Attaqués par l’UFC, les sites de prêts aux PME ripostent

Pointés du doigt comme faisant partie d'un « secteur vérolé », les acteurs du crowdfunding conteste les critiques de l’association de défense des consommateurs sur ses rendements et sa transparence. L’association du secteur reconnaît toutefois la nécessité d’améliorer certaines mises en garde.
Delphine Cuny
Ce sont les plates-formes de prêts aux entreprises qui étaient visées par les critiques très acerbes de l'UFC-Que Choisir.

Article publié jeudi 2 mars à 15h15, mis à jour vendredi à 12h avec la réaction de l'ACPR.

Après l'attaque en règle de l'UFC-Que Choisir, la riposte. L'association professionnelle Financement participatif France (FPF), qui regroupe de nombreux acteurs du crowdfunding, a contesté point par point les griefs de l'association de défense des consommateurs contre certaines pratiques du secteur tout jeune du crowdlending, les sites de prêts aux entreprises. La FPF a souligné en effet que ce secteur est né d'une loi ouvrant une dérogation au monopole bancaire ayant créé le statut d'intermédiaire en financement participatif (IFP) : les premiers sites ont démarré leur activité en septembre 2014 et les prêts ont une durée moyenne de 39 mois. On manque encore de recul pour dresser un bilan.

« Nous éprouvons un sentiment un peu partagé à l'égard de cette étude. Nous sommes presque flattés que l'UFC s'intéresse à ce secteur, cela veut dire que cela touche le grand public. Mais l'étude comporte énormément d'erreurs de méthodologie et c'est un procès uniquement à charge, une accumulation d'affirmations partiales », a regretté Nicolas Lesur, le président du conseil d'administration de FBF, qui est également le fondateur de la plateforme Unilend, lors d'une conférence de presse.

Ne pas cacher les défauts sous le tapis

Les plates-formes ont été particulièrement piquées au vif sur deux points, qui constituent le cœur de leur argumentaire commercial : la transparence et le retour sur investissement attractif. Or l'UFC est allée jusqu'à parler d'un « secteur vérolé », critiquant des clauses abusives d'exonération de responsabilité, des risques et un taux de défaut minimisés, des rendements surestimés.

« Comparer la finance participative aux arnaques sur Internet est injurieux », fait valoir l'association FPF.

L'encadrement de ce jeune secteur est certes beaucoup plus léger que celui de produits d'épargne réglementés, mais il existe un cadre réglementaire bien défini et les plates-formes sont soumises au contrôle du régulateur, l'ACPR-Banque de France. Contactée par nos soins, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution insiste :

« Lors de nos contrôles, nous sommes attentifs à la qualité des informations délivrées aux prêteurs (rendement, taux de défaillances, etc) et au respect des modalités annoncées d'examen des dossiers des emprunteurs.

Des défauts existent, le statut des IFP est récent. Si des manquements persistants étaient constatés, les modes d'action de l'ACPR (mesures de police administrative, ouverture de procédures disciplinaires) pourraient être utilisés en conservant la proportionnalité de la mesure aux faits», explique une porte-parole.

En matière de transparence, les sites se prévalent de vrais efforts et d'améliorations continues. C'est le cas de Lendopolis (filiale de KissKissBankBank), qui se défend précisément de cacher la poussière sous le tapis.

« Après notre premier défaut, la société Inovip, nous avons tiré des leçons sur la présentation des projets, en ajoutant un volet pédagogique, équilibré, sur les risques. Et nous laissons en ligne toutes les pages de projet, même ceux en défaut », a expliqué Vincent Biot, directeur financier de Lendopolis.

Lendopolis défaut

[Les prêts en défaut sur le site Lendopolis]

Ce n'est pas une pratique généralisée. De nombreux sites affichent uniquement le taux de défaut dans son ensemble, sans détailler les entreprises qui n'ont pas remboursé, et se content d'informer les prêteurs discrètement par email lorsqu'une entreprise fait défaut.

« Il ne faut pas stigmatiser tel ou tel emprunteur et étaler sur la place publique qu'il a fait défaut. Il existe plein de forums pour s'informer », plaide de son côté Nicolas Lesur.

