons français gagnent mieux leur vie que leurs homologues néerlandais et belges, ils sont en revanche moins bien rémunérés que leurs confrères italiens, espagnols, allemands et, surtout, britanniques. La rémunération moyenne des grands chefs d'entreprise outre-Manche dépasse les 6 millions d'euros, d'après l'ECGS (Expert Corporate Governance Service).