La complémentaire santé pour tous affole les assureurs

La perspective de la complémentaire santé obligatoire dans toutes les entreprises, le premier janvier, avive la concurrence sur ce segment de marché. Dans des proportions inattendues par les assureurs: la bataille sur les prix est encore plus rude que prévu, avec de véritables pratiques de dumping
Ivan Best
Crédit Agricole, comme les autres bancassureurs, se montre particulièrement agressif sur le marché de la complémentaire santé collective

« Ils sont devenus fous » : c'est en substance ce qu'affirment nombre d'intervenants sur le marché de l'assurance complémentaire santé, à l'approche du premier janvier 2016. A cette date, toutes les entreprises, jusqu'à la plus petite TPE, auront l'obligation d'offrir une « mutuelle » santé à leurs salariés. Or on estime à quatre millions le nombre de salariés qui n'en disposent pas actuellement. Le marché est donc considérable.

Une concurrence effrénée

Et les assureurs qui y sont positionnés de longue date, s'ils s'attendaient à une situation concurrentielle, face à ce basculement de l'assurance individuelle vers la collective, n'avaient pas anticipé la concurrence effrénée qui se développe actuellement. «Le marché s'avère beaucoup plus concurrentiel qu'imaginé» avec un nombre croissant d'acteurs, a ainsi pu constater récemment Carles Relecom, président de Swiss Life France, à l'occasion d'une rencontre avec la presse. Et de citer mezzo vocce les bancassureurs (BNP, Crédit Agricole, Société Générale...) qui se lancent à fond sur ce dossier. Certains acteurs n'hésitent pas à se positionner largement en-dessous d'un «tarif cohérent» qui se situe plutôt entre 20 euros et 25 euros par mois et par salarié pour le contrat socle, estime Charles Relecom.

La guerre des prix

Et encore, il s'agit des prix affichés. Off, les responsables des branches santé des assureurs français soulignent l'écart entre les prix demandés officiellement par leurs concurrents, et les rabais que ces derniers consentent pour l'emporter. L'un d'entre eux cite le cas du Crédit agricole, « qu'il n'a jamais vu aussi agressif ». Et d'ajouter : « ils vont très très loin dans la guerre des prix ».
Des mutuelles, comme « M comme Mutuelle », vont jusqu'à proposer des contrats au coût limité à 7,13 euros par mois pour l'employeur (soit 14,26 euros en tout par salarié, puisque ce dernier assume 50% du coût), bien en dessous du tarif cohérent évoqué par Charles Relecom. L'objectif de ce véritable dumping ? Prendre ou conserver des parts de marché. Il s'agit de fait de ventes à perte, afin de s'arroger une partie du gâteau des 4 millions de salariés. Et tous les acteurs s'adonnent peu ou prou à ces pratiques. Ainsi, il se dit que Malakoff Medéric, pourtant bien implanté dans le domaine de la santé, n'a pas hésité, à casser les prix à l'occasion.

Les bancassureurs prennent pied sur le marché

Pour les bancassureurs, l'objectif est bien entendu de prendre pied sur un marché -l'assurance santé collective- qu'ils ignoraient complètement jusqu'alors. Ils entendent mettre à profit leur réseau particulièrement fourni, très proche des PME qu'il s'agit là « d'équiper ». Quand le Crédit Agricole vend de l'assurance dommage à ses clients professionnels, pourquoi ne pas leur proposer aussi la complémentaire santé ? Les responsables de la Société Générale avaient fait état dès le début de l'été de résultats très encourageants.
Le problème, c'est que les intervenants qui cassent les prix ne pourront maintenir sur le long terme. Certes, ils entendent se rattraper sur les garanties sur-complémentaires : en clair, le salarié est appelé à compléter le contrat offert par son employeur, mais à sa charge. Mais cela ne suffira pas.
Ces assureurs devront à terme réviser leurs tarifs à la hausse. De quoi mécontenter les patrons de PME qui devront subir, à l'avenir, des augmentations de prix conséquentes.

Ivan Best

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Commentaires 9
à écrit le 04/09/2015 à 19:03
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Cette mesure obligatoire votée par le gouvernement en 2013 a donné lieu à une augmentation surprise de mon Revenu sur l'Impôt. En effet, j'ai eu un courrier d'information de la part de mes RH m'informant que la part patronale (participation de l'empl...

à écrit le 03/09/2015 à 16:50
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Les banquiers procèdent toujours par gain de contrat à l'ouverture alors que les assureurs raisonnent toujours sur le plus long terme c'est pourquoi ces dossiers pris à perte reviendront dans l'escarcelle de ces derniers qui sont plus professionnels ...

à écrit le 03/09/2015 à 14:07
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La complémentaire obligatoire pour les salariés du privé au 1er janvier 2016 relève de l'arnaque de la part des pouvoirs publics avec la complicité des syndicats et du patronat : enfumage et malhonnêteté intellectuelle. Comme le salarié sera couver...

à écrit le 03/09/2015 à 13:18
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Ce qui me fait rire jaune, c'est qu'il ne faut pas oublier que M.Hollande a pris soin de rendre imposable la part patronale des mutuelles payées dans les entreprises. (le montant payé par votre patron est donc considéré comme un revenu taxable à l'IR...

le 03/09/2015 à 16:53
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Vous avez tout à fait raison c'est une bien belle manoeuvre du pouvoir PS et il faut aussi souligner qu'initialement ils voulaient réserver ce marché à leur copains les mutualistes...

à écrit le 03/09/2015 à 12:54
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Les assureurs comme leurs frères jumeaux, les banquiers, ont les mêmes techniques de gestion et ils s'uniformiseront au low cost de la même façon, la digitalisation universelle faisant le job . Le bluff de la concurrence ne prend plus ; les con-somm...

à écrit le 03/09/2015 à 12:52
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Une bonne mesure démagogique. La question n'est pas la gratuité mais la qualité. A Cuba tout le monde est couvert..... Pourtant, je n'oserais pas me faire soigner chez eux. Les hôpitaux français déclinent et 20% des médecins viennent de pays pauvres ...

le 05/09/2015 à 10:12
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Dommage pour vous car leur systeme de sante est de qualite...

à écrit le 03/09/2015 à 11:19
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Obligatoire pour tous, même pour les " au noir " du Garde des Sceaux ?

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