Les projets de néobanques vertes bourgeonnent avec leur lot de promesses

Plusieurs fintech tricolores veulent donner la possibilité aux particuliers de financer la transition écologique en adoptant un compte en banque durable et transparent. Encore à l'état de projet, ces néobanques prévoient de se lancer d'ici la fin de l'année. Parviendront-elles à créer une vraie alternative aux banques traditionnelles ?
Juliette Raynal
La fintech Helios promet une banque mobile décarbonée. Dans l'Hexagone, Green-Got et Onlyone s'inscrivent aussi dans cette tendance.
La fintech Helios promet une banque mobile décarbonée. Dans l'Hexagone, Green-Got et Onlyone s'inscrivent aussi dans cette tendance. (Crédits : Helios)

"Ne laissez plus votre argent à la banque financer le réchauffement climatique", interpelle la néobanque Green-Got. "Ensemble créons une banque alternative, transparente et décarbonnée", propose Helios. "Contribuez à créer un monde bancaire positif", lance Onlyone. Depuis quelques mois, les projets de comptes bancaires présentés comme verts, éthiques et responsables se multiplient.

Portés par des entrepreneuses et des entrepreneurs engagés en quête de sens dans leur travail, ces projets promettent aux particuliers d'apporter plus de transparence sur l'utilisation de leur argent et d'avoir un impact positif sur l'environnement grâce à leurs achats et leur épargne. Le tout, associé à des applis mobiles reprenant les standards technologiques qui se sont imposés avec l'arrivée d'acteurs comme N26 ou Revolut.

Les banques, des acteurs décisifs de la transition

"Lorsque l'on parle de crise climatique, le lien est rarement fait avec les banques alors que ce sont des acteurs décisifs car elles ont la possibilité de modeler ce que sera notre monde demain, via le financement des projets qu'elles décident de soutenir", expose Maëva Courtois, cofondatrice et directrice générale d'Helios.

Passée par les salles de marché de La Banque Postale et du franco-allemand Oddo BHF, cette jeune ingénieure en mathématiques découvre le monde de l'investissement socialement responsable (ISR) en rejoignant le fonds d'investissement Exane. Une expérience qui la laisse sur sa faim.

"En lisant toutes sortes de rapports, j'ai été très étonnée de réaliser que les choses évoluaient beaucoup trop lentement dans la finance traditionnelle par rapport aux risques climatiques. Les objectifs fixés sont très lointains et les financiers n'exigent pas beaucoup des entreprises sur les aspects environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Cela reste très peu ambitieux", regrette-t-elle.

C'est de ce constat qu'est né le projet Helios, qui doit se concrétiser cet automne avec la création d'un compte courant avec lequel "aucun euro n'ira financer une entreprise qui représente un risque pour l'environnement", affirme sa cofondatrice. Dans cette optique, Helios explique avoir mis en place une liste d'exclusion "sans compromis", en bannissant de nombreux secteurs, comme le charbon, l'extraction pétrolière, les pesticides chimiques ou encore l'élevage intensif.

Un compte courant décarboné

A l'inverse, les investissements seront dirigés vers des infrastructures d'énergies renouvelables, de mobilité bas carbone ou encore dans l'agriculture biologique. Un tableau de bord doit permettre aux clients de visualiser simplement dans quelles entreprises leur argent a été investi et une partie des commissions d'interchange sera reversée pour financer des projets d'infrastructure dans les pays en développement.

L'ambition d'Helios rejoint celle de la fintech Green-Got. Elle aussi entend "décarbonner" le compte bancaire des particuliers. A 25 ans, sa cofondatrice, Maud Caillaux, observe que "peu de personnes savent que l'argent placé sur un compte courant permet de financer des entreprises". Et ce, via deux processus : d'abord via le placement des dépôts (une faible partie seulement car ils doivent répondre à des exigences de liquidités pour rester accessibles), ensuite via le mécanisme de création monétaire, qui permet de faire grossir le bilan d'une banque et, donc, d'augmenter sa capacité d'investissement dans les entreprises.

