Et si la crise d’Espirito Santo était… une bonne nouvelle pour l’Europe financière ?

Plusieurs analystes estiment que les déboires de Banco Espirito Santo (BES) ne présentent pas de caractère systémique. Selon eux, la première banque privée du Portugal peut se tirer d’affaire sans l’aide de l’Etat, comme cela devra être le cas dans le cadre de la future union bancaire européenne.
Christine Lejoux
Banco Espirito Santo s'apprêterait à procéder à une augmentation de capital de 2 milliards d'euros au moins, d'après le journal Diario Economico. REUTERS.

Il y a une semaine tout juste, le 10 juillet, les difficultés financières d'Espirito Santo Financial Group (ESFG) - premier actionnaire de Banco Espirito Santo (BES) - faisaient plonger le cours de Bourse de la première banque privée du Portugal. Ainsi que la Bourse de Lisbonne tout entière et les autres places financières européennes, les investisseurs redoutant de revivre le cauchemar de la crise de la zone euro de 2011, quand les difficultés des banques se propageaient aux Etats et vice-versa.

Il faut dire que l'union bancaire européenne, qui vise précisément à briser le cercle vicieux entre risque bancaire et risque souverain, n'est pas encore entrée en vigueur et, qu'en attendant, il incombe toujours aux Etats de gérer les déboires de leurs banques. Pas étonnant, donc, que le taux à 10 ans du Portugal sur le marché obligataire se soit fortement tendu le 10 juillet, à près de 4%.

Le Portugal a levé sans problème 1,25 milliards d'euros de dette

Mais l'Europe doit-elle réellement craindre un retour de la crise des dettes bancaires et souveraines ? Ce n'est pas l'avis de Fabrice Asvazadourian, "senior partner" au sein du cabinet Roland Berger, qui présentait une étude sur l'industrie bancaire européenne, jeudi 17 juillet : "Le marché réagit peu, par rapport à ce qu'aurait été sa réaction en 2011, et cela reste très concentré (sur le Portugal)." De fait, alors que le cours de BES et la Bourse de Lisbonne ont respectivement décroché de 30% et de près de 3% en l'espace d'une semaine, l'indice Dow Jones Stoxx 50 - qui regroupe les 50 premières capitalisations boursières européennes - a, lui, progressé de 0,50%.

Quant au taux à 10 ans du Portugal, il a nettement baissé depuis le 10 juillet, à 3,726% le 16 juillet, permettant ainsi au pays de lever sans problème le même jour 1,25 milliard d'euros de dette à six et douze mois. Et ce, bien que le feuilleton Espirito Santo connaisse un rebondissement chaque jour, avec, jeudi 17 juillet, un abaissement de deux crans de la note de solvabilité d'ESFG par l'agence d'évaluation financière Moody's, qui place ainsi le premier actionnaire de BES à un cran du défaut de paiement.

Des conséquences systémiques "limitées"

Des réactions de marchés mesurées qui, selon Fabrice Asvazadourian, "montrent que nous sommes bel et bien sortis de la crise de 2011." Et ce dernier d'enfoncer le clou :

"Cet événement est en réalité une bonne nouvelle, dans la mesure où il prouve que nous commençons à assister à un découplage entre risque bancaire et risque souverain."

Les analystes de Royal Bank of Scotland (RBS) sont plus catégoriques encore, qui ont intitulé leur note de recherche du 16 juillet "Buy banks, buy Portugal" (achetez le secteur bancaire, achetez le Portugal). "L'histoire BES est spécifique au groupe Espirito Santo, elle n'a pas de portée systémique, tant pour le Portugal que pour d'autres pays périphériques (de l'Europe)", estiment les experts de RBS.

L'Etat portugais dispose de 15 milliards d'euros de cash

Une opinion partagée par leurs confrères de Barclays, qui, dans une note publiée le 11 juillet, considèrent que le dossier BES n'aura que "des implications systémiques limitées sur le Portugal et sur le reste de la périphérie de l'Europe." Un écho aux propos de Moody's, qui juge que les difficultés du principal actionnaire de BES "ne devraient pas avoir d'impact significatif sur les fondamentaux macroéconomiques du Portugal et sur la solvabilité du pays."

