Icahn, Loeb… Les banques d’affaires disent merci aux investisseurs activistes

Les investisseurs activistes Carl Icahn et Daniel Loeb font respectivement pression sur eBay et sur Dow Chemical pour que les deux groupes cèdent des actifs. Une aubaine pour les banques spécialisées dans le conseil en fusions et acquisitions.
Christine Lejoux
Le nombre de sociétés américaines prises pour cibles par des fonds activistes a bondi de 10%, en 2013, selon Hedge Fund Solutions. REUTERS.

Les investisseurs activistes continuent à faire parler d'eux, aux États-Unis. A commencer par leur représentant le plus célèbre, le financier américain Carl Icahn. Ce dernier vient de s'inviter dans le capital d'eBay, afin de faire pression sur le groupe de commerce en ligne pour que celui-ci scinde son système de paiements électroniques Paypal du reste de son activité.

Une scission qui permettrait de mieux valoriser en Bourse chacune des deux entités, estime Carl Icahn, dont les vues ne sont nullement partagées par le management d'eBay. Un jour plus tôt, c'est le fonds activiste Third Point, dirigé par Daniel Loeb, qui avait fait irruption au sein de l'actionnariat de Dow Chemical. Dans le but, là encore, de convaincre le groupe de céder son activité de pétrochimie, en vue de "générer davantage de valeur" sur le plan boursier.

 Le nombre de sociétés prises pour cibles par des fonds activistes a bondi de 10%

 C'est dire si 2014 s'annonce comme une nouvelle année dynamique sur le front de l'activisme actionnarial, outre-Atlantique, après un crû 2013 qui a déjà vu le nombre de sociétés prises pour cibles par ces investisseurs-frondeurs bondir de 10%, à 356, selon le cabinet Hedge Fund Solutions. Et ce, pour le plus grand bonheur des banques spécialisées dans le conseil en fusions et acquisitions. En effet, les investisseurs activistes sont à l'origine d'un nombre croissant de M&A (mergers and acquisitions) : l'an dernier, FactSet SharkWatch a recensé 10 cas de sociétés américaines ayant cédé des actifs sous la pression de fonds activistes, contre 3 seulement il y a cinq ans.

 Il s'agit là du nombre le plus élevé jamais enregistré par le cabinet depuis qu'il a commencé à collecter ces données, en 2009. Ce n'est certes pas le Pérou mais néanmoins une bonne nouvelle pour les banques-conseils, dans le contexte d'un marché des M&A qui a encore chuté de 19% en volume aux Etats-Unis, en 2013, selon les statistiques de Dealogic.

 L'activisme actionnarial, à l'origine d'une nouvelle activité pour les banques d'affaires

 L'activisme actionnarial n'apporte pas seulement un volume de « deals » supplémentaire aux banques d'affaires. Analyse de la valorisation boursière de la société, passage en revue de ses filiales les moins performantes, étude du coût d'une scission, comparé à celui d'une bataille avec un fonds activiste… Ces toutes dernières années, la plupart des grandes banques d'investissement américaines ont développé une nouvelle activité, consistant à conseiller les groupes aux prises avec un actionnaire activiste ou, mieux, à les aider à limiter leur risque de voir un jour un fonds activiste toquer à leur porte.

Deutsche Bank a ainsi développé une méthode "d'évaluation de vulnérabilité", Barclays a élaboré une technique permettant de repérer les entreprises les plus à risque sur le plan de l'activisme actionnarial, et Credit Suisse, pour se renforcer dans ce domaine, a débauché un ancien responsable d'Institutional Shareholder Services (ISS), le grand spécialiste du conseil aux investisseurs.

 Si toutes les banques d'affaires se lancent dans le conseil en activisme actionnarial, des plus grandes aux plus petites, ces dernières ont en revanche souvent pour spécificité d'être sur les deux fronts. C'est-à-dire de conseiller - pas en même temps, évidemment - aussi bien des investisseurs activistes que des entreprises. L'an dernier, la "boutique" Houlihan Lokey a ainsi épaulé le fonds Barington Capital dans sa bataille contre le groupe de restauration Darden Restaurants, et sa rivale Moelis a conseillé le fonds Eminence dans le dossier Men's Wearhouse.

 Les hedge funds activistes ont dégagé un rendement de 16,5% en 2013

 Nul doute que l'activisme actionnarial représentera encore longtemps un relais de croissance pour les banques d'affaires, tant la stratégie de ces investisseurs très spéciaux fonctionne bien. En 2013, les "hedge funds" (fonds d'investissement spéculatifs) activistes ont dégagé un rendement moyen de 16,5%. Non seulement cette performance est encore meilleure que celle de 2012 (+15%), mais elle est également plus de deux fois supérieure à la moyenne de 7% dégagée par l'ensemble des hedge funds, tous styles de gestion confondus.

 Résultat, les fonds activistes disposaient au 30 septembre 2013 de 89 milliards de dollars d'actifs sous gestion, un montant en hausse de près de 35% par rapport à l'ensemble de l'année 2012. De quoi partir à l'assaut de nombre de nouvelles entreprises. Et pourquoi pas en Europe, où l'activisme actionnarial a dix ans de retard par rapport aux Etats-Unis, selon Bill Ackman, l'un de ces fameux "raiders."

Christine Lejoux

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