Partenariat avec des marques éco-responsables

Avec Green-Got, entre 20 et 30% du compte courant sera placé dans des actifs verts (dans des green bonds par exemple) promet la fintech, qui cherche encore un partenaire technologique et régulé pour pouvoir lancer son application bancaire d'ici la fin de l'année. La fintech prévoit aussi un système d'arrondi à chaque transaction pour financer des projets de reforestation et de protection des coraux, et de nouer des partenariats avec des marques écoresponsables.

Onlyone, dont le lancement est prévu en septembre, entend pour sa part se différencier en calculant l'empreinte carbone de la consommation de ses clients, grâce à la base carbone développée par l'Agence de la transition écologique (Ademe) et en leur permettant de la compenser. "Les néobanques ont répliqué le modèle bancaire avec une touche technologique et un fort accent porté sur l'expérience client. Avec Onlyone, j'ai voulu apporter une touche écoresponsable", expose Kamel Naït-Outaleb, son fondateur qui s'est lancé dans l'aventure entrepreneuriale après 17 années passées chez HSBC et LCL.

Des bons et des mauvais élèves ?

Helios, Green-Got et Onlyone ne sont pas les premiers acteurs à vouloir créer une alternative bancaire avec un impact positif pour la société et l'environnement  Dès sa naissance, en 1978, La Nef s'est posée en banque éthique avec pour objectif de financer les entreprises sociales, que ce soit dans le commerce équitable, l'agriculture biologique, les énergies renouvelables, le logement ou encore l'insertion sociale. Seul hic : elle ne propose pas de compte courant et reste encore peu connue du grand public.

Ces projets de néobanques parviendront-ils à faire la différence ? Certains observateurs du secteur jugent le discours marketing de ces nouveaux acteurs trop manichéen en collant systématiquement une étiquette de mauvais élève sur les banques traditionnelles.  De fait, ces néobanques en devenir citent volontiers une étude de l'ONG Oxfam, publiée fin 2019,  selon laquelle les investissements financiers des quatre plus grandes banques françaises représenteraient plus de deux milliards de tonnes de CO2, soit 4,5 fois les émissions de gaz à effet de serre émises par la France la même année.

"Les banques prennent conscience que la pérennité de leur modèle est liée notamment à la gestion des risques climatiques", nuance Matthieu Ribes, associé chez Mazars. "Investir dans une entreprise qui verdit son activité est potentiellement plus rentable sur le moyen et long terme", ajoute-t-il. La plupart des grands établissements prennent donc des initiatives pour verdir leurs activités, même si ces dernières peinent encore à convaincre l'opinion publique et les différentes ONG.

Du vert pour se différencier

En revanche, d'après Matthieu Ribes, "il y a un vrai enjeu de différenciation pour ces néobanques alors qu'une récente étude mettait en évidence la saturation du marché des banques en ligne". En début d'année, le cabinet KPMG dénombrait 26 banques mobiles présentes sur l'Hexagone.

"Est-ce que ces nouveaux acteurs vont tout changer ? Difficile d'y répondre car ils ne sont pas encore lancés. Leur intention est très bonne, mais tout va se jouer dans la pratique. Derrière le discours commercial, c'est la réalisation opérationnelle qui compte. Or, de nombreuses questions demeurent : Quel sera leur modèle économique ? Avec quelle licence évolueront-ils ? Vont-ils nouer des partenariats avec des banques ? Comment vont-ils mesurer l'empreinte carbone d'un consommateur ? Comment garantir que les fonds iront vers des entreprises vertes et locales ?"

Les trois fintech n'envisagent pas un modèle basé sur la gratuité, mais des offres autour de six euros par mois. "Avec ce modèle payant, nous prévoyons d'être bénéficiaires d'ici trois ou quatre ans. Nous reverserons alors 10% de notre bénéfice annuel au profit de projets à impact positif", avance Kamel Naït-Outaleb.

Pour garantir son engagement, Helios s'est, quant à elle, dotée du statut contraignant d'entreprise à mission. Elle a aussi noué un partenariat avec Solaris. Cette société allemande qui permet aux fintech de se développer rapidement en utilisant son infrastructure informatique conçue sous la forme de briques de Lego, dispose également de sa propre licence bancaire.