Si les analystes se montrent aussi sereins, c'est parce que BES a chiffré à 1,5 milliard d'euros son exposition aux holdings en difficulté du groupe Espirito Santo, une somme que l'Etat portugais, en cas de besoin, pourrait apporter à la banque sans alourdir une dette publique qui se monte déjà à 130% du PIB (produit intérieur brut), selon Moody's. En effet, le Portugal dispose d'au moins 15 milliards d'euros de cash, un montant qui comprend d'ailleurs un reliquat de 6,4 milliards sur la somme qui avait été budgétée durant la crise de la zone euro pour voler au secours du secteur bancaire.

Vers une augmentation de capital de 2 milliards d'euros?

Mais, qu'il s'agisse des analystes de Moody's ou de ceux de RBS, aucun ne pense que le Portugal devra injecter de l'argent public dans BES. Cette dernière a en effet procédé à une augmentation de capital de 1 milliard d'euros il y a quelques semaines, et sa nouvelle équipe dirigeante - emmenée par Vitor Bento, un ancien de la Banque du Portugal - s'apprêterait à renouveler l'opération, pour un montant de l'ordre de 2 milliards cette fois, selon le journal Diario Economico.

Après quoi la banque, même après les pertes potentielles sur son exposition de 1,5 milliard d'euros au groupe Espirito Santo, affichera un ratio de solvabilité supérieur au minimum de 8% exigé par la réglementation de Bâle III, affirme RBS. La ministre portugaise des Finances, Maria Luis Albuquerque, a confirmé jeudi 17 juillet qu'une éventuelle intervention de l'Etat en faveur de la banque n'était envisageable qu'en dernier ressort. "L'intervention publique est toujours un scénario d'ultime recours", a-t-elle déclaré lors d'une audition au Parlement.

"Il n'y a en ce moment aucun élément qui amène le gouvernement à envisager une recapitalisation de la BES et nous n'avons aucune raison de penser qu'elle sera nécessaire",

a insisté la ministre des Finances.

Aussi l'histoire BES permettra -t-elle de savoir si, comme cela devra être le cas dans le cadre de la future union bancaire européenne, "les banques peuvent se sortir elles-mêmes de leurs problèmes", juge dans un entretien à La Tribune Guntram B. Wolff, directeur de l'institut Bruegel. Qui estime donc que la découverte de l'affaire Espirito Santo est donc "plus positive que négative."

Christine Lejoux

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Commentaires 6
à écrit le 18/07/2014 à 14:13
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Enfin la vérité car si cette banque n'affichait pas la transparence c'est que tout allait pour le mieux du monde. la presse n'enquête plus elle joue à répercuter les bonnes paroles de ceux qui n'avaient même pas anticiper la crise

à écrit le 18/07/2014 à 14:13
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Enfin la vérité car si cette banque n'affichait pas la transparence c'est que tout allait pour le mieux du monde. la presse n'enquête plus elle joue à répercuter les bonnes paroles de ceux qui n'avaient même pas anticiper la crise

à écrit le 18/07/2014 à 8:32
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Tout est positif...donc dormez tranquillement on s occupe de tout...meme de vous pillez...

le 18/07/2014 à 19:02
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Amen

à écrit le 17/07/2014 à 23:29
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Le ton rassurant de cet article ..., rassure ! Cela me parait irresponsable à la vue de la crise des dernières années et le peu de recul que ce qui se passe avec cette banque. D'un autre côté, avec la météo actuelle, on est plus attiré par ce qui ras...

à écrit le 17/07/2014 à 23:02
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La Banque Espírito Santo n'est pas la première banque privé du Portugal. La première est la BCP qui appartient au groupe français BPCE. Cependant la banque qui brasse de plus et de loin est la banque publique Caixa Geral de Depósitos.

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