Quand Athènes gouverne l'Europe

Par Florence Autret  |   |  653  mots
Florence Autret, correspondante à Bruxelles / DR
Une devinette pour finir la semaine : quel est le dernier endroit à Bruxelles dans lequel flotte une vague odeur de tabac ? L'arrière-salle d'un café des Marolles ? Un fond de couloir de la gare du Midi ? Vous n'y êtes pas du tout.

Pour ce qui est de la guerre anti-tabac, la Belgique est très à cheval. Non, le dernier lieu où vous éprouverez l'impression de repasser à côté d'un bon gros cendrier, comme il en trônait peut-être dans le salon de vos parents, jadis, au XXe siècle, c'est... l'ascenseur de la représentation permanente de la Grèce auprès de l'Union européenne.

Le pays, qui va prendre, le 1er janvier, la présidence du Conseil des ministres, ne fait rien comme les autres. Les murs un peu ternis de la chancellerie grecque et le dénuement de son décor, qui ne cherche pas à masquer la froideur bureaucratique, lui donnent un petit parfum des années 1960.

Cet air désuet est encore relevé par la proximité avec l'ambassade allemande, dont l'architecture moderne resplendit, juste en face. Du bas de la rue de Lalaing, on peut voir les deux hampes des deux drapeaux pointant l'une vers l'autre, comme deux soldats au repos se toisant, chacun enroulé dans ses couleurs.

Pas facile de porter la responsabilité de la présidence quand on est encore le pays le plus fragile de la zone euro, ce trou sans fonds où ont été déversés depuis 2010 plus de 200 milliards d'euros, pour l'essentiel ponctionnés sur le contribuable européen et qui ne seront, pour partie, vraisemblablement jamais remboursés.

« Je ne pense pas que la crise en Grèce va poser problème. Nous ferons notre travail ici », dit-on dans la représentation grecque.

Le clou de l'agenda de ce premier semestre 2014 sera l'achèvement des négociations du mécanisme intégré de résolution des banques où l'Allemagne fait de la résistance. On imagine avec peine le ministre des Finances grec, Giannis Stournaras, le même qui depuis des mois doit faire face à l'impatience de ses homologues face aux lenteurs des réformes administratives dans son pays, tenir tête à son collègue allemand.

Pourtant, il le faudra bien. Les diplomates grecs ont, il est vrai, le sens de la métaphore ; il faut dire que l'histoire de leur pays est une source d'inspiration inépuisable. Lors d'un récent briefing, l'un d'entre eux a eu ce mot :

« Athènes ne sait pas gérer son budget, mais a été le berceau de la démocratie. Sparte tenait ses finances, mais ne savait pas se gouverner. Nous présiderons avec un budget spartiate et les valeurs athéniennes. »

Tout un programme

Et en effet, il serait malvenu d'ignorer les priorités qu'Athènes entend défendre. À commencer par l'immigration.

La Grèce, qui est en première ligne face à la pression du Sud, aimerait ramener ses riches voisins du Nord à un peu plus de solidarité. « Les pays qui ne sont pas sous pression devraient comprendre que le partage de la charge [de l'immigration] est un vrai problème »,

plaide un diplomate qui regrette le « sauve qui peut » général, y compris quand il s'agit de faire accepter le principe d'une facilitation des visas que la Turquie lui demande en contrepartie d'un accord de réadmission des immigrés clandestins.

Ici, tout le monde fait le dos rond, rappelant que c'est tout de même la cinquième fois depuis son adhésion qu'Athènes assume la présidence. Les fois précédentes n'ont pas forcément laissé de traces indélébiles, sinon le très byzantin « compromis de Ioannina », scellé dans la capitale de l'Épire, une règle de vote au Conseil des ministres d'une complexité à décourager les plus enthousiastes amateurs d'ingénierie institutionnelle. Mais ces présidences sont passées.

Et il en ira de même pour celle-là. Si vous cherchez toutefois à en connaître l'agenda précis, il se pourrait que vous deviez faire preuve de patience. Depuis plusieurs semaines, son site officiel est la cible d'attaques de hackers répétées...