Mieux afficher les risques

L'association va cependant proposer à ses membres de « standardiser au mieux les informations sur les risques et les mises en garde vis-à-vis des prêteurs. » Elle s'accorde d'ailleurs avec l'UFC pour critiquer les indicateurs légaux de risques et de défaut : « Le taux de défaut n'indique pas le capital réellement perdu par les prêteurs. Il met sur le même plan des entreprises en liquidation judiciaire et les sociétés en retard de paiement sur quelques échéances. » Des discussions ont eu lieu sur le sujet avec le Trésor et le cabinet de Michel Sapin pour clarifier la définition du taux de défaut, ce qui nécessiterait une réécriture des décrets d'application. Pas forcément la priorité du moment à Bercy.

Financement Participatif France s'est aussi engagée à « recommander aux plateformes d'améliorer la rédaction » des conditions générales d'utilisation et celles de vente. Elle indique aussi avoir signalé à plusieurs de ses membres « des manquements à leurs engagements volontaires » en matière de bonnes pratiques et de déontologie, mais sans détailler.

En matière de risques, les acteurs du secteur soulignent que la diversification des placements qu'ils conseillent ne doit pas être perçue comme un appel à investir davantage. Accusé de pousser à la "consommation", le leader des prêts aux PME, Lendix, par exemple avait fait valoir de son côté que

« L'idée n'est pas d'encourager les prêteurs à allouer plus d'argent au crowdlending. Pour un montant total d'investissement donné, il est judicieux de répartir cette somme sur au moins 50 prêts et non sur un nombre restreint de projets. Grâce au montant minimum par prêt de 20 euros, c'est un objectif atteignable sans mettre une part disproportionnée de son épargne dans ce secteur.»

Plus rémunérateur que le Livret A ?

Tous les acteurs sont également très remontés sur les piques de l'UFC sur l'estimation du rendement. L'association de défense des consommateurs affirme en effet que « le financement participatif offre une rentabilité proche voire inférieure à celle du Livret A, sans offrir son caractère entièrement sécurisé et liquide ».

La FPF ne comprend pas la méthodologie et conteste les calculs de l'UFC qui fait état d'un rendement sur « une hypothèse réaliste » de 0,33%, soit dix fois moins que le rendement réel des 1.000 premiers prêts estimé par la profession (3,69%). Selon le baromètre du crowdfunding réalisé par KPMG pour FPF, pour un prêt de 416 euros sur trois ans (ce qui correspond au montant moyen), les intérêts nets perçus seraient de 17,40 euros au terme des 36 mois. Le président de FPF a voulu déplacer le débat sur le terrain « culturel » :

« Est-ce qu'on veut que l'épargne des Français soit uniquement sur des placements sans risque comme le Livret A ou qu'elle participe directement à financer l'économie réelle ? », a fait valoir Nicolas Lesur.

L'association des plates-formes de crowdfunding a cependant tendu la main à l'UFC pour ouvrir un dialogue afin de « construire cette nouvelle finance » ensemble.

Delphine Cuny

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Commentaires 6
à écrit le 03/03/2017 à 13:23
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Si ils avaient les cuisses propres ils ne pousseraient pas des cris d'orfraie ...

à écrit le 03/03/2017 à 12:59
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Récent et modeste investisseur sur des plateformes de financement collectif, j'ai lu l'article de La Tribune "L’UFC-Que Choisir éreinte les sites de [financement collectif] "miroir aux alouettes"" et je suis satisfait de voir aussi la réponse des act...

à écrit le 03/03/2017 à 7:33
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UFC Que choisir, devrait appliquer les règles de transparence, que la loi lui impose. Par exemple publier des comptes. Cela permettrait de connaître ses financement.

à écrit le 02/03/2017 à 22:29
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Les responsables du financement participatif devraient reconnaître les dérives de jeunesse soulignées par l'UFC Que Choisir plutôt que de mal se défendre et tenter de vouloir cacher les réels (généralement petits) défauts à corriger que les particuli...

à écrit le 02/03/2017 à 22:07
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Happy Capital vise à permettre aux dirigeants de PME qui n’arrivent pas à financer leur croissance, de rencontrer des investisseurs souhaitant placer leur épargne dans des entreprises qui les séduisent. Notre plateforme investit systématiquement ...

à écrit le 02/03/2017 à 15:29
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"construire cette nouvelle finance" Vaste programme ! C'est comme l'UE nous aurions plus vite et mieux fait de tout détruire pour tout reconstruire en éliminant tous les acteurs impliqués dans l'ancienne. Ce ne sont pas les Lois qui font...

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