"Nous avons ainsi pu négocier directement avec Solaris afin que les dépôts bancaires de nos clients n'aillent pas sur son bilan. Cela signifie que cet argent est cloisonné", explique Maëva Courtois.

Concrètement, Helios gardera la main sur le choix des placements effectués avec l'argent de ses clients. En revanche, Onlyone a choisi de s'adosser à la startup Treezor, qui ne dispose pas de licence bancaire et qui appartient, depuis 2018, à Société Générale. Par conséquent, les dépôts des clients d'Onlyone pourraient être comptabilisés dans le bilan de la banque de La Défense.

Construire une alternative globale

Une zone de flou qui n'altère pas l'ambition de son cofondateur. Kamel Naït-Outaleb cible 150.000 clients dans un horizon à trois ans. De son côté, Helios revendique 5.000 pré-inscrits et vise les 10.000 clients à la fin 2020. "Nous voulons rapidement devenir une alternative globale et proposer dès juin 2021 une solution d'épargne", précise Maëva Courtois. Green-Got, pour sa part, espère séduire 25.000 clients dès 2021 et prévoit, à terme, de nouer des partenariats avec des plateformes de crowdfunding spécialistes de l'investissement responsable.

Toutes les trois cherchent également à lever des fonds, de quelques centaines de milliers d'euros à quelques millions d'euros, dans un premier temps. Aux Etats-Unis, la fintech californienne Aspiration, dont le modèle est proche, comptabilise 1,5 million d'utilisateurs. Elle a récemment levé 135 millions de dollars.

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ZOOM - Des fintech for good ?

Helios, Green-Got et Onlyone ne sont pas les seules fintech à vouloir faire de la finance durable et responsable. D'autres startup s'inscrivent dans ce mouvement baptisé "fintech for good". Parmi elles, la plateforme de crowdfunding Lita.co, qui permet aux internautes d'investir, dès 100 euros, dans des sociétés à vocation sociale ou environnementale. Incubée au Swave, la fintech Paygreen propose, pour sa part, aux e-commerçants d'afficher l'impact carbone des commandes de leurs clients et de leur permettre de le compenser ou encore d'arrondir le montant de leur commande au profit d'une association grâce à un partenariat avec la startup MicroDon, tout juste rachetée par la plateforme KissKissBankBank (La Banque Postale). La jeune pousse lyonnaise Mon Petit Placement a récemment lancé une gamme de placements permettant aux particuliers d'investir leur épargne tout en agissant pour l'égalité, l'emploi, le climat et la solidarité. La fintech canadienne Moka (ex-Mylo), qui vient tout juste de se lancer en France, veut permettre aux jeunes actifs d'épargner plus facilement grâce à un système d'arrondi automatique à chaque transaction par carte bancaire. Cette épargne "indolore" est alors conservée dans un portefeuille électronique et pourra, dans un second temps, être investie exclusivement dans des fonds respectants des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Au Canada, Moka a déjà séduit plus de 500.000 utilisateurs. Elle entend désormais s'attaquer à d'autres pays européens.

Juliette Raynal

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Commentaires 3
à écrit le 22/07/2020 à 19:14
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Sacrée belle arnaque !! Le web-cloud-cyber paradisiaque qui nous est promis pollue plus que nos bons vieux diesels. Mais comme ça ne se voit pas, nos dictateurs bobos écolos en herbe sont contents. Et en plus ça crée des chômeurs. A mourir de rire !!...

à écrit le 22/07/2020 à 15:43
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Elles ne pourront qu'être dépendantes des propriétaires du monde qui eux investissent massivement dans la destruction de la nature et de son humanité. Une finance vertueuse, une idée qui tourne en boucle sans jamais être en mesure de se réaliser de c...

à écrit le 22/07/2020 à 13:59
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Est ce qu'il suffit de peindre en vert une centrale au charbon pour qu'elle cesse de polluer? Le numérique, Internet participent à la crise climatique et notre effondrement, n'espérez pas que des technos gourmandes en énergie puissent sauver notre ci...

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